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373L’idée centrale définit plus que jamais l’analyse générale de l’administration Obama devant les événements dans le monde arabe et au Moyen-Orient ; il s’agit de l’idée exprimée par Hillary Clinton du “perfect storm”, soufflant effectivement sur le monde arabo-musulman mais aussi sur Washington… Plus sur Washington que sur le monde arabo-musulman ?
• Certes, lorsqu’il s’agit de l’Iran, c’est le déchaînement de l’indignation de la secrétaire d’Etat Clinton (RAW Story le 15 février 2011)… «Secretary of State Hillary Clinton on Monday accused the Iranian government of “hypocrisy,” saying it must listen to the wishes of its demonstrators. “What we see happening in Iran today is a testament to the courage of the Iranian people, and an indictment of the hypocrisy of the Iranian regime – a regime which over the last three weeks has constantly hailed what went on in Egypt,” Clinton told reporters. “We wish the opposition and the brave people in the streets across cities in Iran the same opportunities that they saw their Egyptian counterparts seize.”»
• Lorsqu’il s’agit de Bahrain, où deux manifestants ont été tués par le service d’ordre qui a ouvert le feu, on passe par contraste au porte-parole du département d’Etat qui exprime sobrement une position mi chèvre mi choux, qui renvoie tout le monde dos à dos ou bien invite tout le monde, puisque personne n’est coupable, à se serrer la main... «The United States has expressed concern about unrest in Bahrain, where thousands of protesters are calling for democratic change similar to the process taking place in Egypt. State Department spokesman P.J. Crowley offered condolences to the families and friends of two people who have died. He welcomed a Bahraini government pledge to investigate the deaths and take legal action against security forces that used unjustified force. He urged restraint on all sides.»
Le Washington Post et AP, qui rapportent sobrement la nouvelle, précisent la cause évidente de l’embarras US (le 15 février 2011), – cela, sans surprise aucune : «After uprisings in recent weeks that have removed leaders from power in Egypt and Tunisia, the demonstrations represented another challenge to an Arab government that is a close partner of the United States.»
• Egalement hier
…Impuissance, sans aucun doute. Le président Obama n’a pas caché l’incapacité où se trouvaient les USA d’intervenir sur le cours des événements. «Obama argued that despite criticisms he had been too slow to embrace protestors, that he had been on the “right side of history” as Egypt's swift revolt unfolded, but said US could not dictate events. “What we didn't do was pretend that we could dictate the outcome in Egypt, because we can't,” Obama said, praising the country's military for giving off the “right signals” on reform after President Hosni Mubarak's ouster.
»The president, who has sought to improve US ties in the Middle East said that in the age of smartphones and Twitter, regional governments could no longer expect to simply crush dissent.»
Il interprète un peu, Obama, lorsqu’il fustige le gouvernement iranien parce que sa police a tiré, au contraire de ce qui s’est passé en Egypte (et comme cela s’est passé à Bahrain), car c’est tout de même oublier les quelques centaines de morts de la “révolution” égyptienne. Quoi qu’il en soit, il en revient toujours à la même conclusion… «“What's been different is the Iranian government's response which is to shoot people and beat people and arrest people.” […] But Obama insisted that the United States could not dictate what happens in Iran any more than it did in Egypt. “What we can do is lend moral support to those who are seeking a better life for themselves.”»
Le candidat Obama avait été élu sur le slogan “Yes, we can” ; le président Obama lui répond “No, we can’t” («What we didn't do was pretend that we could dictate the outcome in Egypt, because we can’t»).
Surprise ? Machination ? Rien de tout cela, mais l’évidence surtout. Les déclarations d’Obama, qui expriment d’une certaine façon une non moins incertaine sincérité, ne dissimulent pas le désarroi de Washington devant les événements. Ce désarroi est aussi fort qu’il l’était il y a un mois et se résument au fond au constat lui aussi évident : “the world is changing, et nous n’y pouvons rien”. Désormais, l’analyse US est fortement ancrée dans la perception d’une chaîne d’événements, c’est-à-dire d’un enchaînement dont la dynamique échappe complètement à la puissance US, aussi bien dans la maîtrise de la chose que dans sa compréhension conventionnelle (impliquant la reconnaissance de la puissance et de l’influence US). Du coup, tous ces événements sont liées les uns aux autres, comme l’on dirait d’un événement unique, au point qu’il (Obama) en arrive parfois à oublier de différencier l’Iran du reste pour les imprécations de rigueur. Nous pensons à ce passage où, effectivement, il ne fait pas de différence entre l’Iran et les autres : «The message that we've sent, […] has been, to friend and foe alike, that the world is changing.»
Quoi qu’on veuille bien proclamer, comme ceux qui affirment que le courant de soi disant “démocratisation” est une victoire posthume de Bush et des neocons, le ton est complètement, absolument celui du désarroi. Et l’incantation d’Obama du temps de la campagne (“Yes we can”) est devenu une sorte de prière qui prend en compte que “le monde change” (“Yes the world can”) et qui espère avec ferveur que cela ne se fera pas avec trop de dégâts, trop de bouleversements, trop de catastrophes hors de toute maîtrise américaniste, – hors de toute maîtrise humaine, disons…
Plus un mot de toute la rhétorique belliqueuse depuis 9/11, de tous les anathèmes contre le terrorisme et la Terreur, malgré les aboiements de joie des neocons qui resteront les plus habiles dynamiteurs de l’Histoire à n’avoir pas compris ce qu’ils dynamitaient. Ce qu’Obama est en train d’acter inconsciemment, notamment au travers de la reconnaissance implicite que cette chaîne d’événements constitue un phénomène unique, c’est la prise en main de ces mêmes événements par les grands courants métahistoriques qui n’ont guère de considérations pour les calculs humains, trop humains, – même si l’humain en question est américaniste. La puissance US, tout comme la politique américaniste-occidentaliste, se trouvent totalement désarmés devant le courant qui touche les pays arabo-musulmans. L’habituelle dialectique autour de la démocratie ou de l’absence de démocratie est en train de montrer les limites des convictions faiblardes qui les animent, pour imposer une explication à laquelle plus personne ne croit vraiment. Il y a une force implicite dans ces mouvements, qui se trouve plutôt dans leur rapidité et leur simultanéité symboliques, qui transforment la perception qu’on en a, qui en font effectivement un événement répondant à des pulsions supérieures ; ces caractères parviennent à imposer une transcendance de leur signification, qui devrait conduire peu à peu à la réalisation que ces mouvements constituent en réalité la manifestation d’un phénomène général qu’on pourrait qualifier de réaction métahistorique fondamentale, et qui s’exerce manifestement contre le Système et tous ses effets. La source profonde du désarroi américaniste se trouve dans la perception inconsciente, par les seules influences de la psychologie, de ce phénomène qui marque une avancée décisive de notre crise générale.
Mis en ligne le 16 février 2011 à 10H06
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