Un commentaire est associé à cet article. Vous pouvez le consulter et réagir à votre tour.
547716 janvier 2023 2023 (14H50) – Je me suis arrêté à un segment d’une chaîne YouTube de la série ‘Campaign 23s’ (YouTube n’enchaîne pas nécessairement le programme de la série, – il s’en garde bien) ; essentiellement pour mon cas et pour qui est de quelque intérêt de mon point de vue, avec Scott Ritter (surtout) et Douglas Macgregor comme intervenants. Je m’arrête à un Ritter inhabituel...
Je veux dire, un Scott Ritter qui fait des commentaires inhabituels, le plus souvent hors de la formule de l’interview ou de la conversation, et souvent en voix off sur le fond de films montrant l’actuel conflit en Ukraine. Ritter nous a habitués à des commentaires très techniques mais, dans ce cas, il emploie un style d’intervention beaucoup plus tragique, métaphorique, voire mystique et symbolique, un style inhabituel marqué sur le fond par son obsession manifeste qui est celle du conflit nucléaire, à la possibilité duquel il croit manifestement.
Par exemple, le 15 janvier :
« Je ne suis pas un amateur de musique classique comme certains d’entre vous sont, je me réfère renvoies plutôt au goût d’une musique populaire présente dans les classes de travailleurs ... Quand j’essaie de trouver une musique qui corresponde à la description de la situation que nous vivons, qui est celle de la possibilité d’une guerre nucléaire, je pense à la chanson de Johnny Cash ‘The Man Comes Around” et les derniers vers qui viennent d’une voix éteinte parce qu’ils pourraient venir d’un homme sur son lit de mort.
» ‘And I heard a voice in the midst of the four beasts
» ‘And I looked and behold, a pale horse
» ‘And his name that sat on him was Death
» ‘And Hell followed with him.’ »
Ritter rapporte ce qu’un des hommes qui avaient connu la crise des missiles de Cuba lui avait confié pour décrire cet événement. Le danger était immense, il s’agissait d’adversaires qu’on aurait dit “à mort” mais qui, dans la coulisse, continuaient à parler pour atteindre un but commun : éviter la guerre nucléaire... Et ils l’évitèrent.
Récemment, Ritter a déjeuné avec le Russe Antonov, qui est l’ambassadeur de la Russie à l’ONU. Antonov a participé aux dernières négociations en date d’un accord d’armement entre les USA et la Russie, l’accord de prolongation du traité sur les limitations des armes nucléaires stratégiques. Antonov rapportait donc une réunion (du temps de l’administration Obama) où l’on se parlait en vue d’obtenir un accord. Aujourd’hui, cela n’est plus possible : « On ne négocie pas dans le vide, sur rien et avec personne », conclut son interlocuteur, résumant ainsi les actuelles relations stratégiques nucléaires du point de vue de la diplomatie. Cette situation-là est sans précédent et totalement hors de tous les actes construits du genre humain et elle peut être reproduite à tous les domaines dits d’“intérêts communs”, entre la Russie et les US, ou entre la Russie et l’“Ouest collectif”, – ou, pris d’une façon plus générale si l’on veut, entre “l’Ouest collectif” et le “non-Ouest collectif”. A cet égard, nous vivons une époque qui va bien au-delà de tout ce que la barbarie nous a fait connaître, en fait d’inhumanité extrêmement sophistiquée, s’agitant avec enthousiasme dans un abîme sans fond d’hypocrisie diabolique.
L’“Ouest collectif” et ses “experts”, lorsqu’ils campent sur le Mont Sinaï sacré de la vertu morale, reprochent fréquemment aux Russes, ou aux “non-Occidentaux”, de n’évaluer les choses qu’en fonction du “rapport des forces”. Cette attitude extrêmement abrupte qui vous demande le passeport (d’ailleurs classifié ‘Top Secret’) de la Vertu Morale selon la définition propre de celui qui le donne pour avoir l’autorisation de parler, cette attitude qui prétend dénoncer la pratique du “rapport des forces” l’institue en fait d’une façon encore plus rigoureuse que ces seules forces ; elle l’institue d’une façon religieuse et exclusivement dogmatique, avec l’anathème de l’excommunication pour l’hérétique, au nom de la “force morale” dont on sait de quels excès elle sait parfaitement illustrer son enseignement. Ainsi les forces de l’habituel “rapport des forces” deviennent-elles, d’un côté, – on devine lequel, – les forces du Bien, dans le Camp du Bien, au service du Bien et Ainsi Soit-Il.. Où peut-on trouver quelque espace que ce soit pour négocier, surtout lorsqu’on est relégué au rôle de quelque chose qui ne peut être nécessairement que le Mauvais-Mêchant ?
