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12334 octobre 2013 – Mis à part le décompte lassant de ce qui fonctionne et de ce qui ne fonctionne pas aux USA depuis le 1er octobre, il y a les diverses spéculations sur celui, ou ceux qui sortiront vainqueur(s) de cette épreuve de force que constitue l’actuel government shutdown. Cette prospective plutôt comptable et, dans tous les cas, politicienne, est rassurante. Elle implique nécessairement que tout se passe à l’intérieur d’un système aux règles du jeu bien précises, auxquelles tout le monde se réfère, et qu’il y aura un gagnant et un battu, ou une sorte de match-nul, – donc, ouf, qu’il y aura “sortie de crise”. (Bien entendu, le “système aux règles du jeu bien précises” est celui de l’américanisme, dans sa version très spécifique de Washington, D.C., et perçu comme manifestation opérationnelle principale du Système.) Elle implique nécessairement, cette prospective, que le système de l’américanisme dans sa version politicienne des jeux du pouvoir est en place, en bon état de marche, et que tout le monde s’y conforme. C’est là le nœud du problème, ou de la crise si l’on veut. Une hypothèse dissidente apparue depuis quelques temps, et vérifiée en une occasion ou l’autre, est non seulement que tout le monde ne s’y conforme pas mais que personne ne s’y conforme parce que tout le monde n’a plus la psychologie adéquate pour s’y conformer, si encore cette psychologie leur permet de sa rappeler qu’il y eut cette mécanique presque parfaite avec ses règles du jeu. (Pour faire plus chic que “mécanique...”, on cite les Founding Fathers et on met sur la table, comme atout décisif, comme on abat son carré d’as, la formule check & balance.)
Il y a, à notre sens, plusieurs éléments importants à considérer, qui rendent cette “crise”-là d’un government shutdown par ailleurs pas si exceptionnel que cela, inhabituelle et hors du standard de la chose. Mais qui s’en étonnera alors que nous vivons un temps hors des standards et des séries... D’abord, on exposera quelques considérations générales, venues d’un expert financier (Patrick L. Young, conseiller en investissement à New York), qui montrent que, même observée d’un strict point de vue technique (financier, budgétaire, économique), il y a quelques éléments plus généraux qui sont très spécifiques, et même un seul élément spécifique englobant tout le reste. C’est pourquoi l’on insiste particulièrement, à cet égard, sur l’observation que le président Obama semble complètement se trouver hors de son rôle, n’exerçant aucun leadership particulier dans cette séquence, semblant ne pas être vraiment in charge, “in control of the nation”, etc. ; et cette insistance de notre part, parce que ce sentiment se retrouve dans les avis de nombre d’experts des mêmes milieux, et qu’il est le nôtre également pour d’autres domaines que cette crise-là, qu’il s’agit bien d’une posture générale d’Obama. (Il s’agit d’un extrait d’une interview de Young, sur Russia Today, le 2 octobre 2013. Dans l’interview, la référence à 1995, en fait fin 1995-début 1996, désigne le précédent government shutdown.)
Russia Today: «Patrick, you are an investor, so what does this do to you and the trust of people like you in America now?»
Patrick Young: «Unfortunately this is another example of how difficult it is to trust the American government machine. And machine it is because truly what has been shut down at the moment is a massive leviathan, even compared to what it was in 1995. But ultimately what would we like to see as investors is leadership and that is one of the problems we have at the moment. In 1995, the shutdown was quite different. Bill Clinton as president did seem to be in charge of the country. Unfortunately, Mr. Obama seems to be occupying the White House, but he doesn’t give us any confidence that he is actually leading the US...» [...]
Russia Today: «Do you think the US could suffer a default if this crisis continues?»
Patrick Young: «Absolutely. There is no reason why it can’t end up with a default. What we’ve got is Mr. Obama who is affectively happier to go off and negotiate and have a quick conversation on the telephone with the president of Iran than he is to talk to those who are, after all, democratically elected representatives in Congress. There is a problem. That is not to say that those in Congress aren’t being remarkably stubborn at the same time. But then again, everyone has been driven to extremes. We know that during the last time the US reached such a hiatus, America lost its wonderful, glittering, top-tier triple A rating. It lost that because Mr. Obama does not seem to be in charge of the country and because he is certainly not stewarding the finances in any way that is remotely coherent going forward...»
