Conseil à Vladimir…

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Conseil à Vladimir…

Que peut faire Vladimir Poutine ? Car il est évident qu’il est au bord d’une crise intérieure qui risque d’aboutir à son renversement, – selon Pavel Felgenhauer, qui écrit notamment à la Jamestown Foundation, où son article est publié, avant d’être repris par ATimes.com le 23 juin 2012. (Tout comme la Jamestown Foundation fait partie, de façon extrêmement ouverte et avec pignon sur rue, du réseau US d’“agression douce” contre la Russie, Felgenhauer fait partie de ces commentateurs russes dont le travail est, à l’intérieur de ce contexte, de miner la position de Poutine. Wikipédia nous renseigne à profusion à ce sujet, à peine entre les lignes. Il s’agit donc d’avoir la chose à l’esprit, fermement ancrée.)

Cet article est intéressant à divers titres. Il est basé sur la description d’une situation sociale intérieure potentiellement explosive en Russie, à partir d’un rapport de Mikhail Dmitriev, directeur du Centre des Etudes Stratégiques de Moscou. Quelles que soient les orientations de Dmitriev, qui a dans son passé des références aussi diverses que ses liens avec le Centre Carnegie de Moscou (antenne russe de la fameuse fondation US) et que ses positions dans le premier gouvernement de Poutine comme conseiller économique, nul ne peut ignorer que la situation en Russie est incertaine, – mais que cette “incertitude” inquiétante pour quelque dirigeant que ce soit est la règle quasiment absolue, dans tous les pays du monde, dans l’état de crise générale que l’on connaît ; et nul ne peut ignorer que cette incertitude inhérente à l’époque est largement entretenue par les pressions de l’industry of regime change dont l’ambassadeur US à Moscou McFaul est un ardent promoteur et un éminent spécialiste, une sorte de promoteur publicitaire si l’on veut. Il y a donc un mélange d’effets dans cette perspective, – effets des réalités objectives et des réalités construites sur l’activisme subversif. Felgenhauer reprend à son compte l’affirmation de Dmitriev selon laquelle Poutine va chercher à compenser cette incertitude intérieure par une politique extérieure plus affirmée sinon agressive, et il la poursuit par l’affirmation que Poutine agite le spectre d’un “complot extérieur” anti-russe, – auquel, précise Felgenhauer, lui-même (Poutine) semblerait croire…

«The CSS report predicts that the internal political, social and economic crisis will increasingly influence Putin's foreign policy, foreseeing attempts to “compensate internal political failures with populist foreign policy actions.” Russian foreign policy may turn into an appendix of internal political troubles, becoming “less realistic and increasingly indoctrinated”. Instead of pragmatically pursuing Russia's long-term national interests, Putin's Kremlin seems bent on pigheadedly confronting the United States on almost any global or regional issue, guessing that the Russian public will approve. The Kremlin is attempting to paint the pro-democracy movement in Russia as a Western (American) plot and part of a global anti-Russian conspiracy. […] It is possible Putin himself believes this narrative.»

Et Felgenhauer d’enchaîner aussitôt qu’en réalité, la politique étrangère de Poutine ne va pas être “graduellement” influencée par ce désir de compenser la situation intérieure telle que Dmitriev le prévoit, mais qu’elle est d’ores et déjà brutalement passée à cet état. En témoigne ce qui est décrit par l’auteur comme l’attitude russe “de plus en plus erratique, agressive et irrationnelle en Syrie”…

«Putin's return to the Kremlin early this year could have been expected to make Russian foreign policy more aggressive and assertive. But what is happening at present seems to be more than anyone predicted, as demonstrated by the increasingly erratic, aggressive and irrational stand on Syria. Reports have been circulating for some time about a possible deployment of Russian combat troops in Syria. In recent days, rumors originating in Russia and abroad have alleged Russian marines and warships were already sailing to Syria or were imminently ready to sail. The reports were denied by authorities, then partially or unofficially confirmed, and then denied again.»

Suit en effet une description des diverses péripéties des trois ou quatre dernières semaines sur les mouvements ou pas de la flotte russe, l’envoi ou pas d’hélicoptères neufs à la Syrie et ainsi de suite. Sont aussi mises en évidence les soi disant hésitations, nouvelles contradictoires, etc., venues de Russie à ce propos, et voilà donc le signe de la politique russe “erratique, agressive et irrationnelle en Syrie”. Ce diagnostic est à la fois partiellement acceptable lorsqu’on s’en tient aux détails, et complètement stupéfiant de fausseté lorsqu’on l’apprécie dans sa globalité. L’auteur met de côté sous une expression vagues ou l’autre (“diverses sources”) le fait que le romancier (auteur de narrative) principal, voire exclusif de l’affaire dans la chronologie, est le bloc BAO, qui décrit depuis des semaines, à l’aide de “nouvelles” spéculatives, montages divers, bribes d’informations non confirmées et erreurs pures et simples largement démontrées, les signes par conséquent fabriqués par lui-même (le bloc BAO) de cette politique russe “erratique, agressive et irrationnelle en Syrie”. (Il s’agit ici des “mouvements de guerre” et autres). En quelque sorte, et pour renvoyer la balle qui doit pour sa bonne santé circuler d’un camp à l’autre, et parce que le bloc BAO et ses amis plus que tout autre sont coutumiers zélés de cette sorte d’hystérie psychologique, – «It is possible [Felgenhauer] himself believes this narrative». (Et encore : “il est probable, et infiniment plus que probable, que le bloc BAO lui-même croit à cette narrative”.)

