“Cours, camarade...”

Journal dde.crisis de Philippe Grasset

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“Cours, camarade...”

5 juin 2021 – Il y a aussi cet événement qui devrait honorer l’histoire européenne comme le fait une surprise bienvenue, d’une dame danoise et sociale-démocrate, donc d’une gauche très institutionnalisée et de réputation aussi molle que politiquement correcte (PC), annonçant que le but de son gouvernement dirigeant actuellement le Danemark est d’en arriver à une “Immigration-zéro”. Il faut y arriver le plus vite possible et une forte majorité l’y encourage tandis que des dispositions sont en train d’être mises en place pour “traiter” les demandeurs d’asile politique dans un pays hors, et loin du Danemark.

« Les réfugiés ne sont plus les bienvenus au Danemark. Le Parlement danois vient d’adopter une loi qui prévoit que tout demandeur d’asile au Danemark sera, une fois sa demande enregistrée et à quelques rares exceptions près type maladie grave, envoyé dans un centre d’accueil en dehors de l’ Union européenne. »

J’ai vu et entendu hier en fin d’après-midi d’éminents personnages de bonne facture, avec QI convenable et PC en ordre de marche, – d’abord médusés, puis embrayant sur la nouvelle en l’explorant, l’expliquant, la comprenant c’est-à-dire en l’habillant d’une rationalité hors-anathème courant. A cet égard l’exposé de l’universitaire et politicologue de grand renom Pascal Perrineau fut édifiant, comme s’il s’était préparé à l’événement.

Hier matin, sur CNews, sur la chaîne dite “de droite radicale” ou “de droite populiste” en train d’exploser comme un phénomène politico-médiatique inédit en France, – « C.News comptera pour l’élection de 2022 », explique un personnage sans divertissement, – Pascal Prau (“L’heure des Pros”) recevait Cyril Hanouna, l’homme de “Balance ton post”. Depuis une “petite phrase” de la Schiappa, Hannouna et l’objet de toutes les attentions et montre, chez Prau, qu’il se fait une gloire de dénoncer le PC et de soutenir les Gilets-Jaunes selon la conception initiales (“les ronds-points”), avant la récupération par l’extrême-gauche.

L’austère Jean Messiha, ancien du Front-devenu-Rassemblement resté farouchement dans cette partie extrême de l’échiquier, devient une vedette médiatique galopant et exultant, justement dans et grâce à l’émission de Cyril Hanouna sur C8. « Frédéric Dabi, directeur général opinion de l’Ifop : “Je suis frappé par la notoriété de Jean Messiha, qui a quasiment triplé depuis novembre 2020, passant de 13% à 34%. Une progression qui s’explique notamment par ses passages à la télévision. Cinquante-sept pour cent des sondés déclarent le connaître grâce à sa présence sur C8 chez Cyril Hanouna. »

La Le Pen n’en dit pas trop, se contentant de commenter sérieusement et selon l’évidence à propos de ce « pays hors de contrôle » chaque fois, quasiment chaque jour, qu’un nouvel acte du chaos de violences civiles qui semblerait être d’un “pays failli” et sans loi secoue le système de la communication au gré de la jungle des rues de nos villes qu’on dit civilisées. Il est désormais de bon ton et de ton acceptable d’envisager la possibilité d’une victoire de la présidente du RN en 2022 et l’on écoute ses représentants sur les plateaux sans trop les interrompre.

De ces quelques points divers de ces derniers jours, il ne faut rien en déduire de la concrétude hypothétique et opérationnelle de la boule de cristal ; selon quoi, par exemple, je chercherais à déterminer un résultat électoral, l’avancée d’un parti, l’évolution d’une tendance, etc. Tout cela, billevesées et calembredaines, comme les deux mamelles du simulacre...

Bref, ce n’est pas mon propos et c’est pour cette raison que j’ai commencé par le Danemark, où règne un gouvernement social-démocrate qui est bien éloigné des tendances du Rassemblement National. Ce qu’il m’importe d’observer, c’est une évolution assez marquée et marquante des esprits, qui s’est préparée et affutée souterrainement ces derniers mois, curieusement alors que disparaissait de la scène le symbole d’une fausse “prise de pouvoir” par les populistes, Donald Trump aux USA.

