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127620 septembre 2010 — Dans notre très récent rapport sur l’état (assez triste) des choses dans la marche “commerciale” (guillemets autorisés) du site dedefensa.org, le 10 septembre 2010, nous avions fait cette remarque…
«Constat d’échec, certes, […] Nous sommes de plus en plus persuadés que le problème est moins une question d’argent (c’est-à-dire le coût de l’abonnement), moins une question de principe (accès payant ou pas) qu’une question de lecteurs, – ou, plus largement dit, de lectorat.»
Puis, plus loin dans le texte, nous revenons là-dessus :
«Plus haut, nous avons parlé du “problème de lectorat” que nous rencontrons. Nous méditons de revenir sur le problème, dans un délai assez bref, de façon à ce que cette réflexion puisse se placer dans le contexte de cette période de la première année du domaine payant. Nous méditons d’y revenir car la chose mérite notre attention du point de vue de la réflexion, pour ce qu’elle nous dit d’Internet et de ceux qui le pratiquent (les “internautes”), de l’évolution de notre site dedefensa.org, de l’évolution de la crise.»
“Nous méditons de revenir sur le problème, dans un délai assez bref”, – nous y voilà, promesse tenue. Avec ce texte, nous voulons tenter d’établir un lien entre ce que nous ressentons de l’évolution de dedefensa.org et de ses lecteurs par conséquent, d’une part, et d’autre part avec l’évolution de la crise, – ou, plus précisément dit, l’évolution de la crise générale, – ou, mieux dit, l’évolution du processus de l’effondrement de notre système. Il nous semble qu’ainsi nous joindrons l’intérêt immédiat et l’intérêt général, voire l’intérêt historique. (…Voire métahistorique ? Pourquoi pas, c’est bien là la grâce de l’Histoire, sans italiques nécessaires comme l’on fait pour le titre d’un livre, de nous donner l’opportunité de cette singulière immédiateté d’un phénomène d’une ampleur si considérable qu’il nous semble nécessaire de faire appel à la métaphysique pour l’embrasser.)
Les “débuts” formels de dedefensa.org remontent à 1999. En réalité, le site fut véritablement lancé en 2002. (Il y a une date à cet égard, qui est février 2002. Un très gros accident de notre serveur, une grosse entreprise anonyme et peu sympathique installé au Texas, qui dura pour notre compte près d’une semaine, endommagea gravement notre base de données et nous priva ad vitam eternam, – encore un coup américaniste, – d’une part très importante du matériel mis en ligne jusqu’alors. Le redémarrage fut un nouveau départ, ou bien le “vrai” départ, très vite avec un nouveau serveur, dans notre région, donc connu de nous.)
Pendant cette période, tout était axé autour d’un événement, la guerre contre l’Irak. Cet événement constituait en fait le pivot d’une séquence commençant le 11 septembre 2001 et englobant l’Afghanistan. A cette époque, on croyait encore à la signification directe des “événements terrestres”, avec l’extraordinaire “événement” d'une construction mythique autour d’une “Longue Guerre” ou d’une “guerre permanente“, ou encore GWOT (Great War On Terror) ; avec également, et désormais à ciel ouvert, une bataille constante pour distinguer les informations acceptables du reste, notamment à cause du virtualisme ambiant. (L’on savait déjà qu’il y avait une règle qui allégeait tout de même le travail : toutes les informations sont bonnes à l’examen critique, sauf les informations officielles américanistes et bientôt occidentalistes dont on sait absolument qu’elles sont fausses.)