Cette irresponsabilité avérée d’Obama se traduit actuellement par une extraordinaire poussée contre les républicains, désignés par Obama et ses divers soutiens comme les responsables essentiels, sinon exclusifs de la crise. Cette analyse est largement partagée par l’essentiel de la presse-Système européenne, qui peut réconcilier ses conceptions libérales et pseudo-progressistes avec son soutien quasi-mystique au premier président africain-américain des USA. (Cela permet d’oublier pour quelques jours de vacances intellectuelles la militarisation policière des USA, la NSA, les drones-tueurs, Guantanamo et ainsi de suite.) A notre sens, cette situation reflète ce que nous nommerions “l’écume des jours”, l’apparence, la surface clinquante qui, seule, intéresse ce monde des élites-Système, – et nullement la vérité de la situation. (Confirmation mais contestation, de John Nolte, de
L’irresponsabilité avérée d’Obama ne lui est pas propre même s’il en est le stéréotype par son caractère et son comportement, et bien sûr au plus haut niveau ; il ne fait que refléter le climat général à Washington, la crise fondamentale de Washington et du Système ; en cela, ce président est absolument conforme-Système. Il est piètre d’inconsistance dans le fait de son absence de volonté politique, sinon pour les entreprises partisanes et les figurations de communication qui permettent d’entretenir l’image de lui-même qui constitue le principal atout électoral de tout politicien-candidat. Au furieux «Be a leader. Be presidential !» de l’acteur (précisons : africain-américain) Samuel L. Jackson, partisan enthousiaste d’Obama qui critique aujourd’hui le comportement et les discours très “popu” du président, Obama répond simplement qu’il n’a finalement jamais véritablement abandonné la posture de candidat qui lui allait si bien, dans laquelle il se sent toujours bien, qui lui permet de s’abstenir pour les grandes décisions et de mener sa petite guérilla anti-républicaine dont il n’attend que des effets de manche. Mais encore une fois, – voilà qui vaut pour les autres autant que pour Obama, – sauf... (On verra plus loin.) Ainsi sont-ils, pour la plupart, à Washington, refusant d’assumer vraiment le rôle que le Système leur attribue, pour s’en tenir à une figuration confortable et qu’ils croient honorable, – et qui s’avère lamentable, et si inconfortable quand la crise fond sur eux.
C’est ce que McClatchy.News nomme (titre de son analyse du 3 octobre 2013) : «Ending the shutdown: So many options, so little political will» Le texte signifie par là qu’il y a beaucoup de combinaisons possibles pour parvenir à un déblocage de la crise, qu’elles sont difficiles à étayer et à boucler mais nullement impossibles, pour des hommes politiques chenues et expérimentés, et alors que l’enjeu est d’une telle importance : «Of course, all of these options are contingent upon all sides having the will to compromise, something that isn’t easy in today’s superheated 24-hour news cycle, according to Paul Begala, a former Clinton adviser. When Clinton and Gingrich were negotiating, Twitter and Facebook didn’t exist, Fox News and MSNBC weren’t on the air, and conservative talk radio was taking off as a force in American politics. “The democratization of the media makes things like negotiating harder,” Begala said. “I’m not saying I long for the days of smoke-filled rooms, but...”»
Mais rien n’y fait puisque, – «...so little political will». L’ancien directeur de l’OMB (ministère du budget) dans l’administration GW Bush, Jim Nussle, observe, peut-être en donnant la clef comportementale et psychologique de la crise (souligné en gras par nous) : «Given the current hand... I will tell you that this is as challenging as I’ve ever seen. We have people in Washington who are really good at getting attention, not at governing.»
Encore n’avons-nous pas achevé la peinture complète de la situation avec ces derniers mots sur leurs capacités “à polariser l’attention” (communication) et pas du tout “à gouverner” (action politique). Il y a aussi cette restriction apportée plus haut, – “ voilà qui vaut pour les autres autant que pour Obama, – sauf... ”. C’est là, en effet, qu’intervient le facteur libertarien et, peut-être plus largement, le facteur antiSystème que l’on commence à connaître, notamment depuis le vote-surprise sur la NSA, fin juillet (voir le 26 juillet 2013). Tout en signalant une opposition de plus en plus affirmée au président Obama sur sa gauche, de la part de “populistes démocrates” (voir le 3 octobre 2013), McClatchy.News développe la réalité de plus en plus fondamentale de l’affirmation libertarienne (Tea Party et le reste) chez les républicains (encore le 3 octobre 2013) :
«Libertarians see the political mainstream inching closer to their points of view. They see growing signs of their influence. Former Rep. Ron Paul of Texas, an icon to the movement who sought the 2012 Republican presidential nomination, finished a strong third in the Iowa caucuses and was runner-up in the New Hampshire primary. His son Rand, a U.S. senator from Kentucky, has visited early presidential primary and caucus states and is regarded as a potential 2016 candidate. Libertarian views are helping drive Republican initiatives to defund Obamacare, keep the U.S. military out of Syria and implement big cuts in food stamps. “We’re on the cusp of going mainstream,” said Matt DeVries, chairman of Liberty Iowa, headquartered in the nation’s first presidential caucus state.»
