Il n'y a pas de commentaires associés a cet article. Vous pouvez réagir.
318La convention démocrate se déroule à Denver, Colorado, dans un enthousiasme bien arrangé par les régiments des services de la communication, mais un enthousiasme de type provincial. Nous voulons dire par là que, contrairement à ce qu’on pouvait attendre à partir de l’atmosphère de la campagne extraordinairement intense des élections primaires, l’enthousiasme réel et profond est absent aujourd’hui de la convention. Deux raisons principalement:
• Le “tournant” de Barack Obama, qui s’est nettement rangé dans le courant de l’establishment washingtonien, comme certains lui en font désormais reproche d’une manière constante. La nomination de Joe Biden comme candidat à la vice-présidence n’a pas vraiment œuvré pour dissiper cette impression d’un Obama rentré dans le rang. Même si certains (comme Steve Clemons) juge que cette nomination est une bonne nouvelle, notamment en faisant présager la nomination d’un Chuck Hagel plutôt que le “néo-neocon” Holbrooke au département d’Etat, d’autres y voient la confirmation claire, voire le verrouillage du tournant du candidat démocrate vers le conformisme de l’establishment (voir la chronique du 25 août de Justin Raimondo qui, pourtant, avait dans un premier temps embrassé la cause d’Obama malgré qu’il soit lui-même (Raimondo) un libertarien très proche des républicains “paléos-conservateurs”; la déception de Raimondo est à mesure).
• La situation internationale pèse évidemment sur l’intérêt qu’on peut accorder à la convention démocrate, d’autant qu’effectivement les options de changement venues du candidat démocrate semblent de plus en plus réduites, y compris pour cette politique internationale. De ce point de vue, la convention se déroule un peu dans un climat irréel, avec la perception extérieure de l’impuissance US dans la crise fondamentale de la Géorgie, contrastant avec les cris et les acclamations démocrates pour l’Amérique, son avenir brillant avec Obama et ainsi de suite. (Obama a d'ailleurs annoncé qu'il, – lui Président, – isolerait la Russie pour son acte de reconnaissance des provinces géorgiennes dissidentes. Avec quoi? Avec ses grands électeurs et l'aide des talibans qu'on bombarde en les ratant régulièrement à l'avantage douteux de la population afghane?)
C’est certainement en relation avec ce deuxième point d'une politique extérieure à la dérive qu’il faut attirer l’attention sur une autre chronique du même Raimondo, celle de ce jour, concernant les influences extérieures sur la politique extérieure des USA. Le constat de Raimondo restitue la logique du système portée à son terme extrême : «American politicians are for sale – and so is our foreign policy» (“Les politiciens américains son à vendre, – comme notre politique étrangère”). Cette réflexion est certainement suscitée par le cas de McCain et de son conseiller Randy Scheunemann,“neocon” régulièrement appointé jusqu’en mars 2008 par Saakachvili pour promouvoir les intérêts et la soutien de la politique géorgienne à Washington.
L’incident Scheunemann a l’avantage de sortir la problématique de cette vénalité et de cette corruption complète de la politique extérieure US du seul cas de l’AIPAC (le lobby israélien), certainement le plus puissant et le mieux organisé à Washington mais certainement pas le seul lobby à intervenir avec efficacité. Le phénomène dont débat Raimondo n’est pas celui de l’influence israélienne, par lobby interposé, sur la politique US, mais celui de l’organisation vénale et de corruption du système qui fait que la politique extérieure est effectivement à vendre, notamment au lobby israélien mais aussi au lobby géorgien.
C’est finalement à cette lumière peu glorieuse qu’apparaît la convention de Denver, et l’on se rappelle alors les sommes considérables qu’Obama a accumulées pour sa campagne, dont certaines viennent obligatoirement de divers lobbies. De ce point de vue, Denver est plutôt une occasion d’amertume qu’une occasion d’excitation politique particulière, sauf pour les esprits du temps qui croient qu’une couleur de peau peut bouleverser, par la seule magie de sa présence, l’organisation de ce système gigantesque. La convention de Denver pouvait être révolutionnaire; elle est plutôt conforme, avec la touche d’apparence exotique qui fait croire aux démocrates qu’ils sont “de gauche”. Ces divers caractères réducteurs additionnés de l’impuissance US dans la crise géorgienne restituent l’image d’une Amérique provinciale, y compris dans le chef de son parti le plus “avancé”, ou de l'aile la plus “avancée” du parti unique; et il s'agit d’une “province” fortement faisandée puisque toute sa politique se trouve aux enchères, et parfois même en solde.
Mis en ligne le 27 août 2008 à 13H58