Cette séquence s’est peu à peu dissipée à mesure exacte de l’enlisement grandissant des USA en Irak, qui provoqua parallèlement le démarrage du désordre américaniste dans sa phase finale, la plus visible. Cette métastase du désordre n’a plus cessé de s’étendre, transformant le désordre américaniste en un désordre systémique affectant l’entièreté du système. Parallèlement, dedefensa.org s’est progressivement réorienté, de l’information prise en tant que telle, directement commentée et critiquée, répondant plutôt aux événements, à une attitude plus générale et selon un point de vue qui se veut plus historique (métahistorique ?), attitude hautement sélective, extrêmement interprétative, choisissant les événements plus qu’étant guidée par eux. Surtout, il s’agit désormais d’interpréter tout ce que nous commentons d’une façon spéculative et apprécions d’une façon critique à la lumière d’une thèse centrale dont l’interprétation directement liée à la situation courante dit que nous sommes entrés dans la période d’effondrement du système, et que tout doit être considéré à cette lumière. L’Amérique reste le centre d’attraction essentiel de notre intérêt, parce que l’Amérique est effectivement le moteur-turbo et le trou noir de cet effondrement. L’arrière-plan et le cadre général sont résolument historiques et métahistoriques, fondés sur la thèse développée dans le livre La grâce de l’Histoire, dont la mise en ligne est assurée régulièrement selon la technique du “feuilleton”.
Récemment, nous avons été conduits à étendre d’une façon de plus en plus ample, de plus en plus approfondie, une réflexion métahistorique, voire métaphysique, sur ces grands événements, mettant en cause toutes les méthodes utilisées jusqu’alors, notamment ces méthodes qui utilisent comme référence ultime la raison humaine. Il s’agit, de notre part, d’une évolution qualitative importante de notre travail, dont l’effet sur le contenu du site se fait et se fera de plus en plus sentir.
Pour autant, cela ne signifie nullement quelque désintérêt que ce soit pour les événements en cours, quotidiennement considérés, bien au contraire. Il apparaît simplement que l’effondrement de la réalité sous les coups du système de la communication avec tous ses moyens faussaires, le naufrage de la raison humaine dû à sa perversion, conduisent à l’impuissance d’expliquer les événements par la voie traditionnelle. Eux-mêmes, les événements, échappent à ces visions traditionnelles. L’un des événements les plus importants en cours aux USA, le mouvement Tea Party, est aujourd’hui incompréhensible selon les analyses rationnelles habituelles, pour connaître son caractère, ses buts et ses ambitions, – alors qu’il est déjà vieux de plus d’un an et demi. Qu’exprime Bill Clinton sinon cette impuissance de la raison et de l’analyse courante, et le choix qu’il fait de la perception intuitive pour en connaître lorsqu’il dit à propos de Tea Party : «I don’t know where they stand, but I get why they’re popular…»? Cela justifie effectivement de se livrer à une analyse métaphysique de Tea Party, c’est-à-dire de rechercher l’essentiel, qui est la vérité de Tea Party avec la place qu’il prend dans la situation générale.
Il apparaît incontestable et logique que notre lectorat se soit trouvé confronté à une évolution devant laquelle des réactions très différentes étaient possibles. (Nous parlons de notre vrai lectorat, celui qui lit vraiment, pas celui qui survole, pas le lectorat “ondoyant et divers” qui fait “la circulation” sur le site et a une “valeur” quantitative, d’une extrême pauvreté – “‘valeur’ quantitative”, expression contradictoire en elle-même.) Notre sentiment intuitif est, à cet égard, qu’il y eut évidemment deux sortes de réactions, mais extrêmement tranchées, radicales, etc. La première, qui n’a pas été nécessairement réalisée d’une façon consciente, a été marquée par un rejet, venant de lecteurs qui croyaient trouver dans dedefensa.org un site uniquement d’information, même sélectif, même engagé, etc., – et qui l’avaient d’ailleurs trouvé, au début, d’une certaine façon… Cette catégorie se trouva au contraire devant un site qui évoluait, qui niait de plus en plus l’importance de l’information comme matériel brut, qui repoussait l’idée qu’une réalité pût être reconstituée de façon satisfaisante à partir des seules informations (même triées avec attention et passées au tamis de l’appréciation critique, y compris spéculative), pour permettre alors de se forger soi-même une opinion, – au caprice des choix que permet l’évolution ondulante sur les “autoroutes de l’information” (dixit Bill Clinton) d’Internet. (Si l’on veut une caricature involontairement offerte par un commentateur d’un Forum récent, qui manie le mot léger au point où l’on se demande si la lecture en entier des articles est vraiment utile : il s’agit là des lecteurs qui préfèrent “l’utilitaire” au “distrayant”, – nous-mêmes étant devenus “distrayants”…)
L’autre catégorie de lecteurs est celle qui a accepté notre démarche, qui est celle d’une rupture avec la réalité comme représentation acceptable de la situation du monde, à partir du moment où cette réalité est l’objet de manipulations si nombreuses et si contradictoires qu’elle en perd toute cohésion, toute vertu représentative, jusqu’à d’ailleurs être dédoublée en autant de clones de “réalités” que permet l’entreprise générale de déstructuration du système de la communication. Au contraire, notre démarche s’oriente vers la recherche de la vérité du monde, avec des références dépassant largement la seule raison humaine dont l’échec et l’imposture nous paraissent désormais avérés ; cette démarche nous paraît possible dans une période de si complets bouleversements.
