Conseils à un jeune prince devenu Roi

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Conseils à un jeune prince devenu Roi

Une vacance de l’exécutif

Cela fait 5 mois que se sont déroulées les élections législatives au Maroc avec un taux de participation appréciable. Les urnes n’ont pas tranché en faveur de l’un des partis en lice, elles n’ont pu dégager une majorité nette  à la Chambre des Représentants.

La formation sortante, le PJD, est celle qui a reçu le plus de voix. S.M. Mohammed VI a, selon la règle   constitutionnelle, désigné l’ancien chef de gouvernement pour en composer un nouveau. Les tractations pour les attributions des nominations à des ministères régaliens entre les différents partis offrent un feuilleton à rebondissements qui ne passionnent pas les foules.

Cette vacance de l’exécutif est riche d’enseignements.

Cinq mois sans gouvernement n’empêche en rien le traitement des affaires courantes, l’administration a sa propre inertie et logique de fonctionnement acquises depuis des décennies d’indépendance. Le conflit public entre les chefs de partis témoigne d’un appétit de pouvoir, d’honneurs et d’avantages pécuniaires sans promouvoir en aucun cas un débat d’intérêt collectif réellement politique.

L’ancienne législature avait porté le PJD car il apparaissait comme un projet neuf qui allait mettre en œuvre un assainissement de la corruption endémique de la vie publique, vécue péniblement et quotidiennement par le citoyen dans la moindre de ses démarches. Vers la fin de son mandat et à la veille des élections, Benkirane, Premier ministre, a certes dénoncé une pratique sinon illégale du moins indélicate d’acquisition de terrains domaniaux à un coût très en dessous de leur valeur foncière par quelques élus. Il en a informé le public qui s’en est indigné mais il n’a pour autant pas engagé de poursuites, signant là son impuissance réelle, validant par cette inaction qui a décuplé l’indignation première l’inutilité de sa primature.

L’impotence revendiquée par le gouvernement Benkirane en matière de moralisation de la vie publique s’est redoublée péjorativement d’une pratique très répandue dans toutes les démocraties représentatives avec alternance partidaire. Celui-ci a implanté dans toutes les administrations des membres de sa famille biologique et de sa famille politique. Ce qui aurait pu s’apparenter à une rénovation et au nettoyage d’un appareil encrassé  apparaît pour ce qu’il est, un noyautage, une infiltration et une prise en mains de rouages qui continueront à servir en coulisses le PJD même quand il quittera la scène.

Le PJD n’a ainsi pas satisfait la mission première que lui avaient confiée avec une ferveur candide ses électeurs.

Mais il n’était pas le parti neuf et dénué de toute tâche.

Il avait en particulier accompli son rôle pour le compte d’une nébuleuse politique constituée pour contenir l’influence grandissante d’une gauche revendicative et dévouée au petit peuple l’assassinat d’un grand leader, un véritable Robespierre marocain incorruptible, le syndicaliste Omar Benjelloun. Le PJD a reçu par ailleurs des subsides d’ONG américaines qui lui ont enseigné des techniques de prises de paroles et de rhétorique, de collecte de fonds et tout l’outillage utile à opérer des révolutions colorées de plus ou moins grande visibilité.

Effervescence de l’activité royale

Parallèlement à cette vie politique atone que ne relèvent que quelques scandales, parfois sexuels, plus ou moins épicés, on observe que le Roi multiplie ses voyages à l’étranger.

Il sillonne l’Afrique pour renouer avec les pays de son continent.

Cette démarche tient de la prospection économique pour des entreprises marocaines qui commencent à atteindre des tailles dépassant les capacités du marché intérieur.

Elle recherche aussi des alliés dans l’Union africaine à laquelle le Maroc vient d’adhérer dans l’épineux problème du Sahara marocain, libre de l’occupation espagnole depuis 1975 alors que le reste du pays a recouvré son indépendance près de trente ans auparavant.

Mohammed VI a fait plus que représenter et défendre les intérêts classiques du Maroc.

Il a accompli un pas vers les puissances économiques et politiques  dites ‘émergentes’ alors qu’elles sont plus que confirmées désormais. En mars 2016, lorsqu’il est reçu au Kremlin, il n’a pas affronté le froid de Moscou pour seulement vanter la qualité des agrumes et des produits maraîchers marocains. La Russie est déjà un bon client des produits agricoles et le Maroc se ravitaille en pétrole auprès d’elle. Il a été question de relations internationales et sans doute de Crimée et de Sahara marocain dans un contexte de report d’affection du tuteur étasunien vers le voisin algérien. L’Algérie augmente ses relations commerciales avec les Usa et donne à Exxon une partie de son territoire saharien à explorer sans compter le rehaussement de coopération sécuritaire, terrorisme oblige. Un vrai risque est encouru par une Algérie jusque là relativement à l’abri d’ingérences directes étasuniennes sur son territoire en raison  d’une prise en main  de son maillage d’espionnage et de contre-espionnage.

