Il y a 2 commentaires associés à cet article. Vous pouvez les consulter et réagir à votre tour.
72314 septembre 2009 — il y a d’abord le sondage du Marshall Fund, et l’étrange scepticisme avec lequel il est accueilli par certains – et, aussi, l’interprétation que nous en donnons, où grande place est faite à une proposition d'analogie avec Gorbatchev.
Par exemple, bon exemple de scepticisme, de Ben Katcher, sur The Washington Note, le 10 septembre 2009. Il parle effectivement de ces résultats exaltants de la popularité d’Obama (des USA? Diantre…) telle qu’elle ressort du travail du Marshall Fund… (Nos lecteurs noteront, en consultant notre Bloc-Notes, avec ces mêmes remarques sur “BHO-Gorbatchev”, que nous différons radicalement de l’analyse de Friedman, de Stratfor.com, sur les raisons pour lesquelles la popularité d’Obama en Europe ne vaut même pas peanuts pour les USA; cela, cette différence n’a rien pour étonner entre une vision géopolitique (de Friedman) et une vision psychopolitique (la nôtre), mais peu importe pour ce cas; ce qui importe en effet est la mise en cause de la valeur effective de cette popularité en termes de renforcement de la puissance.)
Ben Katcher, donc: «Two additional points related to the report:
»1. Western European attitudes toward the United States have improved because the Obama administration has not asked Europe for much yet. As George Friedman remarked back in April, “Europe and Obama loved each other [during Obama's campaign], but for very different reasons. The Europeans thought that the United States under Obama would ask less, while Obama thought the Europeans would give more.” The truth of Friedman's statement will become more apparent as Obama asks for more on Iran, Afghanistan, and financial reform.
»2. While increased popular support in Europe is nice, it won't mean anything for America's strategic interests if the Obama administration cannot restore our credibility.»
Katcher relève deux points fondamentaux où la crédibilité des USA est et reste gravement mise en cause, sinon constamment aggravée. L’un d’eux est celui-ci: «The second kind of American credibility relates to whether the United States tells the truth. The “Weapons of Mass Destruction” mess tarnished America's credibility in this area as well. Whether foreign capitals accept the Obama administration's statement yesterday that Iran has enough nuclear fuel to make a nuclear weapon may indicate whether America's credibility has rebounded in this area.»
…Le premier type de crédibilité des USA gravement compromis et nullement restauré par Obama, cité par Katcher, étant un rappel des excellentes remarques de Steve Clemons, éditeur de The Washington Note, que nous citions nous-mêmes le 10 septembre 2009:
«Afghanistan, like Iraq, is sending the impression to the rest of the world that America is at a “limit” point in its military and power capabilities. This prompts allies not to count on us as much as they did previously and prompts foes to move their agendas.
»Limits are very, very, very bad in the great power game – and Afghanistan is yet again, an exposer of monumental limits on American power.»
A propos de la “limite de la puissance” dans le cas américaniste, l’exemple est là, présenté ce 14 septembre 2009 dans notre rubrique Bloc-Notes. On y voit les USA préparer un désengagement d’une partie de leurs capacités aériennes de combat déployée au Japon, cela comme conséquence indirecte des pressions budgétaires existantes au Pentagone. On a là un enchaînement de conséquence qui relie la crise de la puissance US, à la crise budgétaire venue notamment de la crise financière et économique, à la crise bureaucratique et technologique du Pentagone si présente dans le programme JSF dont le coût accentue la pression budgétaire sur les capacités opérationnelles des forces. L’imbroglio insaisissable des crises US semble plus vigoureux, plus complexe que jamais. Ce caractère d'imbroglio, justement, constitue le moteur de la désintégration de la puissance US, passant notamment par une contraction de cette puissance, comme dans ce cas Japon-USA où l’on voit les lignes de l’hégémonie US se replier vers les USA en devenant des lignes de défense, par le simple développement du mouvement.
La perception est une chose insaisissable, indéfinissable, paradoxalement imperceptible si l’on veut, dans tous les cas pour les théoriciens et les analystes, et pourtant chose absolument essentielle. C’est elle qui règle tout par son action secrète sur la psychologie qui, bientôt, guide elle-même le jugement, et cela bien au-delà des analyses, des théories, des chiffres budgétaires, des chiffres et des nombres, et du nombre de bases (plus de 700 pour le Pentagone de par le monde), et du nombre de conflits en cours. Comme en Irak, comme en Afghanistan pour les situations tactiques dans l’appréciation stratégique globale de la puissance, la puissance américaniste se trouve dans une situation singulière et singulièrement dangereuse d’extension de ses lignes de pénétration de l’espace extérieur. Même si ces constats sont souvent de l’ordre du géopolitique, ils sont réglés par la psychologie, qui maîtrise la perception.
