De Fukushima à Los Alamos

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On sait, ou on doit le savoir, que d’immenses incendies ravagent actuellement l’Ouest et le Sud-Ouest des USA, avec notamment l’implication des Etats du Texas, de l’Arizona et du Nouveau Mexique. (Voir le texte de TomDispartch.com du 16 juin 2011.) Ces Etats sont par ailleurs touchés par la sécheresse, ceci (la sécheresse) expliquant en bonne partie cela (les incendies), et le tout est directement connecté désormais au phénomène du réchauffement climatique. Un des aspects importants de ces incendies est leur pénétration dans le Nouveau Mexique et les menaces qu’ils font peser désormais sur le laboratoire de Los Alamos, centre fondamental du développement du nucléaire militaire US depuis la Deuxième Guerre mondiale. (C’est bien sûr à Los Alamos, où plane encore l’ombre désolée du visage de Robert Oppenheimer, que fut développée la première bombe atomique. Le “laboratoire” est de dimensions colossales puisqu’il s’agit d’une véritable ville de 11.000 habitants, travaillant directement ou indirectement sur les matières nucléaires.)

• C’est le 27 juin 2011 (CNN.News) que fut signalée cette menace contre le laboratoire. «A raging wildfire near the Los Alamos National Laboratory in New Mexico has prompted the evacuation of more than 10,000 residents in the town as firefighters battle hot temperatures and high winds, authorities said Monday. […]

»The fire near the lab has raised concerns about whether hazardous materials kept there are being adequately guarded. Authorities say there are. “They have anticipated the problem of fire and they've taken precautions,” Sen. Jeff Bingaman of New Mexico told CNN Monday. “The structures that are central to the operation of the laboratory are well protected.” […] It was closed Monday to nonessential employees and will remain closed on Tuesday because of the risks presented by the fire…»

• Le 29 juin 2011 (toujours CNN.News), des déclarations officielles étaient faites pour assurer que le laboratoire était désormais en sécurité, dans tous les cas les matières sensibles qui s’y trouvent, notamment les déchets nucléaires. «“We feel very comfortable that material is secure,” Chief Doug Tucker said. […] …Tucker said that the waste, which is stored in drums, are kept on a blacktop with no vegetation around and are safe from fire. In case the fire was to close in, firefighters were ready to use foam to ensure that nothing would be released into the environment, he said.»

• Divers articles, évidemment de sources indépendantes, affirment au contraire la persistance d’une réelle préoccupation pour la sécurité des matières dangereuses à Los Alamos. Le 1er juillet 2011, le site NatureNews.com publie un article dans ce sens, qui met en évidence que le danger subsiste et même grandit alors que l’attitude officielle est évidemment de communiquer une narrative apaisante de l’affaire. Les mesures prises (notamment les contre-feux réalisés autour des lieux de stockage pour établir des “zones mortes” où le feu principal n’a plus d’aliments végétaux) montrent évidemment une très grande préoccupation de la part des autorités.

«Threats of radioactive disaster from what is shaping up to be the largest wildfire in the state's history are escalating, as heavy winds and plenty of dry brush have fueled flames to within 50 feet of New Mexico's Los Alamos National Laboratory (LANL), home of the first atomic bomb. Crews claim there are currently no fires burning on the lab's 36 square mile property, but the entire town of Los Alamos, population 11,000, has been evacuated, and the US Environmental Protection Agency (EPA) is now on radiation alert in the area.

»[…T]he current wildfire's proximity to the nuclear facility is particularly troubling because there are about 30,000 55-gallon drums of radioactive plutonium waste on the site that, according to some reports, are not particularly well-protected. “The concern is that these drums will get so hot that they'll burst,” said Joni Arends, executive director of Concerned Citizens for Nuclear Safety. “That would put this toxic material into the plume. It's a concern for everybody.”

»EPA is now monitoring for radiation the giant smoke plume that has been building and spreading across the area as a result of the fire. Because the nuclear facility itself has conducted countless nuclear experiments, some experts say that nuclear-contaminated soil, in addition to the waste drums, could also be disrupted by the fire, releasing old, but deadly, radioactive waste into the plume.

»LANL officials claim that everything is under control, and that the nuclear waste drums are at a low risk of catching fire or exploding from high heat because several canyons allegedly separate them from the current location of the fire. Fire officials have also been burning out dead zone areas in between the fire and the plant in the hopes that doing so will eliminate the brush fuel needed by the fire to spread any closer.»

Bien évidemment, une interprétation symbolique des événements s’impose dans ce cas, mettant en parallèle Fukushima et Los Alamos. Il y a la même provenance des catastrophes “naturelles”, avec une très forte probabilité d’interférence du réchauffement climatique. Il y a la transformation, effective ou menaçante, de catastrophes “naturelles” en catastrophes nucléaires. Il y a la dualité antagoniste et hautement symbolique entre le nucléaire civil (Fukushima) et le nucléaire militaire (Los Alamos), et les lieux historiques antagonistes (Los Alamos, où fut produite la bombe atomique qui fut larguée sur le Japon en août 1945, sur Hiroshima et sur Nagasaki, – seules attaques nucléaires effectives de l’histoire). Ajouterait-on qu’il y a la même attitude des autorités qui cherchent essentiellement à dissimuler la véritable nature de la situation, et à la “banaliser” pour empêcher que cette situation devienne un foyer (!) de critiques et de mises en cause politiques.

L’incendie de Los Alamos contribue à l’élargissement en cours du spectre des interprétations de cette catégorie nouvelle, fondamentalement eschatologique et fondamentalement liée aux activités du Système, des crises mêlant un aspect “naturel” et un aspect sociologique, politique et technologique, tous ces aspects se nourrissant les uns les autres. On y ajoute bien entendu la dimension eschatologique propre au nucléaire, une dimension eschatologique catastrophique créée par le sapiens lui-même. Le cocktail est redoutable, le pire qu’on puisse imaginer, et met en évidence la marche irrésistible de l’eschatologisation des crises, – et à quelle vitesse ! Il est acquis que la plupart des catastrophes “naturelles” d’importance vont désormais être directement perçues comme connectées à la crise climatique, dans le cadre de la catastrophe environnementale ; elles sont et seront directement liées aux activités et à la crise du Système, conduisant aussitôt à une dimension politique, sinon idéologique, avec des mouvements de contestation, sinon de révolte. La connexion est désormais fermement établie, donnant à la crise du Système et de notre contre-civilisation l’ampleur et l’universalité qu’elle mérite.


Mise en ligne le 2 juillet 2011 à 11H19