Mohammed VI est en voie de s’affirmer comme non plus chef d’Etat mais homme d’Etat.

Il prononce à Ryad en avril 2016 devant ses confrères des pétromonarchies du Golfe un discours souverainiste qui dénonce les ingérences de pays tiers dans les affaires intérieures des pays arabes. Ce parfum de revendication de non-alignement inquiète ses partenaires traditionnels qui voient dans la recherche d’autres alliances un virage anti-occidental.

La prise en compte de la réalité économique internationale et de l’actuel rapport de forces tel qu’il se dessine entre une zone en effondrement à la fois moral, politique et économique et une Eurasie qui voit son poids démographique et intellectuel ainsi que celui de son PIB en croissance continue est considérée comme un acte d’hostilité.

Il apparaît à nombre d’Africains le caractère urgent et impérieux de se libérer des circuits commerciaux ainsi que de monnaies dont ils sont captifs encore sous contrôle étroit des anciennes métropoles impériales, et intensifier les relations Sud-Sud.

Cette posture panafricaine de Mohammed VI lui a été dictée par la légitime question du Sahara marocain dont la marocanité historique est plus qu’attestée mais qui lui est contestée par un ordre politique supranational.

La vulnérabilité marocaine est dès lors très ouvertement affichée à son extrémité caudale. D’autres lignes de fragilités se signalent dans le sillage de la revendication du Front Polisario.

La politique de remaniement des pays du Grand Moyen Orient

Selon la doctrine néoconservatrice manifestée depuis 2000 par les administrations successives de la Maison Blanche, il faut morceler tous les pays de la région, Afrique du Nord incluse. Le célèbre plan Odded Yennon dessiné par un obscur bureaucrate des Affaires Etrangères de l’entité sioniste y ressemble au point d’imaginer qu’il l’ inspirée.

Toutes les frontières dessinées avec des règles et une plume trempée dans le sang des indigènes selon les intérêts des anciens occupants seront remises en cause.

Ne cesseront les conflits orchestrés depuis l’extérieur qui ruinent les peuples qu’une fois constitués de minuscules principautés homogènes ethniquement et religieusement.

Le modèle de construction de telles réalités aussi artificielles que le Koweit dont l’Irak a été amputé par le Royaume Uni tient paradoxalement à la fois des idéologies du sionisme et du nazisme. Toutes deux aspirent à la réalisation d’espaces monomorphes du point de vue racial (mais quel lien de sang entre un Yéménite et un Moldave juif ?), linguistique et cultuel, fut-ce au prix de guerres interminables et ingagnables.

Le Maroc est désormais menacé d’une fragmentation selon ses aires linguistiques.

L’association amazigh mondiale dans le cadre d’une régionalisation avancée demande à l’Etat marocain une autonomie avec pleins pouvoirs en particulier sur les ressources naturelles. Elle fait ressurgir des revendications élaborées et déjà formalisées dix ans auparavant.

Une déclaration signée en mars 2007 par des associations berbéristes réclame une autonomisation de la région du grand Souss dans un cadre fédéraliste et démocratique.

Tout de suite après, d’autres associations rifaines réunies en août 2007 à Nador avaient lancé le Mouvement pour l’autonomie du Rif.

La réactivation, près d’une décennie après, en ce moment crucial de négociations diplomatiques concernant le Sahara de ces factions aux tendances centrifuges et menaçant l’unité du pays ne semble pas un simple hasard de calendrier.

Il serait temps pour les autorités morales concernées de réfuter cette idéologie séparatiste mortifère qui va réduire un grand pays, riche de ses diversités, à un conglomérat de tribus qui s’offriront au mieux disant du marché frelaté ‘culturel’.

La menace d’agitations sécessionnistes se précise

Toujours sous couvert de démocratie et de libertés individuelles, une conférence débat est organisée à Paris le mercredi  22 février 2017. Le thème, tout à fait honorable, en est la ‘Liberté de la presse au Maroc’.

Parmi les invités, un journaliste, Abdsammad Aït Aïcha appartient au réseau Freedom Now. Cette officine dont le nom sonne comme un slogan a été créée et financée par le prince Moulay Hichem, cousin germain de Mohammed VI. Le fils du prince Moulay Abdallah et Lamia Solh est gardé au chaud par les Usa où il réside dans le cas d’un chaos organisé et d’une vacance de pouvoir qui serait vite comblée. La succession irait ‘légitimement’ à un surgeon de la dynastie alaouite, ce qui pourrait satisfaire des masses paysannes et présumées ignorantes par les NED et leurs équivalents liés à Soros.