Alors, comment expliquer le blocage, puisque voilà donc un groupe qui, au contraire du politicien-standard, ne se contente pas d’“attirer l’attention” mais entend “agir politiquement” ? (Et l’on y mettra d’une manière générale, même si elle ne se forme pas [encore ?] à l’occasion du shutdown, la “gauche populiste” signalée plus haut au côté de la “droite libertarienne”, autrement dit les deux ailes dissidentes des deux factions du “parti unique”.) Parce qu’il s’agit, justement, de “dissidents” qui rejoignent naturellement une position antiSystème, refusent les règles du jeu sinon pour en user dans un sens antiSystème, tout cela avec l’absence de retenue que donne une certaine inconscience, ou bien une indifférence hostile des enjeux favorisés par le Système. Ils ne sont pas l’éventuelle solution du problème, pour ceux qui jugent qu’une modification de leur position d’opposition complète permettrait de débloquer la crise ; ils sont le problème, parce qu’ils sont le symptôme de la crise, et même s’ils changent d’attitude pour ce cas, ils persisteront et proliféreront parce qu’ils sont désormais entrés dans l’infrastructure crisique de l’américanisme, qu’ils sont en quelque sorte, au bon sens du mot, “institutionnalisés” comme facteur de crise.
Leur logique est nécessairement hors-Système puisqu’antiSystème ils sont naturellement, dans les conditions actuelles. Lorsqu’on agite devant eux le risque affreux de l’effondrement du gouvernement, leur réponse est implicitement celle de la “dissidence” opérationnelle, qui est, aux États-Unis, celle qui contient le spectre de l’éclatement et de la sécession, – bref, tout ce qui compte pour être quitte de ce qu’ils jugent être le monstre fédéral, le “centre”, le Léviathan qui conduit la politique-Système. Ainsi, de ces observations ironiques de Butler Shaffer sur le site hyper-libertarien LewRockwell.com, le 2 octobre 2013 :
«I just received a frantic e-mail from the MoveOn organization, informing me that “The Tea Party and the GOP actually took us over the cliff – and shut down the federal government.” Such a calamity must be analogous to parents running away from home and leaving the children behind. But it doesn’t tell us what the consequences of this “shutdown” will be; what we helpless souls are to do. Do federal regulations no longer need to be obeyed? Are we no longer required to pay federal taxes? Have all of America’s current wars ended? Will drone bombers no longer function and simply fall from the skies? Will the likes of Nancy Pelosi, John McCain, Lindsey Graham, Charles Schumer, Diane Feinstein, et al. now have to return to their home states and seek honest employment? Do these sociopaths have any marketable skills, or shall we see them on street corners with styrofoam cups begging for coins? Will the mail no longer be delivered, and will my “happy birthday” card to aunt Lucy get through to her?
»Is this what has been heralded as the “end of the world?” Oh, what are we to do; what are we to do?»
Cette affaires de “règles du jeu” du système washingtonien est fondamentale. (“Cette prospective plutôt comptable... [...] implique nécessairement que tout se passe à l’intérieur d’un système aux règles du jeu bien précises, auxquelles tout le monde se réfère...”) C’est elle qui faisait dire encore, le 29 septembre par exemple, la veille de la fin du décompte fatal : “vous verrez, ils finiront pas s’arranger, au dernier moment, in extremis”, – en ajoutant pour certains esprits qui se croient un peu lestes, avec un brin de tendresse : “parce que ce sont de vieux brigands, si accoutumés à travailler entre eux, dans une complicité chaleureuse”. Mais on devrait savoir que cette logique-là, effectivement partie habituelle du scénario-Système courant, ne fonctionne plus guère non plus. On le note désormais régulièrement, en rappelant les étapes de la décadence ultime ; voici, le 26 juillet 2013 déjà cité :
«L’événement du 24 juillet constitue un changement formel important, mais ce n’est pourtant pas un changement nouveau, – si l’on nous permet ce demi-oxymore. Ce qui apparaît aujourd’hui, dans l’humeur, dans l’attitude, s’est déjà signalé à l’une ou l’autre reprise, par des poussées brutales d’incontrôlabilité du Congrès (surtout de la Chambre) ; et le point important à souligner est que ces à-coups se sont traduits en général par quelque chose de durable. On parle ici de ce qui pourrait apparaître comme un feu de paille, qui semble l’être parce qu’on est habitué aux us et coutumes et à l’espèce de prégnance de l’envasement du vieux fromage moisi que sont le Congrès traditionnel et le pouvoir washingtonien, mais qui en vérité, justement parce que le fromage est vieux et moisi, donne des effets qui bouleversent la structure de la situation washingtonienne.