Cette évolution du lectorat, qui est par ailleurs très logique, nous apparaît patente, à la réflexion, et explique certaines situations inattendues ou surprenantes, que nous avons relevées dans cette année où nous avons expérimenté la formule du domaine payant. Il nous apparaît en effet très fécond de lier les problèmes que nous connaissons dans la gestion du site, avec celui de l’évolution du lectorat, avec celui de l’évolution de la situation du monde, qui est l’objet de notre travail. Ces sujets qui pourraient paraitre de si différentes natures, nous semblent au contraire très liés entre eux, lorsqu’on observe les états d’esprit qui animent les uns et les autres.
Cela nous conduit assez naturellement à une réflexion plus directe sur la crise, en observant combien l’analyse qui sort de cette réflexion rencontre la situation la plus pressante, la plus essentielle de notre époque. En effet, notre conviction est que ce changement d’orientation (dedefensa.org), accompagné des modifications dans le lectorat, ne sont ni gratuits (sans rapport avec le domaine payant !) ni fortuits, ni contraints, qu’ils sont au contraire parfaitement et fermement accordés à une évolution en cours des événements, donc parfaitement naturels.
Notre conviction, comme nous l’avons souvent laissé entendre, est que nous nous trouvons, après les soubresauts successifs (2001-2003 et 9/11-Irak, 2006-2007 et la fin de l’aventure bushiste, 9/15 et l’effondrement de Wall Street en 2008), devant un autre soubresaut, ou une série d’autres soubresauts. La cause de cette nouvelle phase est l’échec, tel que le perçoit avec une puissance inouïe la psychologie collective, du redressement économique qui aurait dû avoir lieu selon les normes du système à partir de 2009 (mi-2009), et qui aurait constitué un argument, – de circonstance certes, et promis très rapidement à être démenti, – mais un argument présenté sur le moment comme impératif de la viabilité et de l’intangibilité de tout le système (l’ économie, la finance, mais aussi le reste, – bref, l’ensemble du “système de l’idéal de puissance”, ou “système de la matière déchaînée”). Cet échec et l’absence qui s’en suit du fondement de la narrative qui nous était préparée pèsent désormais d’un poids négatif terrifiant et presque mythique, accordé à l’importance également mythique qu’on donne à l’économie, et à la signification idéologique et totalitaire de la doctrine économique, dans notre système.
A la lumière de cet échec, de ce “manque”, de cette absence de “reprise”, il s’agit désormais d’une évolution et d’une accélération naturelles de la crise générale conduisant à des situations nouvelles de rupture, cette accélération nourrie par la dynamique propre du phénomène, comme se creuse une dépression de tempête ou un tourbillon dans une mer déchaînée. Il s’agit d’une évolution et d’une accélération vers un caractère universel des événements, un caractère d’ébranlement et d’effondrement du système et de la civilisation, passant tout aussi naturellement des domaines nationaux, idéologiques, etc., vers des domaines beaucoup plus larges, multidimensionnels et eschatologiques, où les valeurs habituelles liées à la lecture géopolitique et idéologique s’avèrent définitivement insuffisants et obsolètes. Des outils nouveaux doivent être utilisés pour l’interprétation des événements, et nous proposons essentiellement la métaphysique qui constitue un regard objectif fondamental, intégrant l’intuition supra-rationnelles à l’habituel cortège des observations courantes, pour donner à ces observations un sens supérieur.
