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8 mai 2002 — On parle depuis quelques temps de la possibilité que Condoleeza Rice soit candidate à la fonction de Vice-Président (VP) en 2004, si Cheney décidait de ne pas se représenter avec GW Bush, essentiellement à cause de son état de santé. Un article très “people” (sous la rubrique women plutôt que “politique”) mais néanmoins informé aux meilleures sources, a été publié dans le Guardian du 6 mai. Au-delà de l'aspect classique de cette sorte d'article, classiquement promotionnel dans le sens de la communication (relations publiques/RP), il est aussi nécessaire de le remettre dans sa perspective washingtonienne, c'est-à-dire le cadre de la bataille continuelle en cours autour de GW Bush. Dans ce cas, l'article est d'autant plus intéressant.
La position actuelle de Rice, qui est le premier conseiller du président en matière de sécurité nationale à son poste de présidente du National Security Council, est d'une très bonne adaptation au courant dominant dans l'administration. Au contraire de Colin Powell, qu'on rapprocha au départ de Rice parce qu'ils étaient les deux Noirs du cabinet GW à des postes essentiels de la sécurité nationale, Rice a sans cesse durci sa position pour satisfaire à la radicalisation du cabinet. Cette évolution était déjà en cours avant le 11 septembre. Pour autant, cette évolution ne devait pas être nécessairement assimilée à une ambition pour le deuxième terme. A la fin de 2001, des contacts personnels rapportaient que Rice, très fatiguée par le rythme de travail depuis l'attaque du 11 septembre, envisageait d'abandonner son poste à la fin du premier mandat de GW.
L'article présente une tout autre situation, avec une Condoleeza Rice manifestement désireuse d'accéder à ce poste prestigieux de VP, mais cela ne signifierait pas qu'elle serait dans une position aussi puissante que celle qu'elle occupe comme présidente du NSC. Le VP actuel, Cheney, est une exception dans l'histoire de la vice-présidence. Il est très puissant parce que l'organisation de l'administration Bush l'a voulu ainsi, parce que Cheney représente des intérêts puissants, qu'il a une position de mentor par rapport à GW. Il n'est pas sûr du tout qu'une Rice VP disposerait de la même influence. Au contraire, la fonction de Vice-Président est de façon générale un étouffoir dans le système US, Cheney est l'exception qui confirme la règle.
D'autre part, évidemment, la perspective de Rice à la vice-présidence est un formidable coup de RP, ce que l'article, très orienté vers cet aspect, met bien en évidence.
« ''Putting the first African-American woman on the ticket would be historic, no doubt,'' says Marie Wilson, founder of the White House Project, a lobby group working to put a woman in the White House by 2008. She mentions Elizabeth Dole's failed Republican candidacy in 2000, recalling that she ''attracted women to her candidacy who didn't agree with her politics''.
» Which is exactly the thinking behind putting Rice on the ticket in 2004. Assuming Vice-President Dick Cheney doesn't run due to ill health (he has chronic heart trouble), pairing another big-money white guy with George Bush would be nothing but a yawn. But nominating Rice, the current National Security Adviser who, since September 11, has emerged as one of the most prominent and hawkish strategists in the US war on terrorism, would be another story. She would be the first African-American and only the second woman (Democrat Geraldine Ferraro ran for VP in 1984) on a major party presidential ticket. And the hype that double whammy would create on the campaign trail is proving irresistible to kingmakers whose job it is to explore such possibilities. So too is the prospect of peeling away thousands of women and black voters from the Democratic party, not to mention beating them at their own game. Conventional wisdom has long held that the first woman in the White House, like the first black American, would be a Democrat.
» ''Since September 11, foreign policy has been catapulted to the top of the national agenda, giving Rice a lot of visibility, credibility and authority,'' says Wilson. ''The fact that she is so hawkish actually gives her a strong chance of making it on to the ticket. Because when it comes to the crunch, men always ask one thing about women running for high office: how would she handle a war?'' »
Mais un autre aspect transparaît dans cet article, et c'est sans aucun doute le plus intéressant. Une autre personne est consultée dans l'article, William Kristoll, l'éditeur de l'hebdomadaire Weekly Standard et un des chefs de la fraction neo-conservative à Washington. Kristoll fait grand éloge de Rice, et cette position conduit à évoquer, par contraste, la haine féroce que ces super-faucons éprouvent à l'encontre de Colin Powell et du département d'État. Le nom de Powell, lui aussi Noir comme Rice, a déjà été évoqué pour une vice-présidence 2005-2009, avec GW. Cette perspective est un cauchemar pour les neo-conservatives : Powell, qui a une capacité d'influence sur GW, se trouverait en bien meilleure position qu'aujourd'hui pour l'exercer, s'il parvenait à reprendre une fonction de VP revigorée par le passage de Cheney. A l'inverse de Rice, la forte personnalité de Powell serait sans doute capable de prolonger cette position de force de la vice-présidence. Cela signifierait une formidable influence modérée sur le président, le cauchemar des neo-conservatives. D'autre part, on voit bien les avantages-RP d'une candidature à la vice-présidence de Powell, un Noir lui aussi. Au contraire, une candidature Rice désamorce complètement la possibilité d'une candidature Powell, en y ajoutant le piment d'un candidat qui serait une femme en plus d'être Noire, formidable argument de RP.
Voilà pourquoi on jugera cette poussée pour une candidature Rice avec quelque suspicion, lorsqu'on nous présente des arguments purement “humanitaires”, purement people (première femme, première Noire à ce poste, etc). il s'agit plutôt et d'abord d'une attaque, une de plus, contre Powell, singulièrement isolé au sein du cabinet GW Bush. Cela n'empêche pas que la perspective d'une candidature Rice est une chose éventuellement sérieuse mais c'est en même temps une manoeuvre politicienne washingtonienne. Ceci n'exclut évidemment pas cela.