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20 juillet 2002 — Le texte publié >le 19 juillet 2002 dans l'International Herald Tribune, de Bernard Boëne et Dominique David, représente un témoignage intéressant sur la défense européenne, qui rencontre informations et impressions recueillies à partir de diverses sources. Cet article nous dit, en gros, que l'absence de déclarations publiques, de conférences spectaculaires, d'articles élogieux sur le sujet de la défense européenne (et nous dirions, au contraire : la constance dans le monde médiatique d'une appréciation implicite de dénigrement et de dérision), ne doit pas nous faire croire à l'absence de dynamique dans ce domaine ; qu'au contraire, une évolution qui pourrait être un jour observée comme une révolution est en cours, qu'elle se fait au niveau des mentalités et des psychologies, qu'elle est européenne et de l'ordre de la culture. En un mot bref : la défense européenne est en train de s'installer dans les esprits et dans les habitudes.
La cause de cette évolution se trouve dans une activité quotidienne générale, les contacts nombreux, réguliers, avec les connaissances qui s'établissent, les amitiés qui se nouent, les habitudes qui se partagent et ainsi de suite, entre militaires et fonctionnaires des pays de l'UE, dans le cadre des différentes opérations et des différents mécanismes développés au sein de cette dynamique générale nommée "défense européenne". Le processus avait commencé, avant que ne soient établis formellement les canaux de la défense européenne (PESC) au sein de l'UE, au tout début des années 1990 avec les opérations dans les Balkans. Celles-ci avaient notamment permis un rapprochement décisif entre soldats français et soldats britanniques, et, d'autre part, entre soldats français, britanniques et belges (dans le secteur de Sarajevo). Des amitiés s'étaient nouées entre officiers (les généraux français Morillon et Cot, l'Anglais Rose, le Belge Briquemont). Les uns et les autres se découvraient, essentiellement les Français et les autres pays européens de l'OTAN (les Français étant absents des structures intégrées depuis 1966, ce qui était particulièrement sensible au niveau des armées de terre).
Depuis, les opérations impliquant des coopérations se sont multipliées. Puis, les négociations bureaucratiques (UEO puis UE) conduisirent à des contacts réguliers, de militaires et de civils. Depuis fin 1998 (sommet de Saint-Malo puis lancement de la PESC), ces activités courantes se sont multipliées en s'institutionnalisant. L'article met bien tout cela en évidence :
« Far from being the fortresses of nationalist sentiment that one might plausibly expect, armed services and their members across the European Union often exhibit more pro-European attitudes than their respective national public opinions.
» There are several reasons for this. One is that service members over the last decade have become more closely acquainted with their counterparts from other European nations through joint action in most theaters where military activity has taken place. They have come to realize that military action today, whether of the peace support kind or the contribution to the fight against terrorism, needs to be a collective, multinational endeavor due to considerations of cost, international legitimacy and, yes, effectiveness.
Un dernier point évoqué par les auteurs pour apprécier ce rapprochement européen "par la base" concerne une réaction européenne face à l'attitude d'arrogance des États-Unis d'Amérique, particulièrement pour ce qui concerne les forces militaires. Cette réaction européenne est d'autant plus forte que les prétentions américaines sont rarement justifiées sur le terrain, où l'on constate plutôt, selon une de nos sources militaires européennes, « >MI>la démonstration de la lourdeur et de l'inadaptation des procédures OTAN et des procédures américaines, qui sont souvent imitées les unes des autres
Dans cette perspective, il est remarquable qu'aujourd'hui, comme l'indiquent nos sources militaires déjà citées, « les meilleurs officiers de chaque pays européen membre de l'OTAN sont plutôt dirigés vers l'UE et la PESC, tandis que ceux qui sont affectés à l'OTAN sont loin de les valoir. C'est un retournement complet. Avant, les pays européens de l'OTAN envoyaient leurs meilleurs officiers dans cette organisation. »
L'article s'attache également à un événement récent qui prend toute sa signification dans la logique exposée. Il implique un autre aspect, avec implication des structures nationales directement entre elles, au niveau des systèmes de formation, montrant également cette évolution culturelle dans le sens européen. Là aussi, le progrès est silencieux mais extrêmement fécond et devrait donner des effets généraux qui apparaîtront peu à peu tout au long de la décennie.
« An official event, born of a local initiative as part of Saint-Cyr's bicentennial celebrations but funded by the European Commission and the French Ministry of Defense, embodies the spirit of that spontaneous movement. For the first time, some 200 army cadets from most EU member states and candidate countries (plus representatives from Norway, Russia, the United States and Canada) gathered this week at the French military academy to compare visions of the future and discuss European defense issues. Such was the level of assent to the initial idea that a decision has already been reached to hold such conferences every year in a different EU member country. Where better than at service academies, training tomorrow's military leaders, can the cause of a common military culture be served, and how better to serve it than by bringing those young men and women together regularly and inviting them to move beyond immediate practical considerations to first principles, issues of how to link political ends and military means, and long-term organizational strategies? »