Il n'y a pas de commentaires associés a cet article. Vous pouvez réagir.
243304 septembre 2021 – Hier, en même temps que j’écrivais et mettais en ligne mon “cause première” premier du nom, le réseau Netflix mettait en ligne sa nouvelle série documentaire sur l’attaque du 11 septembre 2021, réalisée sans aucun doute pour “célébrer” la chose puisque nous arrivons à son 20e anniversaire : « Turning Point: 9/11 and the War on Terror ». Effectivement cette mise en ligne semble simultanée dans tous les pays couverts par Netflix, les USA mis donc à peu près sur le même calendrier que les autres ; il ne pourtant pas voir de signe particulier dans cette simultanéité, Netflix et moi....
(Voir ici ou là aux USA, notamment le 2 septembre 2021 et également le 2 septembre 2021, ce dernier avec ce titre : « Turning Point: 9/11 and the War on Terror: Netflix's sobering, harrowing series ».)
Je sais que le 20e anniversaire de cet événement et tout ce qui l’accompagne ne sont pas la principale préoccupation des Français qui sont en train de réaliser un nouveau-1789 autour de la cause vaccinale et anti-vaccinale. Pour autant et pour mon compte, je crois le sujet assez intéressant et d’une importance considérable pour y revenir et m’y attarder une fois de plus avant d’y revenir encore et encore tant je le crois également gros de grandes surprises à venir. Il est intéressant de constater, sorte de ‘reality-check’ pour moi si vous voulez, que le premier épisode de la série, après un très long prélude (15 minutes) consacré aux innombrables scènes catastrophiques et semées jusqu’à en être bouffies de lamentations sans fin de l’attaque dite 9/11, commence par des vues des forces soviétiques entrant en Afghanistan en décembre 1979.
Ainsi, ai-je noté attentivement les premiers mots du commentaire de la voix-off de la série. Ils confirment que les manœuvres préliminaires et décisives de Brzezinski sont complètement passées à la trappe du filtre de l’histoire revue-et-corrigée, si même elles ont jamais été prises en compte pour être mises à leur place de causalité première dans le contexte général :
« Mais ce qui a mené au 11 septembre a débuté des dizaines d’années plus tôt, en pleine Guerre Froide, par l’invasion de l’Afghanistan par les Soviétiques. Personne n’a totalement compris à quel point cette invasion avait marqué un tournant décisif de l’histoire. Et personne n’aurait pu prévoir que cela allait constituer un événement qui déterminerait non seulement la fin du XXe siècle mais aussi les premières décennies du XXIe siècle... »
Je n’ai pas vu d’une façon suivie toute la série jusqu’ici, mais seulement trois épisodes sur cinq. Ayant lu les résumés des deux derniers épisodes et même les ayant parcouru “en diagonales”, surtout la conclusion du dernier épisode où j’en reviens à une lecture plus suivie, je pense qu’on peut voir que cette série importante est quasi-complètement concentrée sur deux thèmes :
• D’une part sur l’événement 9/11 lui-même et les à-côtés internes : destructions et lamentations stupéfaites de la vertu américaniste agressée (“comment peut-on nous haïr à ce point ?”) ; galerie des représentations des différents acteurs de premier plan (idiotie flegmatique et ahurie de GW Bush, hargne furieuse et bouclée à double-tour de Cheney, sarcasme constant de Rumsfeld-le-diabolique [le moins stupide d’entre eux, je confirme]) ; revue de détails des erreurs stratégiques et des labyrinthes bureaucratique cloisonnées des agences de renseignement et des forces armées ; fantastique segment consacré à l’institution de la torture selon les termes d’une loi inventée pour cela, avec description millimétrée et chronométrée des différentes types de tortures “permises”, jusqu’au constat précis de l’inefficacité complète de cette pratique à partir de l’opposition entre “soumission“ et “coopération” : la torture aboutit à la “soumission” où la victime dit n’importe quoi (aucun renseignement utile) pour que cessent ses tourments, tandis que la “coopération” obtenue par des moyens plus subtils où la pression varie entre la fermeté brutale et l’hypothèse de l’entente constructive aboutit à des renseignements utiles. (Il y a même le passage d’un discours de 2014 où le sénateur McCain, dénonçant la torture malgré ses hystéries bellicistes, interroge son auditoire en mettant indirectement en évidence cette singularité extraordinaire de la barbarie américaniste : « Vous rendez-vous compte de ce que nous éprouverions si un État ennemi faisait la même chose à des prisonniers américains ? »)
• D’autre part, le déroulement accablant de la “guerre” en Afghanistan, des erreurs de départ, des tactiques désastreuses accordées à une absence complète de stratégie, jusqu’au terme dont nous avons vu ces derniers jours la démonstration extraordinaire. (Bien entendu, les scènes de l’aéroport de Kaboul et de leur poudre d’escampette catastrophique sont absentes pour des raisons de chronologie [série déjà bouclée], simplement signalées par une inscription annonçant la prise de Kaboul par les talibans le 15 août, suivi du bilan chiffré catastrophique de cette guerre pour les USA et pour l’Afghanistan.)