C’est cette conviction générale qui nous conduit à systématiser notre interprétation des événements en termes de déstructuration et de structuration (dans cet ordre), exprimant aussi bien par ces deux concepts la notion de “mal” et la notion contraire qui s’affirme par réaction antinomique. De cette façon, nous tentons d’adapter notre langage à ce que notre conviction nous conduit à entrevoir des événements, nous référant en cela plus à une intuition qu’à une prospective raisonnable, – laquelle, la “prospective raisonnable”, si elle est envisagée seule et d’une façon impérative comme il est fait en général, n’est plus aujourd’hui qu’une bouffonnerie informe, où se débat une raison humaine conduite aux abois par sa compromission avec le “système de la matière déchaînée”.
Nous vivons des temps exceptionnels parce que la division ne se fait plus, aujourd’hui, ni entre droite et gauche, ni entre capitalistes et anticapitalistes, ni entre Nord et Sud, ni entre américanisme et le reste, – mais de plus en plus entre ceux qui ont l’intuition et donc la conviction de la venue de cette crise de système et de civilisation, et ceux qui n’y prennent pas garde, ou l’ignorent, ou la refusent, ou la réfutent, par fatigue de la psychologie, par impuissance, par inattention, par autisme volontaire, par crainte ou par scepticisme, par référence à des “valeurs” idéologiques semblant comme autant de bouées de sauvetage. Nous sommes d’ores et déjà, à notre sens, dans une situation historique exceptionnelle pour une civilisation, car il nous semble que jamais, – et cela, paradoxalement à cause du système de communication du système général, qui véhicule des impressions devenant ainsi collectives, – jamais une civilisation dans une telle situation mêlant la puissance et la suffisance, et le processus en cours de son effondrement, n’a été autant haïe par des populations qui sont les descendantes de ceux qui ont fondé cette même civilisation. Si vous voulez, la fameuse phrase de Paul Valery («Nous autres, civilisations, nous savons maintenant que nous sommes mortelles…») deviendrait : “Nous autres, civilisations, nous savons maintenant que nous sommes, par bonheur, mortelles…”. Il s’agit de situations psychologiques de déséquilibre d’une extraordinaire puissance. Leurs effets sur l’évolution de la situation générale sont mystérieux, insaisissables, mais ils sont d’une formidable puissance, dans le même sens de l’accélération des choses.
…Bien entendu, c’est tout cela que nous entendons tenter d’exprimer au jour le jour. Cela serait une gageure folle jusqu'à être absurde s’il n’y avait les caractères extraordinaires de ces temps sans comparaison, qui font que l’Histoire est à la fois si puissante, si rapide et si présente, et si peu contenue par ceux qui prétendent lui opposer leurs piètres réalités fabriquées que ses effets se font effectivement sentir chaque jour, au jour le jour, parfaitement identifiés, presque mesurés par les “historiens du quotidien” que nous sommes devenus.
Là-dessus, ce serait retomber piètrement sur le terre-à-terre, d’une terre qui rugit et mugit de fureur, comme pour un tremblement terrible, “de dimension biblique” comme on dit, que de passer à la question de la situation (“commerciale”, guillemets exigés) du site, par où nous en sommes venus à cet exposé, – cheminement qui serait inattendu même pour nous. Nous y reviendrons, plus tard.
Tout de même, tout cela doit suffire à faire comprendre que, malgré les difficultés extrêmes que rencontre notre tentative, il ne saurait être question de l’abandonner ici. Sur ce point également, les données habituelles n’ont pas cours, et il est entendu que nous irons, comme on dit un peu dramatiquement, jusqu’où nos pas nous portent.
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