Contre l’Iran, leur “politique de l’assassinat” qui les définit si bien

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L’attentat en Iran, dans une université de Téhéran, qui a tué Mostafa Ahmadi-Roshan, un des chefs du programme nucléaire iranien, ainsi qu’un autre scientifique du même programme, fait évidemment partie d’un programme d’assassinats destinés à affaiblir la filière nucléaire iranienne en tuant les hommes. Ce programme est évidemment d’inspiration US et israélienne, avec l’aide britannique, et probablement exécuté par le Mossad. Dans un commentaire du 11 janvier 2012, Julian Borger rappelle quelques circonstances qui ne laissent guère de doute sur cette filiation.

«Iranian officials have been quick to blame Israel, and the Israelis have not been going out of their way to avoid suspicion. On Tuesday, the head of the Israeli Defence Force, Lieutenant General Benny Gantz was quoted as telling a parliamentary panel that 2012 would be a “critical year” for Iran in which it would be subject to “unnatural” events.

»The Israeli military establishment has a motive to claim successes in the covert war on Iran, because they are under political pressure to start an overt one. The generals, however, know that Israeli air strikes would unleash a war without accomplishing their goal of destroying the Iranian nuclear programme.

»A covert war, based on assassinations and sabotage, may appear a better alternative. Individual killings may not seriously hinder a large, wide-ranging programme, but they would certainly deter young Iranians from taking that line of work…»

La dernière remarque est réversible, selon le climat qui règne en Iran. Cette “politique de l’assassinat”, si les deux mots sont compatibles, peut aussi bien conduire, dans le climat actuel de tension résultant d’une politique générale de provocation et de menace du bloc BAO qui dure depuis 6 ans et n’a cessé de s’amplifier jusqu’au paroxysme actuel, au résultat inverse, – celui du sentiment de mobilisation nationale et de renforcement des plus durs en Iran. C’est ce qu’exprime un éditorial du même Guardian (le 10 janvier 2012), qui en arrive même (chose remarquable pour la politique habituelle du quotidien sur ce point) à citer Ron Paul, – «Given this, why are the US and EU about to impose oil sanctions, which even if they do not go as far as Ron Paul's “act of war” will squeeze the source of 60% of the regime's revenue?».

Le “Given this” décrit, selon le quotidien britannique, les conditions d’exacerbation où les provocations du bloc BAO, et notamment cette “politique de l’assassinat”, plongeraient la direction iranienne, les différents centres de pouvoir en Iran, exacerbant également leur concurrence avant les élections de mars, tout cela selon une tendance évidente au durcissement. L’édito recommande donc qu’on se calme en songeant à négocier plutôt qu’à servir d’agent électoral pour les factions les plus dures de la direction iranienne…

«Given the stakes, this would be a good time for the US and Europe to decline the ayatollah's kind invitation to be his faction's re-election agent in Iran. Fordo remains under IAEA inspection. No tanker is being prevented from passing through Hormuz. Another round of nuclear talks with Iran could be in the offing. This is a time for cool heads.»

La même idée est exprimée par Borger, à la fin de son texte sur l’assassinat très récent, en ajoutant des détails inédits venus des services de renseignement du bloc BAO dont on connaît la finesse psychologique déployée tout au long de cette Guerre contre la Terreur, depuis une décennie.

«“The old guys at the top are losing control of the situation,” a senior western diplomat observed, the day before this latest killing. The fragmentation of the regime will have unpredictable, and possibly very violent outcomes. The pressure of sanctions is building. There is a lot of military hardware in the Gulf right now, some of belonging to the regularly Iranian navy and some to the Revolutionary Guards, who have their own agenda. Whoever is killing Iran's scientists is clearly willing to risk catastrophic consequences that could engulf the region.»

Est-ce le moment d’engager des négociations ? On comprend la logique, on comprend moins le chemin qui y conduit, pavés de provocations, d’illégalités, d’assassinats commis ouvertement, sans même s’en dissimuler, jusqu’à en faire une politique officielle. Mais nous sommes sur le terrain habituel de l'inversion courante de la politique du bloc BAO... Lequel bloc BAO, le bloc-Système par excellence, développe désormais une politique de terrorisme instituée, officielle, reconnue et même acclamée. Quant aux contradictions qui conduisent des dirigeants israéliens de sécurité nationale hostiles à une attaque massive de l’Iran à promouvoir et à exécuter cette politique de provocation contre l’Iran, au risque grandissant de provoquer un conflit, on dira qu’elle est désormais la marque de fabrique du Système et de sa direction évoluant en mode monomaniaque-turbo.