C’est ainsi que le métier de “commentateur”, que Ritter tente de faire comme nous tentons de le faire, paraît-il bien vain à certains moments... Comme le joueur de tennis qui joue son match contre un autre joueur et qui découvre soudain qu’il ne joue pas un match, qu’il n’y a pas d’adversaire, mais simplement “qu’il fait du mur” comme l’on dit (s’entraîner à taper dans une balle contre un mur où est peinte une bande blanche marquant la hauteur du filet).
Note de PhG-Bis : « PhG me dit qu’il se rappelle d’une variation sur ce thème à la fin du film d’Antonioni, ‘Blow-Up’, de 1967 ou 1968. Le film aborde la question de la perception de la réalité au travers du travail d’un photographe qui croit avoir distingué sur une photo de paysage, en tout arrière-plan, derrière un buisson, une scène de l’assassinat d’une femme, et qui ne cesse d’agrandir cette photo à la limite de la netteté, jusqu’au grain lui-même, – où trouve-t-on la réalité ? [Antonioni, ou plutôt les thuriféraires d’Antonioni, parlaient plutôt d’“incommunicabilité entre les êtres”, ce qui paraît assez prétentieux à PhG, et semble aussi bien nous annoncer les déboires actuels où l’“incommunicabilité” se révèle être “désordre“ et “néant”, sinon de la haine brute et sans but, qui est selon le philosophe Günther Anders “l’affirmation de soi par négation et destruction de l’autre. [...] Le dit de la haine [est] ‘il faut qu’il ne soit pas, pour que moi je sois’”.] ‘Blow-Up’ se termine par une partie de tennis, sur un court entouré de grillage dans un parc public ; et la partie est très disputée ; et la caméra se rapproche de la scène ; et les joueurs qui courent dans tous les sens pour reprendre la balle dans un échange qui semble interminable, avec une adresse qui semble exceptionnelle ; et l’on découvre soudain, ou bien enfin, qu’il n’y a pas de balle... »
Nous, les commentateurs, – je parle de ceux qui sont des nôtres, qui ont refusé l’engagement dans la Légion des Zombies Postmodernes, – nous nous trouvons dans cette situation avec nos observations, nos arguments, nos évidences, nos références de mémoire et d’histoire : des joueurs de tennis sans balle ou qui “font du mur”. Nous parlons, nous écrivons, et découvrons des sourds qui entendent des voix, des sélectionneurs aveugles qui désignent comme signes de la Beauté et de la Grandeur des ombres d’êtres ou de choses que nous ne voyons pas parce qu’ils n’existent pas.
Je me dis qu’il nous faut bien du courage pour poursuivre en évitant les excès des crises nerveuses et des hallucinations comploteuses, qu’il nous faut même une sorte d’abnégation évidemment naturelle, qui ne s’embarrasse ni des applaudimètres, ni des récompenses officielles, ni de la reconnaissance de la faveur publique. C’est là je crois qu’il nous faut, qu’il me faut parler de ce phénomène bien trop galvaudé, si mal compris, si aisément caricaturé, de la foi.
Je veux simplement dire que la foi ne se définit pas par son objet (la foi en Dieu pour l’un, la foi en la Vérité pour l’autre, que sais-je) mais par soi-même. Elle constitue un trait du caractère, ce qui fait à la fois la dignité et la fermeté d’un caractère, cette “force de caractère” qui fait qu’on peut dominer la souffrance et la tristesse, et même décider, s’il le faut, de rompre (ce qui peut conduire à accepter l’idée de suicide qui n’est pas nécessairement une abdication extrême mais plutôt une “renonciation” lucide comme doivent être définis les retraits de Charles-Quint à la fin de sa vie et du pape Benoît XVI, – je parle de leurs comportements personnels et nullement des événements extérieurs, dont certains interdisent le suicide). La foi, comprise hors de toute référence religieuse et selon sa racine latine de ‘fidus’ (“confiance”), représente ce qui donne au mot “liberté” un sens pur, dépourvu de toute ambiguïté, de toute interprétation partisane, de forfanterie, d’irresponsabilité, de ce goût passionné pour le ‘fun’ en toutes choses qui marque les démarches de notre BA (Bonheur Artificiel) comme artifice nécessaire à notre IA (Intelligence Artificielle).
Forum — Charger les commentaires