Le retrait esquissé de la puissance militaire US du Japon – symbole discret mais inratable pour qui prête un peu de son attention – apparaîtra comme un acte géopolitique plus tard, car il n’est pour l’instant que la résultante de facteurs indirects complexes (crise du Pentagone, du programme du JSF, crise budgétaire, effets sur les capacités de l’USAF). Mais, déjà, la perception, qui est effectivement de l’ordre de la psychologie, l’apprécie comme un repli, comme un retrait – comme une contraction de la puissance américaniste, comme cette subtile transformation que nous signalions plus haut d’une ligne offensive et hégémonique en une ligne défensive et en repli, voire en retraite, au plus elle “progresse” vers l’Est. (Lorsque les F-35, s’il y en a un jour, effectueront leurs rotations vers Okinawa à partir de Guam, pour suppléer, 5-7 ans après, aux F-16 retirés, cela sera un substitut défensif à une présence offensive perdue. Encore évoquons-nous là le meilleur des cas possibles, impliquant le “meilleur des mondes” qu'on sait, supposant que le programme bureaucratique ira à son terme dans tous ses composants.)
L’accueil fait aux résultats de l’enquête du Marshall Fund par les commentateurs révèle une perception extrêmement pessimiste. Même le commentaire de Ronald Asmus, pourtant placé devant un renversement sans précédent de la popularité du président des USA (POTUS), laisse percer son profond scepticisme, comme on le lit dans sa dernière phrase de conclusion qui semble dire “à quoi bon toute cette popularité?”, qui traduit déjà le désenchantement US – qui montre bien ce problème de perception – ce fait que les USA ne sont capables de percevoir les réactions des autres qu’au travers de leur propre humeur psychologique, qui est désormais aussi noire que de l’encre. («If President Obama can show statesmanship and diplomacy, his popularity will remain high. Otherwise his numbers will decline, just as they have already begun to fall in the United States.»)
La chose n’est pas pour nous étonner, cette psychologie américaniste qui est si complètement auto-centrée; mais c’est un étonnement de constater que le phénomène s’exerce aujourd’hui aux dépens de la puissance US, que rien n’y fait, Obama ou pas Obama. Les Américains n’apprécient pas ces résultats de l’enquête du Marshall Fund comme un avantage de propagande et d’influence, mais comme un événement qu’ils interprètent avec la couleur sombre de leur pessimisme. La marque de la psychologie de l’américanisme, cette perception du monde américanisé, nécessairement construite sur l’optimisme bâtie sur le virtualisme, est devenue aujourd’hui le pessimisme dans sa forme la plus inféconde. Dans le cas américaniste, qui ne peut respirer que par cet optimisme virtualiste, le pessimisme n’est nullement une forme de volontarisme mais, tout au contraire, la marque de l’humeur d’une sorte de fatalisme désespéré. En quelque sorte, Dieu n’est plus “à leur côté” (“ With God on Our Side”, disait Bob Dylan).
La première perception de la contraction et de la désintégration du système de l’américanisme est aujourd’hui essentiellement américaine (plutôt qu’américaniste dans ce cas), c’est-à-dire venu des citoyens US eux-mêmes, et même des élites US. C’est le paradoxe, le contrecoup paradoxal de l’“effet-Obama”. L’élection d’Obama a marché à l’étranger, mais finalement pas à Washington, sinon les quelques jours du show et les activités habituelles de type “marionnette”, interprétations qui semblent satisfaire nos commentateurs. Le terrifiant système de la communication ne laisse aucune voie de salut, lorsqu’il a pris un nouveau pli, celui du fatalisme désespéré dans ce cas; il agit comme une peste de la psychologie.
Le système poursuit sa voie sans issue; Wall Street croule sous le fric, le Pentagone sous le JSF, Hollywood sous les block busters, l’Afghanistan sous les mauvaises nouvelles et ainsi de suite. Quoi de neuf, sinon autant de raisons d’entretenir ce fatalisme désespéré qui semble être devenu la marque de la psychologie américaniste? Les clowns grotesques Bush-Cheney sont, même à la retraite, plus clowns grotesques que jamais, les neocons toujours aussi suffisants et va-t-en-guerre pour les autres. Finalement, toutes les forces qui colorent la psychologie de pessimisme jusqu’au fatalisme désespéré sont en action.
Forum — Charger les commentaires