Il n'y a pas de commentaires associés a cet article. Vous pouvez réagir.
5240Il semble que l’on puisse avancer l’hypothèse qu’aux États-Unis, où la situation est si spécifique, y compris la crise Coivid19, on soit peut-être en train de basculer de la crise-Covid19 à la crise tout court (socio-économique, troubles sociaux, politique, etc.), et cela avec la pression énorme des présidentielles de novembre prochain. Il s’agit des événements de Minneapolis, depuis lundi et la mort d’un Africain-Américain, George Floyd, lors d’un contrôle de police passant par une immobilisation ventrale et une violent prise du cou de la victime, morte d’asphyxie. Le policier qui est intervenu de la sorte, Derek Chauvin, est connu pour sa brutalité et a déjà été impliqué dans plusieurs incidents ayant abouti à la mort de personnes interpellées.
Il y a eu dès lundi soir des réactions populaires, d’abord dans le calme et portant sur le seul cas de cet Africain-Américain tué par la police, avec les connotations sociétales (racisme/antiracisme) qu’on devine mais sans que la forme de la manifestation ait cette connotation raciale puisque de nombreux blancs (ditto, Caucasiens-Américains)y participaient. Les manifestations se sont poursuivies les jours suivants et, surtout hier, ont pris une toute autre allure, tournant à l’émeut et surtout au pillage de certains magasins. Cela tend, dans les conditions économiques très difficiles actuelles où de très nombreux citoyens sont brusquement en chômage et sans revenus, et où l’on a déjà constaté que nombre d’entre eux peinent à seulement se procurer de la nourriture, à justifier de les assimiler à des “émeutes de la faim”.
C’est donc un cocktail explosif, – argument sociétal et argument économique, – qui risque de faire tache d’huile dans les conditions crisiques, sociales et politiques, que l’on connaît aujourd’hui. Hier, alors que les incidents se poursuivaient à Minneapolis, une foule d’un millier de personnes bloquaient des voitures de police sur une voie express à Los Angeles, directement en référence aux événements de Minneapolis. Bien entendu, tout le monde songe à l’élection présidentielle et à l’atmosphère crisique extrêmement tendue entre l’administration et les gouverneurs de certains États, et diverses organisations progressistes, etc., et à l’explosion qui couve par conséquent. ZeroHedge.com note, à la fin de son article du jour (« Minneapolis Is Burning »), toujours sur la suite en continu les événements :
« Il faut redire à nos lecteurs que le président Trump a signé un décret en mars, donnant aux départements de la défense et de la sécurité intérieure l’autorité de rappeler en service jusqu'à un million de gardes nationaux et de réservistes pour soutenir la réponse nationale à l'épidémie de COVID-19. Cependant, comme nous l’avions noté, les troupes pourraient être utilisées dans toutes les municipalités américaines pour maintenir l'ordre social.
» Un ‘perfect storm’ se prépare dans les centres des grandes villes des États-Unis, où l'inégalité des richesses est extrême, où le chômage atteint des niveaux records, où l’économie s’effondre, où la haine envers les policiers grandit et où les gens ont été enfermés pendant des mois. Tout ce qu’il faut, c’est un détonateur pour déclencher les troubles ; ce détonateur pourrait être la mort de George Floyd. »
Du même site, en conclusion de l’article publié hier, également du suivi continu des événements : « C’est là un risque considérable : si les troubles s’étendent à d’autres villes, comme Baltimore, où les tensions contre la police sont déjà élevées, il semble que l’administration Trump ait un problème majeur sur les bras à l’approche des élections. »
Cette possibilité est d’autant plus grande que les événements de Minneapolis, outre de tourner en “émeutes de la faim”, ont largement montré la volonté de la presseSystème pro-démocrate d’en faire un élément de mise en cause de la tendance représentée par Trump et les républicains, en accentuant plus que de raison l’aspect racial des protestations. Cette interprétation était facilitée par la comparaison avec la bienveillance dont la police avait fait preuve le mois dernier devant les manifestants, à Minneapolis, en faveur d’une “réouverture” des activités, contre le “confinement” Covid19, dans un sens notablement encouragé par Trump.
