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27 août 2005 — Le Rest Of the World (ROW) n’en croit pas ses oreilles. Il se frotte les yeux, KO sous le poids des 750 amendements au texte du sommet mondial de l’ONU proposés comme on impose la chose, comme autant de missiles guidés, “Made In USA”, par le représentant des Etats-Unis à l'ONU, Son Excellence John Bolton. Qu’est-ce que ROW croyait donc?
La stupéfaction du reste du monde doit être, pour nous, un sujet d’une fascination extrême pour l’inconséquence, la naïveté sophistiquée, la fermeture de l’esprit du reste du monde. C’est du côté des Britanniques, de “nos amis Britanniques”, que notre fascination doit être la plus grande. Les Britanniques, qui voyaient le sommet mondial de l’ONU de septembre comme la continuation de la pensée blairiste manifestée au sommet du G-8 de juillet, se retrouvent avec la bombe-Bolton dans leur besace. (Et le Guardian titre : “Britain Heads for Clash with US”.) Que croyaient-ils donc? Que John Bolton venait en vacances à l’ONU? Qu’il était “écarté” des affaires? Qu’il s’était transformé en colombe vertueuse?
Le sommet mondial de l’ONU, qui doit mettre en place une sorte de déclaration universelle de lutte contre les maux sans fin et sans nombre de la planète, était préparé cahin-caha depuis des mois. ROW croyait que tout allait bien. Et puis, John Bolton est arrivé, surgi de l’indescriptible désordre washingtonien pour frapper un grand coup.
L’explication que nous donne Julian Borger, du Guardian de ce matin, est bonne à prendre. En décrivant le processus de la mise à feu de John Bolton l’enragé, il décrit l’essentiel: le désordre washingtonien, l’indescriptible chaos qui règne dans la “capitale du monde”, — et l’inévitable extrémisme radical et aveugle qui en est accouché au bout du compte, lorsqu’il faut décider. Transformée en réaliste et en néo-internationaliste, la deuxième administration GW? Comment des diplomates chevronnés, européens et britanniques notamment, peuvent-ils encore prononcer pompeusement de telles sornettes sans chanceler sous le poids du ridicule?
Borger nous donne deux versions du déroulement des faits et de la surprise-Bolton qui en a couronné le terme. La première est distillée pesamment par les Américains et comme telle, c’est-à-dire comme l’habituel tissu de mensonges que produisent les officines washingtoniennes, elle n’a aucun intérêt sinon celui de la mesure de la médiocrité de la technique et de l’impudence du mépris où ces mêmes américanistes tiennent le reste du monde. (Première version: « The US delegation says it was raising its objections informally at meetings to discuss the draft, and was forced to circulate its blunt list of deletions and additions only after those objections were ignored. »)
La seconde, la seule qui ait quelque intérêt:
« The account provided by European officials at the UN explains the late timing of this intervention by turmoil inside the US foreign policy establishment. For the first seven months of this year, as the draft was being hammered out, the US had no full permanent representative at the UN. John Danforth retired in January, and the White House's attention was focused on persuading the Senate to confirm John Bolton. A career diplomat, Anne Patterson, led the delegation in the interim, but reportedly received little political guidance from Washington.
» When Mr Bolton arrived this month, finally forced in by the president with a temporary executive appointment, the change was dramatic. The leadership shifted from a non-political diplomat to one of the most ideological and partisan US permanent representatives in recent history.
» The document reflects Mr Bolton's belief that the assertion of US interests should almost always take precedence over the search for compromise with an international community that includes despotic and corrupt regimes.
» Of particular interest is the repeated deletion of the word “disarmament” in the section on nuclear arms. The Bush administration wants global counter-proliferation strategy to focus exclusively on preventing more countries acquiring nuclear weapons. It is seeking to play down the importance of reducing the stockpiles of the established nuclear powers, as it has plans to overhaul its own arsenal and develop new weapons, such as nuclear “bunker busters”.
» The removal of any mention of the Millennium development goal for rich countries to donate 0.7% of their gross national product to the developing world, marks a final break with the pledge agreed by the Clinton administration. US overseas development assistance is below 0.2% and near the bottom of the league. »
Une fois de plus, la brillante diplomatie britannique, ce modèle qu’on nous promet en permanence pour l’Europe, est en première ligne. Elle est prise dans sa contradiction ontologique d’avoir en permanence à nous faire prendre le feu pour l’eau et, mettant sa main dans les flammes comme on trempe son doigt dans l’eau, nous affirmer que l’eau est bonne. Une fois de plus, elle nous interprète la partition de son calvaire, qui est de s’opposer au feu dont on disait qu’il était de la bonne eau, après s’être méchamment brûlé. « Britain will join an international alliance to confront George Bush and salvage as much as possible of an ambitious plan to reshape the United Nations and tackle world poverty next week, observe Ewen MacAskill. [...]The Foreign Office confirmed yesterday that Britain was standing behind the original plan, putting it at odds with Mr Bush. »
L’avantage de cette affaire est qu’elle nous force à un “état des lieux”, puisque le document ONU qui est débattu concerne la structure de l’Organisation, ses buts, ses ambitions et ses principes. Ce que Borger résume de la sorte, en impliquant que la chose est simple, que, bref, les Etats-Unis sont en désaccord avec le reste du monde (ROW) sur à peu près tous les problèmes imaginables : « For any student of the Bush administration's foreign policy, the US version of the draft United Nations summit agreement, leaked earlier this week, is an essential text. The hundreds of deletions and insertions represent a helpfully annotated map to Washington's disagreements with most of the rest of the world on just about every global issue imaginable. »
Par conséquent, et pour cette fois sans discussion, nous dirons que l’ONU sert bien à quelque chose. La saison automnale sera chaude, animée et pleine du même enseignement toujours renouvelé, qui nous sera martelé vigoureusement et sans ambiguïté. Elle fera de l’immeuble de verre new-yorkais, dont Bolton verrait bien une dizaine d’étages en moins sans qu’on perde rien d’essentiel, le théâtre du désordre du monde. Nous nous sommes choisis un leader éclairé, cette image d’Épinal revue à Hollywood, phare de la civilisation du monde et puissance comme jamais auparavant dans l’Histoire, océan de vertu avec lequel nous partageons nos valeurs comme on fait d’une couche nuptiale éternellement renouvelée. Le vin est tiré, à notre santé.
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