Observons également que cette fraction israélienne ne semble pas, elle-même, exempte de fractionnisme. Dans une analyse (le 10 janvier 2012) où il annonce, d’une façon peut-être intentionnelle et délibérée, un test souterrain nucléaire iranien d’une charge d’un kilotonne pour 2012, le site DEBKAFiles met en évidence, d’une façon désapprobatrice, cette fraction israélienne qui estime qu’Israël peut vivre, après tout, avec un Iran nucléaire, – ce qui impliquerait, après tout, que les assassinats deviennent inutiles, avec en plus ce désavantage d’aggraver la situation.

«Yet, according to a scenario prepared by the Institute for National Security Studies (INSS) at Tel Aviv University for the day after an Iranian nuclear weapons test, Israel was resigned to a nuclear Iran and the US would offer Israel a defense pact while urging Israel not to retaliate. As quoted by the London Times Monday, Jan. 1, INSS experts, headed by Gen. (ret.) Giora Eiland, a former head of Israel's National Security Council, deduced from a simulation study they staged last week that. Their conclusion is that neither the US nor Israel will use force to stop Iran's first nuclear test which they predicted would take place in January 2013.»

Et DEBKAFiles ne manque pas de rapprocher cette analyse du “groupe Dagan”, ceux qui jugent que le danger iranien n’est pas une “menace existentielle” contre Israël, – les “négationnistes” comme nous les avons désignés : «DEBKAfile's sources stress that both Tehran and the INSS are wrong: The Tel Aviv scenario is the work of a faction of retired Israeli security and intelligence bigwigs who, anxious to pull the Netanyahu government back from direct action against the Islamic Republic, have been lobbying for the proposition that Israel can live with a nuclear-armed Iran.»

Concluons, avec cet assassinat et toutes les autres circonstances de la situation dans cette crise, citées ici ou pas, que nous sommes aujourd’hui dans une situation effectivement marquée par une complète inversion. Les manœuvres de provocation lancées pour conduire l’Iran à négocier, et ne servant qu’à renforcer le sentiment national exacerbé et les factions les plus dures de la direction iranienne ; la politique de la “guerre secrète”, y compris la “politique de l’assassinat”, lancée pour éviter une guerre de haute intensité, ou une guerre ouverte, conduisant à une situation qui rend cette guerre de plus en plus probable, selon le même processus signalé précédemment ; une “politique de l’assassinat” ouverte, contre un pays en général dénoncé comme terroriste, cette politique assimilant le comportement des pays américanistes-occidentalistes à des États-terroristes, sinon des États-mafieux (avec la technique du “contrat” pour ses tueurs), faisant d’eux effectivement cette sorte d’État privé par conséquent de toute légitimité, perdant toute autorité, réduit à l’imposture de la force illégale.

Ce qui importe dans cette “politique d’assassinat”, qui concerne d’ailleurs bien d’autres aspects que ce qui se passe en Iran (assassinat par drones, spécialité de la démocratie américaniste), est bien qu’elle soit devenue ouverte et légitimée. Il n’est plus question de ces actes secrets qu’on désavoue officiellement s’ils sont mis à jour. Nos pays assument leur infamie, en la grandissant, en la systématisant, comme s’ils s’en glorifiaient après tout, comme s’il s’agissait de leur vertu fondamentale. L’inversion est complètement achevée, authentifiée et estampillée. Ainsi en est-il de la situation de notre contre-civilisation… Quoi qu’on en dise et veuille, soi-disant sur le mode réaliste, c’est un poids, encore plus métaphysique que moral, qui ne peut être dénié et qui est considérable, et qui constitue un des facteurs de délégitimation de l’autorité dans les pays du bloc BAO. (Voir le 2 novembre 2011.) L’inversion finale se trouve bien là, dans cette délégitimation de l’autorité, et par conséquent la poursuite accélérée de la dynamiques de surpuissance en dynamique d’autodestruction. Personne ne semble s’en aviser, montrant par là que l’inversion habite au cœur même de leurs psychologies et de leurs esprits ; ils sont devenus leurs propres barbares, leurs “barbares intérieurs” (selon Jean-François Mattéi), laissant très, très loin derrière, dans le registre de l’infamie, ce que signifiait le terme “barbare” à l’origine.


Mis en ligne le 12 janvier 2012 à 09H34