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4538Lundi matin, on attendait que l’équipe de défense du président Trump prennent pendant trois jours le relais des accusateurs (démocrates) qui n’avaient rien apporté de nouveau et plongé l’assemblée dans une atmosphère soporifique entrecoupée de quelques réactions, quolibets et protestations du côté républicain lors de certaines accusations. Puis vint l’effrayant et terrible John Bolton...
Bolton a été viré par Trump dans des conditions difficiles, parce qu’il voulait forcer le président à suivre une politique d’agression directe contre l’Iran. Malgré que Trump l’ait finalement fait avec l’assassinat de Soleimani, Bolton conserve toute sa rancune et sa rage contre Trump alors qu’il s’était mis, depuis le mois d’août, à la rédaction express d’un bouquin sur son passage à la tête du NSC, comme conseiller du président pour les affaires de sécurité nationale. Tout était évidemment parfaitement minuté, avec la complicité très active et jubilante du New York Times (NYT) qui veut absolument le scalp du Grand Sachem The-Donald. Ainsi, le NYT publiait dans ses éditions imprimées dans la nuit de dimanche à lundi des extraits du livre de Bolton en exclusivité ; “une fuite” assurait-on, venue d’on ne sait où et d’on ne sait qui, précisait-on ; mais l’identité des “sources” est quelque chose de sacré dans la narrative progressiste-sociétale, tandis que Bolton devait sans doute exploser d’un fou-rire inhabituel chez lui.
Quoi qu’il en soit, l’extrait incriminé porte notamment sur l’affirmation de Bolton, qui discuta beaucoup de la chose avec le président en marge de la conversation téléphonique Trump-Zelenski en juillet 2019, que Trump voulait une garantie d’une enquête ukrainienne sur les activités des Biden en Ukraine, en échange du déblocage des $400 millions d’armement promis à l’Ukraine comme aide militaire.
Ainsi WSWS.org rapporte-t-il l’affaire, ou plutôt le rebondissement, son exploitation et ses conséquences...
« Selon les extraits du manuscrit du livre rendus publics, Bolton a écrit qu'il a eu des discussions avec Trump dans lesquelles le président a insisté sur le fait qu'il ne permettrait pas une reprise de l'aide militaire à l'Ukraine tant que le gouvernement ukrainien n’accepterait pas de lancer une enquête sur la corruption de Joe et Hunter Biden, ainsi qu'une enquête sur les allégations de la Maison Blanche selon lesquelles l’Ukraine serait intervenue dans l'élection américaine de 2016 pour tenter de promouvoir la candidature d'Hillary Clinton.
» Lorsque l’équipe juridique de Trump a commencé à présenter ses arguments de défense lundi, elle était déjà dépassée par les événements. Un des avocats de Trump, Michael Purpura, a passé près d'une heure à examiner en détail les preuves présentées par les responsables de la mise en accusation de la Chambre afin de prétendre que Trump n’avait jamais conditionné la libération de l'aide militaire à l’annonce par l'Ukraine d’une enquête sur les Biden. Mais le principal assistant à la sécurité nationale de Trump à l'époque, Bolton, démolit ce compte-rendu dans les documents publiés dans le New York Times quelques heures seulement auparavant.
» Au fil de la journée, il est apparu clairement que la Maison Blanche avait pris la décision de ne pas faire directement référence à Bolton lors des présentations du procès, même si Trump tweetait sans cesse sur le sujet, dénonçant le récit de Bolton comme un mensonge visant à stimuler les ventes de ses livres.
[...]
» Même sur le réseau pro-Trump Fox, les efforts de ses avocats de la défense ont été relégués au second plan par rapport aux questions sur les révélations de Bolton, – lui-même un expert neocon sur Fox News avant sa nomination par Trump en 2018 à la tête du Conseil national de sécurité (NSC).
» Bolton a fait l'objet d’attaques furieuses dans la plupart des médias d'extrême droite qui l’avaient autrefois porté au pinacle. Breitbart News a indiqué qu’il avait soumis le projet de manuscrit au Conseil de sécurité nationale pour examen, et que l'avocat chargé de ces examens était Yevgeny Vindman, frère jumeau du lieutenant-colonel Alexander Vindman, le fonctionnaire du NSC qui a témoigné devant l’enquête de mise en accusation au sujet de ses objections au blocage par Trump de l’aide militaire US à l’Ukraine. La spéculation la plus courante suggérait que Yevgeny Vindman avait divulgué le manuscrit au Times, mais Vindman a publié une déclaration niant tout rôle dans l’examen du manuscrit, qui selon lui était réalisée par un autre avocat.
» La Maison Blanche et la NSC ont tous deux déclaré que le manuscrit n’avait été examiné [selon une procédure courante pour les publications d’anciens dirigeants de la sécurité nationale]qu’au sein de la NSC. Cela suggère que la NSC n’a pas alerté l’équipe juridique de Trump sur la substance du manuscrit et les dangers qu’il représentait pour la défense de Trump, – une mesure de la crise profonde au sein de l’administration Trump, avec des factions en guerre littéralement sous le même toit.
» Le Times, dans un éditorial publié lundi soir, s'est réjoui du succès de sa bombe politique soigneusement programmée contre Trump. Il a écrit : “Mr. Bolton, un conservateur intransigeant ayant servi pendant des décennies dans les administrations républicaines, n’est pas un fanatique anti-Trump, ce qui rend ses allégations contre le président d'autant plus dévastatrices. Et sa décision de livrer publiquement son témoignage anéantit certainement toute référence aux privilège de l’exécutif que Mr. Trump pourrait faire pour écarter toute mention de leurs communications”.