Tout le monde avait fiévreusement attendu ce départ (Trump) dans les couloirs des institutions européennes. Ils l’ont eu (le départ), et ils ont désormais le Danemark. Où est, où se trouve et dans quel sens va le signe du ciel ?

Le Danemark, dans les mêmes couloirs bruxellois, c’est une icône, plus que la Hollande peut-être, qui roule un peu trop des mécaniques. Petit pays où il n’y a pas vraiment une très grosse chose de pourrie quoi qu’on dise ; superbement rangé, ordonné, remarquablement propre-sur-lui, roulant en bicyclette, scrupuleux respect des règles d’or du droit des gens et de la morale-moraline à-la-Onfray, tolérant, ouvert, bien dans sa peau libérale et démocrate – on en perd son souffle. Le pays-membre type de l’UE, sans puissance ni prétention, avec un zeste d’hyper-alignement sur la NSA, superbement européen selon les canons de la papauté-UE... Et soudain, il transgresse ! Et pas du fait de ses hypothétiques populistes d’extrême-droite, mais du fait du parti-type de l’européisme.

Ce vent du Nord si inattendu les fait frissonner, en plein réchauffement climatique.

C’est qu’il y a quelque chose de différent... En France, cette poussée de respectabilité de l’extrême-droite, qui n’est plus si extrême, comme si cette frange marginale mutait dans une nouvelle sorte de diversité dont on dirait, pour causer, qu’elle se dresse contre les démences extraordinaires et les extraterrestres bêtises de la cavalerie décolonialistes et créolisée de la diversité, avec Mélenchon en Murat ronchonnant et galopant vers l’âge limite. En France, c’est moins le possible succès d’un parti ou d’une tendance, qu’un véritable changement climatique sans climatosceptiques, un changement de l’état de l’esprit.

Au Danemark, c’est une mutation brutale, comme une inversion par rapport au dogme. Elle s’est imposée pour être opérationnalisée avec l’assurance des gens qui sont au pouvoir sans rien mettre en cause de ce pouvoir. Simplement, la boussole a fait un “demi-tour gauche” qui pourrait être un “demi-tour droite”, dans tous les cas de 180° ; et là-dessus, le  pouvoir entérine la chose, sans état d’âme et avec une majorité écrasante au Parlement.

Le changement est effectivement fondamental par rapport à la vague de populisme des années 2015-2017, où partout triomphaient ou allaient triompher ceux-là que l’on nommait “populistes”. Aujourd’hui, dans l’un et l’autre cas ici détaillé, ce sont les événements qui ont brutalement changé le cap à leur convenance. Pour nous, ils sont enfant de la mascarade Covid, la tragédie-bouffe sanitaire ; et du simulacre américaniste, où le faux-populiste Trump laisse la place à la vraie toupie crisique, sénile et démente, tournant-folle et jouant à l’incroyable Mao-yankee. En vérité, – vérité-de-situation et Vérité tout court, – les événements sont ce qu’ils sont sans que nous n’en sachions rien et ils utilisent à leur profit les ouvertures qu’ils se ménagent eux-mêmes. Dans le détail recherché avec l’acharnement de la connaissance en toutes choses, nous n’y voyons que du feu...

Il suffirait d’un peu d’une humilité qui se nomme inconnaissance ; où l’on découvrirait que le populisme tel qu’on le fit, – hydre et épouvantail d’un même souffle, BêteImmonde-etc., – était la production d’une dialectique essoufflée d’un temps passé déjà lui-même simulacré. Aujourd’hui règnent les événements venus du plus haut des cieux de l’Olympe. Ils frappent là où on les attend le moins, et changent les esprits dans une mesure totalement imprévue. La déconstruction du Système déconstructeur se poursuit.

Bien habile, suprêmement malin, celui-ci de nos experts qui dit où tout cela nous conduit. D’ailleurs, “celui-ci de nos experts” ne s’est encore aperçu de rien, de cette prépondérance des événements déconstructeurs de la déconstruction.

“Cours, camarades, les événements sont devant toi...”