Sur RT.com, la journaliste Helen Buyniski proteste contre cette présentation qui tend à exacerber les tensions d’une protestation qu’elle juge par ailleurs absolument fondée, – cette remarque valant surtout pour mardi alors que les conditions ont bien changé hier avec les pillages.
« Des milliers de manifestants ont défilé mardi devant le quartier général de la police de Minneapolis, portant des banderoles demandant justice pour Floyd et sa famille. Alors qu'un petit groupe a brisé des vitres et peint des graffitis en chemin, les policiers en tenue anti-émeute ont rencontré tout le groupe racialement hétérogène comme s'il s'agissait d’une armée d'invasion, lançant des grenades détonantes et tirant des balles en caoutchouc et des gaz lacrymogènes dans la foule. Au moins une femme a été touchée et blessée à la tête par une balle en caoutchouc.
» Les journalistes [de la presseSystème] et les politiciens des médias sociaux ont réagi à cette effroyable démonstration de force excessive non pas en condamnant unilatéralement la violence policière, – ce qui risquerait de cimenter la redoutable “unité” [entre les communautés], – mais en opposant la répression à la réponse très modérée de la police le mois dernier lors d'une manifestation “Libérez le Minnesota” contre la confinement dans l’État à cause de Covid-19. Des centaines de manifestants, pour la plupart blancs, dont beaucoup étaient armés, avaient encerclé la résidence du gouverneur démocrate Tim Walz... »
Nul ne doit douter de ces déformations de description de la presseSystème, autant que des comportements différents de la police, des politiciens, autant que de la manipulation forcenée de la communication autour d’un incident tragique qui relève du simple vice de la brutalité policière et du racisme de policiers déjà connus pour cela.
Mais nul ne doit douter également que les démocrates, conscients d’avoir un candidat qui ne déchaîne pas l’enthousiasme, se trouvent dans une position désespérée pour tenter d’empêcher Trump d’avoir un second mandat, et sont donc prêts à exploiter toutes les occasions à cet égard. Robert Bridge met cela en évidence, en développant une autre polémique en cours, portant sur le vote par courriel que les démocrates voudraient voir autoriser dans certains États où des gouverneurs démocrates entendent maintenir un confinement, contre l’avis de Trump, et bien entendu cette consigne devant surtout être respectée par des démocrates.
« Tout comme en 2016, lorsque WikiLeaks a révélé que le DNC avait obtenu les questions qui seraient posées à Hillary Clinton lors du débat contre Trump,[USA2020] ne sera pas différent avec les démocrates employant tous les sales trucs politiques pour évincer Donald Trump de son poste.
» Après Russiagate, la tentative de destitution et maintenant l’hystérie des médias sur le Coronavirus, qui a bien sûr porté un coup majeur à Donald Trump en ce qui concerne ses espoirs de réélection en novembre, y a-t-il encore quelqu'un qui ne soit pas convaincu que la machine démocrate est prête à faire absolument tout pour gagner en novembre ?
» Les [progressistes-sociétaux] sont douloureusement conscients que si Trump gagne un nouveau mandat, tous leurs projets favoris [...] seront mis en veilleuse indéfiniment. Les temps désespérés appellent des mesures désespérées, comme exiger des bulletins de vote par correspondance pour l'élection présidentielle. »
Pour autant, on doutera grandement que les républicains soient dans un autre état d’esprit, apaisés et sûrs d’eux-mêmes. D’abord, un certain nombre d’entre eux, capables de dépasser le seul esprit partisan qui s’interdit si souvent de juger, sont particulièrement mécontents de Trump, dont ils jugent qu’il a trahis la plupart de ses promesses de USA2016. En cela, ils n’ont certainement pas tort.
La futée et talentueuse Caitline Johnstone fait cette remarque dans un texte qu’elle consacre à la personnalité de Trump, au mensonge qui l’enveloppe de tous les côtés et de toutes les façons, et à la façon dont les gens acceptent ces mensonges...
« La fameuse commentatrice de droite Ann Coulter a donné un jugement au vitriol l’autre jour, qualifiant le président d’“idiot accompli”, d’“attardé mental”, d’“être humain le plus déloyal que Dieu ait jamais créé” pour la façon dont il a traité Jeff Sessions et son incapacité à faire construire le mur-frontière avec le Mexique, conformément à sa promesse de campagne.
