Coutumes et sexe d’un temps l’autre, – de DSK à Foch

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La chose mobilise toute notre attention, tous nos écrits. Nous ne chercherons même pas à citer un commentaire ou une analyse de la méchante affaire tombée sur la tonsure grisonnante du directeur du FMI, ex-futur candidat “sérieux” de la gauche pour 2012, rattrapé après une cavale du Sofitel New York, – suite à $3.000 la nuitée, “oral sex included” avait-il cru lire sur les conditions de séjour, – jusqu’à l’Airbus d’Air France à dix minutes du décollage, à JFK airport. (JFK, sacré trousseur en son temps, mais quoi, les temps changent, – JFK fut assassiné, DSK n’est qu’arrêté, quoique ce soit par le redoutable NYPD et dans des conditions qui laissent à penser…)

Tout a été dit sur DSK et ses penchants en épingle à cheveu, tout sera encore répété, avec en prime une campagne pour les primaires socialistes pour 2012 dont les dames du parti vont faire des gorges chaudes, – façon de parler, certes. Si DSK était tout de même élu, – rêvons un peu, à la manière de Sacha , – Hillary Clinton accepterait-elle un entretien en tête-à-tête où DSK ne serait pas neutralisé, façon Hannibal Lecter dans Le silence des agneaux ? Que faire de ce mélange des genres, du fondamental au dérisoire, sinon en rire avec une moue grinçante et désolée, sinon désespérée…

Le personnel politique est fait aujourd’hui de “scélérats”, particulièrement les présidents et aspirants à l’être, lorsqu’ils viennent de l’école du Système ou en assument les choix et les ambitions. Tous ceux-là sont privés de la légitimité que leurs charges dispensaient en d’autres temps, alors ils ne sont plus qu’eux-mêmes, comme on dit qu’on est réduit à soi-même. D’où la forme des mésaventures de DSK, comme de celles de Sarko. Le problème est évidemment que la puissance phénoménale du système de la communication, dont eux-mêmes usent et abusent, se retourne contre eux, en véritable Janus, lorsque l’occasion se présente, et qu'elle les frappe impitoyablement. Qu’en plus l’affaire se passe en dessous de la ceinture, et le naufrage est complet, avec au moins cette vertu qu’il ne reste plus grand’chose de leur bassesse qui nous soit dissimulé. Ainsi, dans ces temps où l’Histoire accélère tant que le temps lui-même semble se contracter, les événements les plus anodins, comme les événements d’alcôve, dévorent les moyens de colmatage que le Système met désespérément en place pour boucher les voies d’eau qui ne cessent de se déclarer. (Dans ce cas où l’on se place du point de vue extrêmement français, la voie d’eau étant Sarko et ses avatars, présumé parfait pour les avocats du Système et de sa globalisation lorsqu’il fut élu, et le colmatage, DSK venu du FMI, assuré excellent par les services de communication du Système et de sa globalisation.) Cette orientation, cette accélération des temps, cet emballement catastrophique, cette perte de contrôle de l’essentiel des choses et de la futilité des événements, voilà les signes et les caractères d’une évolution inéluctable et irrémédiable.

Aussi, et pour nous accorder un instant de détente dans ce tourbillon sans arrêt, nous proposons l’évocation d’une autre anecdote de sexe (dito, concernant un “sexe masculin”), datant d’une autre époque, pour mesurer comment et combien changent les époques. Cela se passe en février 1918. Les Allemands rapatrient à pleins convois ferroviaires leurs divisions libérées du front de l’Est par la capitulation de la Russie devenue URSS. Ce renforcement annonce une formidable offensive de rupture sur le front de l’Ouest, où le sort de la guerre se jouera (la chose commencera le 23 mars 1918). Conscients de l’enjeu formidable et de leur position incertaine, les alliés décident de réaliser le plus rapidement possible ce qu’ils envisagent depuis plus d’un an : créer un poste de généralissime des forces alliées du Front Ouest, pour permettre une coordination entre les différentes armées nationales (française et britannique principalement, bientôt américaine). Le généralissime sera un Français, eu égard à l’importance fondamentale de l’effort de guerre français. Le Premier ministre Clémenceau, le Tigre, est chargé de présenter son candidat. Clémenceau a “son” général, Foch ; mais avant de le présenter, il veut s’armer d’une assurance ultime, – et assurance intime, si l’on peut dire. Il va voir Foch chez lui, un soir, et lui dit en substance, sachant que le général a des problèmes de vessie qui le conduisent souvent à avoir recours à une sonde : “Général, j’aurais l’intention de vous présenter au Conseil de Guerre des alliés pour le poste de généralissime des armées alliées sur le Front Ouest, mais vous comprenez qu’il n’est pas question que je présente un général qui ne peut pisser tout seul”. Sans un mot, Foch se lève, se plante devant la cheminée, se dégrafe, fait un effort surhumain qui crispe ses traits d’une douleur épouvantable, et urine enfin dans l’âtre, “d’un long jet soutenu” précise l’anecdote. Satisfait et rassuré sur l’état de la volonté de “son” général, Clémenceau se lève, salue, prend congé et, un mois plus tard, Foch est généralissime.

Il est difficile d’avancer, aujourd’hui, que DSK sera encore, dans un mois, généralissime du FMI, et, moins encore, qu’il sera généralissime de la France éternelle dans un an. Les temps ont changé, ainsi que l’usage à grands effets historiques de ce qu’on nomme “le sexe masculin”.


Mis en ligne le 16 mai 2011 à 08H46