»Les prémisses de la chose sont apparues avec Tea Party, avec l’un ou l’autre événement comme l’élection partielle de janvier 2010 dans le Massachussetts, l’activisme de Ron Paul, etc. Mais le premier événement de taille fut certainement l’échec nucléaire de la négociation Congrès-présidence sur la dette qui se réalisa, en juillet-août 2011, à cause de cette incontrôlabilité d’une part grandissante de jeunes élus, surtout à la Chambre. (A cette occasion de ces négociations où les élus Tea Party tinrent un rôle antiSystème fondamental, le vice-président Joe Biden qualifia ces parlementaires de “terroristes”, ce qui était une sorte de prémonition du vote de la Chambre sur la NSA, sur la législation prétendument anti-terrorisme. [Voir le 3 août 2011.]) Finalement, l'échec fut camouflé en compromis-succès qui entérina bientôt le blocage du pouvoir et aboutit à la séquestration. Tout le monde croyait que cette affaire (la séquestration) serait résolue in extremis et rétablirait le train-train du Système distribuant de l’argent à tous les postes déstructurants du pouvoir, mais il n’en fut rien. Aujourd’hui, la séquestration dévore silencieusement, notamment, la puissance militaire des USA déjà mal en point.»
Nous ne sommes pas en train de dire que la crise est complètement bloquée, qu’elle ne se résoudra pas de sitôt et que nous allons, avec l’avatar de la dette (le 17 octobre) en plus, vers un effondrement. Nous sommes en train de ne rien dire du tout de la sorte ou de quelque autre sorte, en fait de prévision que nous nous refusons absolument à faire. Nous disons plutôt qu’à la lumière de l’expérience du government shutdown de 1995-1996 (que nous avons vécu, s’entend d’un point de vue d’observateur déjà intéressé par les affaires américanistes), la différence est considérable, colossale et révélatrice, – d’un monde à l’autre, de celui de l’“hyperpuissance“ qui peut se permettre des excès crisiques chez elle à celui de l’effondrement entraîné d’excès crisique en excès crisique. En 1995-1996, effectivement, le fait (et non le choc) du shutdown fut complètement anodin, avant et après, absorbé dans les quelques heures de son activation comme l’on fait d’un chômage technique, et il fut aussitôt palpable, sinon évident, que l’on commençait les manœuvres de négociation avec la volonté d’en être quitte très vite. (Même si cela prit quelques semaines, cette volonté de négocier avec un esprit de compromis, “conformément aux règles du jeu”, était présente.) Au reste, l’événement n’avait pas le quart du dixième de la résonnance mondiale qu’il a aujourd’hui, parce que les USA étaient la puissance qu’ils étaient, et qu’il était indécent d’aller fouiner dans leur arrière-boutique. (Consultant les numéros du 10 décembre 1995 et du 10 janvier 1996 de notre Lettre d’Analyse d’alors dedefensa & eurostratégie [dd&e], nous constatons que les sujets d’actualité les plus pressants étaient les suites de l’accord de Dayton sur la Bosnie et les perspectives de rapprochement de la France et de l’OTAN. Le shutdown, même pas mentionné comme tel, sous cette rubrique dramatique, était décrit comme «les péripéties entre le Congrès et le Président [constituant] un désordre révélateur...»)
En 2013, dès le shutdown accompli, la tendance psychologique est aussitôt à la dramatisation, à l’impuissance et à la vindicte, à la prévision d’effondrement catastrophique, y compris du côté des officiels. (Lagarde, la directrice du FMI, intervenant sur un ton pressant auprès de la direction américaniste pour réclamer un accord de toute nécessité, pour éviter un catastrophique enchaînement, comme signalé par le département US du trésor [voir le même 4 octobre 2013].) Aussitôt, le sentiment de l’immense fragilité du Système se répand comme une traînée de poudre, souligné par une sorte d’impuissance têtue des directions politiques, – et cette absence tragique de “volonté politique” pour rechercher un compromis qui ressemblerait presque à une sorte d’absence de “volonté politique” pour sauver le système washingtonien. Tout se passe comme si l’on parlait d’une intense fatigue psychologique des acteurs, dont ils ne peuvent être distraits que par l’activité de représentation (“getting attention”) qui est l’antithèse obstructive, sinon prédatrice de la “political will”.