» “Coulter a raison”, a commenté sur Tweeter le comédien Tim Dillon. ‘Trump ne se soucie pas vraiment de l'immigration ou du mur, c’était juste pour lui un moyen de gagner. Il aime gagner. On ne vit pas toute sa vie comme une star hollywoodienne traînant avec les Clinton et Jeffrey Epstein, pour décider un jour qu’on aime les ploucs de l’Ohio”.
» Ce qui est vrai... »
Tenez, le même Dillon tweete aujourd’hui, à deux heures du matin (heure USA), à propos des incidents de Minneapolis : « Est-ce que quelqu’un peut croire une seconde qu’avec 30 millions de chômeurs en plus dans les trois derniers mois, un gouvernement incapable de fournir les services publics de base, une police militarisée qui viole les droits civiques des gens et à l’occasion en tue quelques-uns, les émeutes et les pillages resteront des incidents isolés ? »
“Ce qui est vrai”, dirait également Johnstone en commentaire, comme est vrai ce jugement de Bridge dans le texte déjà cité où, finalement, tout le monde est renvoyé dos à dos, – ou plutôt face à face ! « Quel que soit le gagnant [le 3 novembre 2020], le résultat de l’élection présidentielle promet d’allumer la mèche d’un baril de poudre d’émotions hystériques des deux côtés. »
Il est totalement futile, et sans doute impossible, de tenter de donner raison et tort à l’un et l’autre côté ; de même qu’il est totalement obscène de tenter de donner une couleur politique à l’un ou l’autre (Trump “fasciste”, par exemple). La situation aux USA se conjugue entre désordre et corruption, avec comme principaux ingrédients l’argent et la communication, et les hommes politiques, tous les hommes politiques, du plus haut sommet à la base, sont partie prenante. La crise-Covid19, outre ce qu’elle peut avoir apporté, en positif ou en négatif, à l’un ou l’autre parti, a surtout amené à la situation générale une nouvelle mèche au baril de poudre, en donnant effectivement un nouveau champ d’action à des mécanismes de manifestations violentes de la crise. Elle a encore amélioré, si l’on peut dire cette absurdité, – mais avec les USA, rien n’est tout à fait absurde, – la perfection du perfect storm dont tout le monde vous assure qu’il est programmé pour autour du 3 novembre.
On suivra avec attention les événements de Minneapolis et ailleurs pour voir s’ils se transforment d’une façon significative en “émeutes de la faim”, signifiant par là que Tim Dillon a raison et que le cirque fou de USA2020 commence plus tôt que prévu. On devra le placer dans la logique de ce qu’Alastair Crooke désigne comme une “nouvelle phase” de la “guerre civile” en cours, qui est principalement l’affrontement entre les pouvoirs des États (les gouverneurs) et le pouvoir fédéral, le “centre” washingtonien. (« In America, the virus has provided the ‘peg’ to trigger a fresh round of the U.S. civil war – the infringement of individual state ‘co-sovereignty’ vis-à-vis the Federal Executive, and of individual liberties, occasioned by stay-at-home orders. »)
On a vu, avec les gouverneurs Cuomo de New York et Newsom de Californie, la violence et la tension que peut atteindre cet affrontement, et il apparaît clairement que des émeutes et des troubles publics sont les principaux ingrédients pour porter cet affrontement à l’incandescence, et sa légitimation sur le terrain constitutionnel. Des causes d’affrontement existent, comme par exemple, s’il s’agissait de décider, dans de telles circonstances de troubles, qui a autorité sur les Gardes Nationales des États, ou encore si des litiges apparaissaient lors du décompte des votes qui se fait par État, lors de l’élection du 3 novembre.
De cette façon, et bien entendu selon la suite des émeutes et selon leur possible extension, on se trouve devant la possibilité d’une complète intégration par transmutation de la crise-Covid19 dans la crise interne colossale que connaissent les USA. Si cette transmutation-intégration se fait, il faudra se résoudre à laisser de côté la tactique de l’attaque contre la Chine pour avoir voulu infecter le monde avec son “virus de Wuhan”. On passera aux choses sérieuses.
Mis en ligne le 28 mai 2020 à 14H51