On observe ainsi que l’Irak, qui était pourtant le fait marquant de la période dans sa première décennie, est quasi-complètement absente, sauf une allusion ou l’autre. La révolution de la perception qui m’a tant surpris et que j’ai signalée plusieurs fois précédemment, est bien l’importance soudain écrasante de la guerre de l’Afghanistan pour définir la période. Son échec catastrophique pour les USA et les américanistes-occidentalistes, et surtout selon la thèse d’Alastair Crooke, prennent désormais et de plus en plus l’allure de l’effondrement même de la modernité-tardive et de notre civilisation.
C’est bien une “révolution de la perception”, dont la communication s’est emparée, et qui a, peut-être inconsciemment, conduit les réalisateurs de la série à faire, à partir du début catastrophique-idyllique où tous les citoyens américains se trouvaient unis dans une affliction geignarde et une exaltation d’un patriotisme trop voyant (trop “hollywoodien”) pour être durable, un tableau incroyablement sombre, une allégorie de nature morte et pourtant crépusculaire de la période. Il ne fait aucun doute que ce crépuscule est celui de l’Amérique, et avec elle de la modernité-tardive. Ainsi conclut-on l’impression générale qui émane d’une telle série, tout surprenant que ce soit venant d’une organisation telle que Netflix, aussi alignée sur les règles de la bienpensance du Système ; ou bien est-ce que le Système lui-même s’avère être un amant aussi ardent de son autodestruction que de sa surpuissance ?
(N’est-il pas vrai, Lincoln ? « Si la destruction devait un jour nous atteindre, nous devrions en être nous-mêmes les premiers et les ultimes artisans. En tant que nation d’hommes libres, nous devons éternellement survivre, ou mourir en nous suicidant. »)
Il est tout à fait remarquable qu’en vingt ans, la perception ait évolué dans ce sens et avec cette brutalité, et d’ailleurs tous les actes opérationnels et autres semblant avoir été organisés dans ce sens, se révélant finalement d’une brutalité imprévue même dans le domaine du statique (voir l’aéroport de Kaboul pris par les talibans, et le cimetière de ferraille à un million de dollars les 50 kilos, – hélicos, véhicules, avions, etc., – laissé derrière eux par les hommes du Pentagone). Finalement, la chute du Kaboul signalée par une simple phrase en lettres blanches sur fond d’un noir sinistre, est beaucoup plus frappante, beaucoup plus pertinente dans la forme et le fond, que des images du chaos de l’aéroport de Kaboul que les réalisateurs eussent tenté de mettre s’ils en avaient eu le temps.
« Le 11-septembre est en quelque sorte la théorie du complot originel... », est-il dit dans le dernier segment de conclusion, et cette phrase courte n’est pas spécifiquement explicitée sinon qu’elle constitue un enchaînement sur quelques vues de manifestants favorable à la théorie d’un complot, mises à cette place d’honneur comme s’il y avait secrètement de la part des réalisateurs une opinion d’admissibilité de cette attitude “complotiste”. (Il faut noter que, dans la description des attaques du 11-septembre, il est mentionné qu’un témoin assure avoir vu un “avion léger”, ou si l’on veut un “objet volant de petites dimensions” et non un avion de ligne aux dimensions considérables, s’écraser contre le Pentagone.)
Mais je crois qu’au-delà de la polémique si inféconde de la question opérationnelle du complot, il y a dans la phrase citée ceci que le mot “originel” ne doit pas être entendu dans le sens chronologique (“à l’origine”) mais bien dans le sens ontologique (“créateur d’une substance”). Dans le contexte et selon ce qui nous est exposé, cette phrase se comprend, peut-être à l’insu de celui qui l’a dite, comme la conclusion selon laquelle tous les événements à partir de 9/11 concourent à faire de la période un “complot” transcendant de la destruction de l’américanisme et de la modernité, dont nul ne connaîtra jamais les auteurs humains parce que les auteurs ne sont pas humains mais d’une espèce de sorte surhumaine. D’ailleurs, toute la volaille a quitté le poulailler de Kaboul et nul n’en saura plus rien de certain.
... On en restera là. Netflix présente cela comme une “Season-1”. Je pense pourtant que, dans l’état actuel des esprits et des vérités-de-situation, tout est dit et la messe est donnée hors des consignes de Vatican-II.