Pourtant, il est entendu qu’il importe qu’ils s’entendent, que rien d’autre n’est possible ... Cette évidence sera toujours d’actualité, jusqu’au dernier jour, jusqu’à la dernière crise, et de crise en crise, jusqu’à ce qu’elle se révèle hors de propos lorsque nous toucherons au port, à “la der des ders”, – et alors, à Dieu vat. En attendant, effectivement, comment imaginer une autre issue, s’interrogent les commentateurs qui veulent tout de même offrir à leurs lecteurs un zeste de prévision, et aussi parce qu’ils ont évidemment horreur de la perspective du vide ? Comme d’habitude, la mesure et la raison, dans un monde qui est de plus en plus dépourvu de l’une et de l’autre, vient du côté de la Russie. (On y est déjà assez secoué, en Russie, du fait extraordinaire que, pour la deuxième fois dans le laps de temps d’un mois, et cette seconde fois pour cas de force majeure, Obama ait annulé un sommet avec Poutine. C’est un cas sans précédent, un de plus, de désordre des relations internationales [voir Novosti, le 4 octobre 2013]. Imaginez ce qu’il peut rester, dans cette occurrence, des grands projets d’arrangement en Syrie, avec l’Iran, etc.) Il y a donc le commentaire de Fédor Loukianov, le 3 octobre 2013 , qui se dévoue pour tenter de nous rassurer, et aussi, nous semble-t-il, de se rassurer lui-même:
«The US government’s partial shutdown is unlikely to last long, because squabbles among politicians who fail in their duty to reach agreement damage both parties’ reputations and irritate the electorate. A deal will most likely be made by mid-October, when the government will have to raise the nation’s debt ceiling once again to service its obligations to creditors. This will be a huge shock and a major blow to the United States’ economic standing. After causing international concern, the US government and parliament will strike a deal at the 11th hour and sit back and relax – until the next crisis, because the solution will, once again, only be temporary.»
Effectivement, le commentaire le plus optimiste qu’on puisse relever, et d’ailleurs le seul possible nous souffle la raison. La meilleure solution, qui est aussi la seule solution, s’avère évidemment un accord qui se ferait sous la contrainte et la crainte d’un effondrement, pour établir d’ailleurs, et très logiquement, une situation pire encore que ce qui a précédé, “en attendant la prochaine crise”, et pour la préparer bien entendu. Comment voulez-vous prévoir autre chose, à moins de s’en tenir à l’inconnaissance prévisionnelle, ce qui est notre cas, et ne s’attendre à rien de précis, ce qui revient à s’attendre à tout...
Ainsi Washington ressemble-t-il à un de ces convois brinquebalants qui partaient à la conquête de l’Ouest, qui se forme en cercle parce que les Indiens attaquent, eux-mêmes en cercle tournoyant se rapprochant des vieilles carrioles immobilisées, et tout cela en attendant la cavalerie (le 7ème de Cavalerie, en général), désespérément, parce que la cavalerie est présentement immobilisée pour cause de paralysie budgétaire consécutive au government shutdown. Washington se forme en cercle contre la crise tournoyante qui l’enserre, pour mieux se quereller sur la façon d’organiser les tours de garde sous les chariots immobilisés, alors que Washington est lui-même créateur, animateur, accélérateur de sa propre crise. (Il y a beau temps que les crises tournoyantes ont remplacé les Apaches dans l’encerclement des pionniers brinquebalants, promptement éliminés, les Apaches, par la civilisation de l’américanisme. Il y a beaucoup à parier qu’ils regrettent les Apaches...)
Ainsi reste-t-on, sans voix, sans capacité de prévision, sans imaginer un instant qu’un solution puisse être trouvée, sans imaginer un instant qu’une solution ne puisse pas être trouvée, sans s’étonner un instant que toutes ces certitudes absolument contradictoires cohabitent parfaitement, d’un même élan de pensée, du même rangement d’une raison devenue d’une ironie un peu lasse à force d’attendre. Effectivement, la chute se fait attendre ; d’un autre côté, comme on dit, on ne perd rien pour attendre.
Voyons voir la suite...
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