Convergences et ressemblances intimes

Commençons par une citation qui nous paraît judicieuse et qui semble complètement d'actualité :

«L’Amérique est l’Amérique, c’est-à-dire sans mesure commune avec le reste des peuples ; les lois qui s’appliquent aux autres ne s’appliquent pas à elle, et les droits qu’elle s’arroge de violer le droit n’appartiennent qu’à elle. C’est ainsi qu’elle peut, sans crime, déchirer ses promesses écrites, trahir ses serments donnés, violer la neutralité des peuples qu’elle a juré de défendre. Mais elle prétend, en retour, trouver dans les peuples qu’elle outrage “de chevaleresques adversaires” ; et que cela ne soit pas, qu’ils osent se défendre par tous les moyens et les armes qu’il leur reste, elle le proclame un crime !...»

Nous avons triché. A la place de «L’Amérique est l’Amérique», il fallait lire «L’Allemagne est l’Allemagne». Le texte date de septembre 1914, il est extrait de Au-dessus de la mêlée (publié en octobre 1915), de Romain Rolland. L’esprit de la citation, “Amérique” pour “Allemagne”, a absolument résisté au temps.

Ce constat rejoint ce que nous pensons depuis longtemps. Il y a une étrange similitude d’esprit et de perception du monde entre l’Allemagne impériale qui développa sa puissance entre 1871 et 1914, pour entrer dans la Grande Guerre, et l’Amérique d’aujourd’hui, dans son parcours météorique et paroxystique depuis 1989-91. Plus encore, il y avait déjà cette similitude d’esprit et de perception du monde entre l’Allemagne de Bismarck et des Guillaume et l’Amérique contemporaine, celle de McKinley et de Théodore Roosevelt. Même sentiment de supériorité raciale et d’exceptionnalité, même idée du “suprématisme”, même rythme de développement industriel, même conception d’une hégémonie totalitaire, une sorte d’“hégémonie exceptionnaliste” (le pan-américanisme répond au pangermanisme). (Voir aussi un texte sur ce site, “Notes de lecture” du 9 août 2002, qui peut servir de référence.)

Simplement, à cause de la distance, l’Amérique mettra plus longtemps à s’exprimer. Par ailleurs, les dates correspondent et l’on peut avancer l’hypothèse qu’en écrasant l’Allemagne en 1945, l’Amérique a pris sa succession dans ce domaine de l’“hégémonie exceptionnaliste”.

Mis en ligne le 24 décembre 2006 à 11H03