La conclusion est, par conséquent, orwellienne au second degré, selon une construction de narrative (celle du bloc BAO) qui n’interprète pas à l’inverse les réalités, mais qui installe dans l’hystérie d’une affectivité exacerbée des réalités complètement prisonnières de sa psychologie terrorisée pour pouvoir constater qu’en agissant comme il le fait par rapport à ces réalités inverties devenues vérité du monde, Poutine et la Russie montrent indubitablement qu’ils sont erratiques, agressifs et irrationnels ; façon convaincante de démontrer a contrario qu’il (le bloc BAO) l'est lui-même, avant tous les autres, en exclusivité si l'on veut, et imposant aux autres ce courant déstructurant et nihiliste… D’où une conclusion abrupte de l’auteur Felgenhauer, mais qui semble pourtant à la fois complètement logique, et presque modérée, presque apaisante, par rapport à la situation faussaire décrite comme vraie par le romancier de la narrative.

«Russia's stubborn defense of the crumbling and bloody Bashar al-Assad regime has long been puzzling observers as irrational and damaging to Russia's long-term interests in the Arab and Muslim world, while infuriating the West. A deployment of a limited military contingent alongside Assad's forces under the pretext of defending Russian citizens (the same pretext was used to invade Georgia in 2008) could surely further worsen the situation.

»Of course, the rationale of such actions may indeed be internal: to boost nationalistic passions by openly confronting the West and, possibly, splitting the opposition protest movement's leftist, nationalistic and liberal wings. Such a foreign policy, based primarily on internal political considerations, is highly risky; it could easily drag Russia into an overseas conflict that it is not prepared to fight or win.»

Il est vrai que nous avons abordé ce texte avec un état d’esprit critique et défavorable, le voyant comme une pièce de plus d’attaque de désinformation pure contre Poutine et le gouvernement russe. A sa lecture détaillée, nous nuançons cette appréciation, alimentant indirectement notre thèse que le calcul rationnel fondateur de la désinformation souvent présent en partie a été complètement remplacé par l’affectivité, qui fait de la raison un outil (“idiote utile”), qui peut donc utiliser la capacité de la raison de penser logiquement à partir de données absolument fausses, déterminées par cette même affectivité fondamentale qui gouverner toutes les réactions. (La boucle est bouclée.)

L’intérêt d’une telle démarche, – et de ce texte en particulier, – c’est qu’elle a d’abord des fonctions de “modèle” de ce que leurs psychologies terrorisées, ou disons leur psychologie-Système en tant que telle, arrivent à produire, et nous avons vu comment procède la raison-“idiote utile” pour cela. C’est aussi que des vérités sont exposées par inadvertance, et dans le sens contraire voulue par l’auteur, mais qui peuvent être exploitées comme telles une fois qu’elles sont redressées, – et ce dernier point va faire l’objet du petit commentaire qui suit… Bien entendu, ces jugements engagent notre perception contre celle de Felgenhauer, et sa version comme une narrative contre la nôtre qui prétend ne pas l’être. Il n’y a aucune référence objective pour personne, pour départager la chose ; pour en juger, nous observerons que cette situation pèse plus pour Felgenhauer et le bloc BAO que pour nous parce que les premiers sont habitués, en tant que serviteurs et asservis du Système, à disposer de références comme d’autant de cuirasses où cadenasser leur pensée, et donc une pensée qui n’est guère habituer à agir d’elle-même, et qui serait ainsi tentée de se fabriquer des références qu’elle n’a plus (c’est exactement la fonction des narrative qu’ils fabriquent). Nous prenons le “risque” de cette affirmation, qui n’en est pas un, qui est plutôt un engagement, une prise de position consciente et ferme, et nous verrons comment la vérité nous départagera.

Cela écrit, voyons en quoi ce texte est paradoxalement utile. En fait, par inadvertance et au nom d’arguments et d’analyses contraires, Felgenhauer (et Dmitriev) disent ce que nous ne cessons de dire. (D’une façon explicite pour la séquence actuelle, au moins depuis le 8 décembre 2012 : «L’issue temporaire la plus prometteuse autre que cette simple lutte contre le désordre qui monte resterait pour Poutine, plus que jamais à notre sens, un appel du Premier ministre devenu candidat à la présidence à la mobilisation, à la dénonciation des dangers extérieurs qui sont moins géopolitiques que systémiques, – la vision de cet enchaînement irrésistible de la crise d’effondrement du Système, – qui s’exprimeraient par ailleurs, effectivement, par la politique qu’on peut, qui est celle du durcissement contre les entreprises extérieures de ceux qui sont les plus proches du Système (le bloc BAO).»).

Nous ne faisons donc que nous répéter en disant qu’il nous semble inévitable que Poutine doive effectivement mettre de plus en plus l’accent sur la politique extérieure de la Russie, et celle-ci devenant de plus en plus une affirmation contre le courant de surpuissance déstructurante et nihiliste qu’est devenue la politique du bloc BAO en tant que politique du Système entrée dans sa dernière phase (surpuissance-autodestruction). Nous dirions que c’est là, contre l’agression de “psychologies terrorisées”, une fatalité psychologique encore plus qu’une nécessité politique, et encore bien plus qu’un calcul politique. La Russie, sous la direction de Poutine qui entend maintenir la cohésion de sa politique et la cohésion du pays par conséquent, ne peut évoluer que vers une psychologie de mobilisation patriotique, avec une forte composante spirituelle, pour tenir ferme dans l’actuel courant de déstructuration psychologique. On voit que l’argument est similaire dans sa prospective, sauf qu’il est complètement inversé dans le fondement de cette prospective, selon l’argument qu’aujourd’hui les évènements généraux (ce qu’on nomme “politique extérieure” ou “relations internationales”) sont d’une telle puissance et charrient une telle influence qu’ils emportent et règlent les évènements intérieurs, donc que c’est bien la dynamique de la politique générale qui détermine les décisions et le orientations intérieures.


Mis en ligne le 25 juin 2012 à 06H06

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