Comptes et décomptes de la “spirale de la mort” du JSF: $300 millions?

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…D’ailleurs on exagère à peine, même s’il s’agit de la fourchette supérieure ($250-$300 millions) offerte par Winslow Wheeler, avant de conclure: «…Start laughing.» Comme on le verra plus loin, les estimations de Wheeler sont largement confirmées de diverses sources officieuses, notamment en Europe.

Dans un texte publié par le Center of Defense Information (CDI) le 30 mars 2010 et par DoDBuzz.com le 1er avril 2010, Wheeler détaille longuement divers aspects d’un jugement de la comptabilité du JSF, notamment à la lumière de l’enseignement du coût du F-22. Le texte est long et détaillé. Il se termine de la sorte:

«Indeed, for the last half century, higher than anticipated unit costs have led to production stretch outs which inevitably lead to further cost growth. That is the inexorable “death spiral” that underlies progressively smaller production runs, higher costs, and shrinking, aging forces. Nothing the Carter-Fox team has done is changing that.

»The process has already begun. Just this week, based in large part on the admitted $114 to $135 million unit cost, Denmark deferred its decision to replace F-16s for two years. The United Kingdom, the Netherlands, Norway and Australia are all witnessing controversies that are likely to delay and/or truncate their F-35 purchases. But most importantly, at home in the US, factions in the US Navy are openly horrified at the crushing costs of the F-35. That, together with traditional Navy distaste for Air Force-dominated programs, may well lead the Navy to back out of the program, s it did in past decades with naval variants of the F-111 and the F-16.

»So, the question is not whether F-35 production will shrink, but by how much. Publicly admitted unit costs will go up; purchases by allies and ourselves will go down. The costs will increase further, and so on.

»F-35 unit cost is far more likely to stay around $200 million per copy, or to go up, than it is to reduce to the levels Carter and Fox now predict.

»It also worth remembering that the $200+ million unit cost anticipated here is incomplete. An accurate sticker price includes the total cost of development, testing, facilities and other factors amortized across the ultimate size of the fleet. With the fleet size shrinking by some currently unknown, but very substantial, factor, the unit cost for the total program is sure to grow to even more horrifying levels.

»Whatever that final unit cost may ultimately be, to predict it now will surely be met with gales of derisive laughter from the advocates of this ongoing disaster — gales that will last only until the actual bill arrives on their doorstep.

»Something between $250 and $300 million? Start laughing.»

Notre commentaire

@PAYANT …Un commentaire? Des commentaires? Ils vont tristement tous dans le même sens. La “spirale de la mort” du JSF frappe d’abord la perception qu’on a du programme. Pour ce cas, la perception n'est nullement trompeuse.

• La position des Israéliens, dit-on, s’est considérablement durçie par rapport aux exigences US concernant le JSF. De ce point de vue, les affres Netanyahou-BHO n’y sont peut-être pas pour rien mais cela pourrait conduire, cette fois, à une crise concernant l’aide militaire accordée à Israël, crise à l’insistance du Pentagone. Les dernières rumeurs font état des intentions israéliennes de s’en tenir à une commande de 20 F-35 comme seule perspective (même plus 25 d’une première tranche, suivis de 50 à 75 autres 3-4 ans plus tard).

• Des évaluations d’un groupe européen, notamment constitués d’experts accrédités par des forces aériennes impliquées dans le possible achat de JSF aboutissent à une évaluation de coût entre $190 millions et $215 millions l’exemplaire dans les conditions actuelles. Ces estimations rencontrent largement celles de Wheeler, compte tenu des problèmes qui vont encore surgir et, surtout, de l’effet de plus en plus probable de l’abandon ou du recul de tout ou partie des commandes non-US, qui vont encore faire monter les prix.

Il est admis aujourd’hui qu’on est entré, dans certains milieux farouchement atlantistes et absolument engagés dans le JSF, en Europe, dans un processus de réflexion au niveau des experts sur cette idée qui pourrait devenir inévitable, si l’évolution actuelle se poursuit: comment sortir du programme JSF sans s’attirer l’inimitié des USA? Ces réflexions ont lieu plutôt sur une base multinationale, pour empêcher les USA d’identifier et d’isoler tel ou tel pays sous l’accusation de vouloir “abandonner” le JSF. Un commentaire ironique d’un source à cet égard, dans un de ces groupes informels, est de dire : «Dans les années 1973-1975, il s’est formé un consortium de quatre pays européens pour acheter, en commun, donc dans des conditions avantageuses à cause des nombres additionnés, le F-16. Aujourd’hui, on pourrait voir se former un consortium de ce type, avec comme but commun: comment sortir “en commun” du JSF sans trop de mal, financièrement et politiquement?»

Les perspectives évoquées par Wheeler, qui sont tout sauf une surprise, contre lesquelles il n’y a guère d’argument sinon un silence officiel et la réaffirmation de la version officielle, constituent tout de même un cas réel de destruction implosive des forces aériennes des Etats-Unis. Comme les Européens, les USA ne peuvent acheter les JSF aux prix évoqués notamment par Wheeler, au nombre prévu, et la réduction nécessaire de la production, qui devrait être pour commencer de l’ordre de 30%-40% dès 2013-2014, entraînerait à son tour une augmentation du prix de l’avion, qui entraînerait à son tour une nouvelle réduction de commande et ainsi de suite. Spirale, sans aucun doute, d’ailleurs potentiellement plus proche, en ordre de grandeur, de l’exemple absolument irréel du B-2 que de celui du F-22 (le B-2: on est parti de 132 bombardiers à $180 millions l’exemplaire en 1982 pour aboutir à 21 exemplaires à $2,2-$4 milliards l’exemplaire en 1998-2004). Il faut commencer à envisager qu’aucun budget au monde ne puisse envisager de tenir les conditions qui pourraient se dessiner, par rapport aux besoins minimaux vitaux, notamment pour l’U.S. Air Force (l’U.S. Navy ayant d’ores et déjà aménagé sa position de repli avec les F-18 Super Hornet bricolés en mode “modernisation”, le Corps des Marines étant éventuellement invité à suivre).

En réalité, les conditions vont très vite se précipiter car l’USAF va, également très vite, se trouver devant des décisions à prendre. Par exemple, si elle est contrainte d’envisager à toute force une alternative, dont notamment l’achat de modèles anciens modernisés (F-16C Block 60 et F-15SE, au demeurant excellent chacun dans leurs catégories), il faudrait des décisions dans ce sens vers 2014, pour pouvoir aussi bien tenir les délais que permettre l’organisation de la production. Pour ce faire, il faudrait que la direction politique puisse envisager une telle orientation qui signerait l’arrêt de mort du JSF, alors qu’elle semble pour l’instant politiquement complètement prisonnière de ce programme.

C’est une situation inédite dans l’histoire de l’aéronautique militaire, dans l’histoire de l’USAF et dans l’histoire du Pentagone. Dans tous les cas semblables précédents, notamment le fameux TFX/F-111 auquel le JSF est si souvent comparé, la situation n’a jamais évolué vers ce qui semblerait être un point de rupture d’une puissance extraordinaire, et, bien entendu, elle n’a jamais concerné une perspective qui implique la mise en cause de la modernisation de l’ensemble de la flotte de combat d’une puissance comme les USA, sans égale dans ce domaine. C’est un cas d’école qui concerne désormais une lutte contre un système qui a échappé à tout contrôle. C’est bien un événement exemplaire de notre crise générale.


Mis en ligne le 3 avril 2010 à 18H34

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