Considérations sur un compromis à propos du BMDE et de l’Iran

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On observe les premières déclarations précises, à Washington, sur la possibilité d’un compromis sur la question du système BMDE, dans ce cas clairement lié à la question iranienne. Une dépêche Reuters du 13 février rapporte la chose, qui établit un lien direct (“linkage”) entre une évolution positive (du point de vue de Moscou) de la position US dans la question du BMDE, et une évolution positive (du point de vue de Washington) de la position russe dans la question iranienne.

«The United States signaled a willingness on Friday to slow plans for a missile defense shield in eastern Europe if Russia agreed to help stop Iran from developing nuclear weapons. [...] “If we are able to work together to dissuade Iran from pursuing a nuclear weapons capability, we would be able to moderate the pace of development of missile defenses in Europe,” a senior U.S. administration official told Reuters.

»It was the most explicit statement yet by an administration official linking the missile shield to Russia's willingness to help resolve the international stand-off over Iran's nuclear program. He spoke as Undersecretary of State William Burns held talks in Moscow, the most senior U.S. official to do so since U.S. President Barack Obama took office last month.

»Burns signaled the United States was ready to look at remodeling its missile defense plans to include Moscow. “[Washington is] open to the possibility of cooperation, both with Russia and NATO partners, in relation to a new configuration for missile defense which would use the resources that each of us have,” Interfax news agency quoted him as saying. Burns gave no details.

»In another sign that strained relations may be thawing, European Union foreign policy chief Javier Solana said U.S. Secretary of State Hillary Clinton would meet Russia's foreign minister in Geneva next month.»

Ces nouvelles interviennent une semaine après la réunion de Munich, renforçant ainsi l’interprétation positive qu’on en a faite. Cette réunion a donné lieu à des interprétations très divergentes, jusqu’à celle, extrême, que la position exposée par Biden ne faisait que confirmer la politique agressive de l’administration Bush (voir l’analyse de George Friedman, de Stratfor.com, le 9 janvier). Au contraire, nous estimons plus que jamais que la réunion de Munich a été révélatrice d’une réelle évolution US, et cette évolution tenant sans aucun doute à la pression de la situation intérieure US, sans rapport avec le moindre projet politique nouveau. Dans ce cas, la nécessité fait force de loi et donne certainement une plus grande assurance de la solidité de l’orientation, tant les seules orientations solides aujourd’hui sont celles qu’imposent les événements.

Cette analyse est également celle d’un expert que nous apprécions beaucoup, le britannique Anatol Lieven, rapportée sur AFP/RAW Story le 10 février.

«Anatol Lieven, an analyst with King's College London, doubted whether the Obama administration could really press on with NATO expansion. For one thing, Lieven said, it would take billions of dollars for the United States to compensate Ukraine for the loss of the subsidized gas it receives from Russia. Expansion could also provoke war with Russia.

»He also questioned whether the new administration could push the plans of the preceding administration of George W. Bush to establish an anti-missile shield in the Czech Republic and Poland – a major sore point for Moscow. There appears to be a new foreign policy approach in Washington, but it may stem not so much from “a philosophical change” but from the fact “that America is clearly a great deal less powerful than it used to be,” Lieven said.»

Les propositions US se placent effectivement dans la logique de ce qu’on perçoit des divers signes venus de l’administration Obama depuis trois mois. Le système BMDE évolue d’un projet stratégique qui prétendait avoir sa spécificité et son utilité, même s’il n’avait guère de sens sinon la logique automatiquement déstabilisante de l’administration GW Bush, suscitée par les intérêts du complexe militaro-industriel, vers ce que les stratèges des négociations stratégiques nommaient durant la Guerre froide “a bargaining ship”, – système n’étant là que pour pouvoir être abandonné ou modifié en faisant obtenir pour cette décision le maximum en échange de la part de l’autre négociateur. L’aspect iranien entrant dans le jeu n’est pas une surprise, tant l’administration Obama cherche à avancer dans le règlement des diverses crises de politique extérieure héritées de l’époque Bush; bien entendu, cet aspect iranien serait le facteur intéressant attendu par les USA de cette utilisation du “bargaining ship”.

On répétera que ce qui domine, plus que jamais, c’est cette volonté de désengagement des projets stratégiques divers, et en général offensifs et déstructurants; c’est-à-dire le passage d’une posture offensive à une posture défensive. Il faut noter que l’évolution du côté russe n’est certainement pas dissemblable. La Russie connaît aussi d’énormes problèmes intérieurs et subit la crise de plein fouet. Elle aussi recherche à régler le maximum de problèmes extérieurs dans des conditions acceptables. Dans tout cela, on observe que la logique de la crise ne pousse certainement pas les dirigeants vers des affrontements directs, bien au contraire, – ce qui invite à manier avec la plus grande précaution, voire avec septicisme, l’idée que la crise pourrait conduire à un conflit majeur. Le poids intérieur de la crise est en soi un fardeau bien suffisant; éventuellement, c’est lui qui pourrait avoir des effets déstabilisants, avec des effets indirects d’antagonisme… Aujourd’hui, les crises extérieures pourraient beaucoup plus venir, de manière complètement inattendue et incontrôlée, des effets indirects, des troubles ou des déstabilisations internes.


Mis en ligne le 14 février 2009 à 12H18