» L’éditorial poursuit : “L’une des raisons pour lesquelles les bons avocats insistent pour faire déposer les témoins et livrer les preuves documentaires avant l’interrogatoire est d’éviter toute mauvaise surprise au procès. Mr. Bolton a suscité la dernière en date de ces surprises. Il y en aura certainement d’autres.” »
La “fuite” du NYT avec des extraits du livre de Bolton donne évidemment un puissant argument aux démocrates pour poursuivre le procès par des témoignages, dans tous les cas celui de Bolton. La logique (résumé par le sénateur Schumer : « Si vous ne croyez pas le compte-rendu du journal, appelez le témoin Bolton ») est évidemment difficile à réfuter, puisque Bolton s’affirme comme témoin direct de cette affaire du blocage de l’aide militaire US à l’Ukraine et qu’il occupait à l’époque un poste très important : “Ou bien le NYT dit vrai et alors la culpabilité du président devient une option fondamentale, ou bien vous ne croyez pas ce qui est écrit dans le NYT et alors il faut interroger et entendre la personne citée qui a occupé un poste si important”.
Objectivement, deux éléments sont à signaler depuis qu’a éclaté la “bombe Bolton“ :
• Un ancien de l’administration et ancien général du Corps des Marines, John Kelly qui occupa les fonctions de chef de cabinet de Trump (démission en décembre 2018), est intervenu favorablementpar rapport aux révélations de Bolton : « “Si John Bolton dit cela dans le livre, je crois John Bolton”, a déclaré Kelly, ajoutant“John est un gars honnête. C'est un homme intègre et de grande personnalité, donc nous verrons ce qui se passera”. Kelly a également soutenu les appels des démocrates à assigner des témoins dans le procès de destitution du président Trump, ce qui signifierait bien sûr un témoignage Bolton, ajoutant que “la majorité des Américains voudraient connaître toute cette histoire”. »
La prise de position de Kelly n’est pas sans importance. Elle indique une tendance de la communauté de sécurité nationale à éventuellement se satisfaire d’une intervention de Bolton très contrariante pour Trump.
• Il faudrait 51 voix pour que, vendredi, le Sénat décide de poursuivre le procès en convoquant des témoins ; c’est-à-dire qu’il faudrait que les démocrates votent tous dans ce sens, comme c’est probable, et qu’ils débauchent quatre sénateurs républicains. On retrouve quatre noms déjà mentionnés, dont on ne disait plus rien des doutes, mais qui les affirment à nouveau avec l’affaire Bolton. Les sénateurs Romney et Susan Collins ont indiqué lundi qu’il étaient « susceptibles de voter pour la poursuite du procès avec des témoins » et les sénateurs Lamar Alexander et Lisa Murkowski restent « ouverts à l’idée ». « Je pense que John Bolton a probablement quelque chose à nous offrir », a dit hier Murkowski.
Nous sommes donc dans l’entre-deux et en plein suspens pour le vote de vendredi prochain alors que l’affaire ne faisait plus guère de pli le vendredi soir de la semaine dernière après le défilé soporifique des “accusateurs”. Dans tous les cas, la “bombe Bolton” a déjà fait des dégâts qui resteront. Si les témoignages, dont celui de Bolton bien entendu, sont refusés, les démocrates ont un formidable cheval de bataille pour redoubler leurs assauts contre Trump. Ils n’hésiteront pas à en user comme s’il s’agissait d’une offensive ultime et victorieuse : quoi qu’on en veuille et dise, quoi qu’on pense du personnage, quoi qu’il ne fasse aucun doute pour quiconque qu’il s’agit d’un montage et d’un piège, le cynisme dominant de Washington D.C. encore plus présent parce qu’hystérique à “D.C.-la-folle” fait que la narrative-Bolton sera prise et brandie pour du comptant ; et elle met directement en accusation le président.
Surtout, Trump est mis sur la défensive, ce qui est une position qu’il n’aime guère et où il est plutôt vulnérable parce qu’il faut des arguments solides et des faits avérés pour s’en sortir, – et les arguments solides et les faits avérés ne sont pas le fort de Trump. L’homme est ce qu’il est et il n’est jamais meilleur que dans la super-offensive noyant l’adversaire sous le flot tweeté de ses affirmations non vérifiables, de ses anathèmes, de ses slogans, bref de ses accommodements tonitruants avec la vérité où le mensonge chargé de strass et de bling-bling est utilisé sans retenue.
Nous ne serions pas loin de considérer que la meilleure chose à faire du point de vue de Trump serait que l’on votât la prolongation du procès, ouvrant la voie à d’autres témoignages (à ce moment, les républicains réclameraient “leurs” témoignages), – et notamment, bien sûr, les Biden père et fils encalminés dans leurs corruption ukrainienne. Il faut noter que c’était la position initiale de Trump, bien avant l’affaire Bolton, Trump réclamant même d’être entendu lui-même comme témoin. Dans ce cas, il se retrouverait à l’offensive, donc dans sa position préférée, tweets et narrative en bandouillère...
... Et là, sans nul doute, le cirque de “D.C.-la-folle” deviendrait absolument grandiose sinon sublime. (Au fait, la semaine prochaine commencent les primaires démocrates, avec le caucus de l’Iowa. Les présidentielles USA-2020 sont toutes voiles dehors !)
Mis en ligne le 29 janvier 2020 à 13H40