Le deuxième journaliste d’investigation invité présente également des affiliations exhibées. Hicham Mansouri a été membre de Freedom Press Unlimited, il collabore maintenant avec International Media Support. L’IMS publie l’origine de ses fonds qui proviennent des gouvernements des pays scandinaves, Suède, Danemark et Norvège. La Freedom Presse Unlimited , basée aux Pays-Bas, ne communique pas de façon claire sur la provenance de ses fonds. Mansouri a accompli dix mois d’emprisonnement pour délit d’adultère, les droitsdelhommistes marocains en ont appelé au Représentant spécial du Conseil des droits de l’homme de  l’ONU pour détention arbitraire et entrave à l’exercice libre du journalisme d’investigation. Avec 6 autres membres de l’Association marocaine des journalistes d’investigation, il a été poursuivi pour atteinte à la sûreté de l’Etat et pour deux d’entre eux, la non déclaration de subsides obtenus de l’étranger.

Il est souhaitable pour toute société qu’elle admette des sources d’information indépendantes du pouvoir en place mais à la condition qu’elles le soient aussi de tout lobby et surtout que leur support financier n’émane pas de l’étranger et/ou ne reste pas occulte.

La technique prédatrice de la Grande Police Mondiale pour imposer sa démocratie opère en s’appuyant sur des mécontentements souvent légitimes d’une fraction de la population de l’Etat visé. Il y a encouragement, en général aidé logistiquement et financièrement, de son action de protestation publique. Le régime à fragiliser puis à abattre réagit par le mouvement escompté de répression. S’ensuivent de nouvelles protestations confortées par la disproportion constatée et la punition inappropriée. Les Medias s’emballent, alertés par les Amnesty International et Human Rights Watch, les préposés institutionnels à la distribution des bons et mauvais points démocratiques.

Et ainsi en boucles itératives et de plus en plus exaltées jusqu’à l’estocade finale d’une Révolution toute en couleurs et ferments de la  casse de l’Etat en question.

L’âge de raison

Le Sahara et la formidable Union du Maghreb.

Cela fait bientôt 40 ans que le Maroc défend sa position pour la reconnaissance internationale de la marocanité du Sahara occidental.

Ce processus s’est avéré coûteux en énergie et en investissements financiers à fonds perdus. Il serait temps que soit résolu ce conflit de basse intensité entre deux pays voisins entretenu par les marchands d’armes et les agents de la perpétuation de division dans le monde arabe.

Peut-être faudra-t-il envisager avec courage une nouvelle issue pour la négociation politique du devenir de ce territoire marocain avec des conditions de traités de non agression mutuelle tripartite voire quadripartite, incluant l’Algérie, le Sahara Occidental ,la Mauritanie et le Maroc.

La Grande Syrie a bien consenti à voir se détacher d’elle le Liban, la Palestine, la Jordanie et Antioche pour s’assurer des limites géographiques autrefois garanties par l’ONU.

Pour autant, il n’y a pas de renonciation à une fédéralisation ultérieure de ces entités éclatées.

L’Irak pour ne pas avoir accepter la soustraction de sa province du Koweit opérée par le RU a fini par se voir transformée en véritable trou noir antimatière du Moyen Orient.

En stratégie militaire, il faut savoir perdre un peu pour gagner beaucoup.

Une autonomie certes, mais elle assurera par traité un accès prioritaire du Maroc aux ressources et aux investissements déjà consentis.

Plus que cela, le Maroc aura à travailler avec honnêteté opiniâtre à la construction d’un Maghreb Uni qui pèsera de ses plus de 100 millions d’habitants, ses richesses et son savoir-faire, sur le devenir  du pourtour méditerranéen, recentré sur son versant naturel du Sud. Il faut requérir autour de cette ambition l’enthousiasme d’une jeunesse oisive qui ne demande qu’à s’employer dans  une ambitieuse initiative, nécessaire et à portée de rêve et de mains. Voilà qui découragera plus d’une ONG mal intentionnée et plus d’une puissance déclinante qui tente de retarder sa chute en entraînant avec elle ses anciens et nouveaux alliés dans des guerres interminables. Voilà qui améliorera les conditions de vie matérielle et morale d’une bonne centaine de Maghrébins qui ne soucieront d‘émigrer vers des pays eux-mêmes en prise avec la crise et le chômage de masse.

L’Histoire retiendra les hommes de bonne volonté qui auront à cœur de concrétiser une telle Œuvre comme des Héros qui auront assuré une bascule heureuse d’un monde bien agonisant vers celui qu’ils auront aidé à enfanter.

Badia Benjelloun