Il y a 8 commentaires associés à cet article. Vous pouvez les consulter et réagir à votre tour.
222931 août 2018 – Dix ans après la crise financière, nous en avons fini avec la surveillance et l’analyse des chiffres parcellaires dont on nous saoulait pour nous balader hors de nos préoccupations sacrilèges, nous maintenir dans la seule sphère de l’économisme au sens large (le financier compris) et ainsi emprisonner notre psychologie dans leur façon de voir le monde. Wall Street et sa bulle qui n’en finit pas de gonfler comme si elle se trouvait dans le vide sidéral, les débats et les rodomontades sur la romance de la croissance, tout cela nous semble faire partie d’un autre monde. La seule stabilité du jugement concerne la situation des États-Unis d’Amérique, qui reste le centre à prétention impériale de ce vieux monde qui se défait en lambeaux... Tout cela nous paraît si pathétique dans leur prétention à songer une seule seconde encore à maîtriser la Grande Crise, que nous avons qualifiée depuis plusieurs années déjà, ici à dedefensa.org, de Grande Crise d’Effondrement du Système.
(Je n’insiste pas trop, du moins pour cet instant, et pour satisfaire un ami cher qui me disait que cette manie des acronymes lui rappelait fâcheusement l’OTAN, le Pentagone et Cie. Néanmoins, il s’agit bien de la GCES et je suis sûr que cet ami finira par accepter cette pratique selon l’idée qu’il faut savoir, – selon la fameuse technique du “faire aïkido”, – retourner ses armes, y compris dialectiques, contre l’adversaire... Le jour où l’OTAN adoptera pour en débattre l’acronyme GCES, ou GCSC en anglais [dernier “C” pour Collapse], je considérerai cela comme l’ultime signe de leur capitulation psychologique et sans condition, pour solde de tous comptes.)
Car le grand débat qui nous occupe et souvent nous oppose, nous autres antiSystème, c’est bien celui de savoir à quelle sauce de l’effondrement, avec les USA comme fanion-amiral, comme archétype du domaine, le Système sera mangé, – ou plutôt, se mangera gloutonnement lui-même... Nos sommaires successifs sont chargés de textes sur le sujet, comme vous pouvez le constater en suivant la bonne marche du site. Cette rupture psychologique, car c’en est une plus qu’une évolution, est aujourd’hui ce qui divise, et parfois férocement, les antiSystème.
Parlant de “rupture”, je veux simplement indiquer que nous sommes passés de la “quête de l’effondrement” (Y aura-t-il effondrement ?) à “l’enquête sur l’effondrement” (Quelle sorte d’effondrement va-t-il se produire ?). Je fais ce constat, qui est amorcé depuis plusieurs années, sans aucun doute en même temps que “la rupture”, que le front de l’antiSystème a perdu de sa belle unité originelle pour se morceler en opinions différentes sur le sujet de l’effondrement : “quelle sorte d’effondrement ?”, – et le débat est féroce, montrant par-là que l’antiSystème n’est plus une option mais une obligation et une fatalité avec des approches diverses qu’impose aux esprits le tourbillon crisique, ce facteur opérationnel, fondamental et inarrêtable de la situation.
Je passe rapidement sur ma position, qui est ici une simple indication n’appelant nullement un débat, disons une simple information ne prétendant qu’à la simplification claire que l’on distingue dans tous nos textes du site : l'idée que l’effondrement devrait commencer nécessairement, s’il n’est déjà commencé comme je crois que c’est le cas, par la contraction en un trou de paroxysme et de désordre de la scène intérieure des USA, nullement dans les aventures extérieures que la Bête complètement essoufflée n’a plus la volonté ni les moyens d’engager. Le jugement de Trump, qui reflète une psychologie elle-même de plus en plus irrésistible, dit bien la chose sous la forme de l’irrésistibilité des passions : « Le niveau de haine et de colère est absolument incroyable de puissance. » Qu’il s’agisse de “communication” puisqu’il s’agit de psychologie n’est en rien un argument contradictoire, puisque la communication est aujourd’hui la clef de tout, y compris de la violence de l’effondrement.
Par conséquent, nous devons un tribut conséquent à l’homme-Trump, celui par qui le désordre précipitant l’effondrement est arrivé. La haine extraordinaire qu’il suscite, qui est un sentiment catastrophique par tout ce qu’elle suscite comme effets catastrophiques pour les structures et la forme même des USA, constitue pour moi le mystère le plus fascinant de la séquence. Quel aveuglement conduit à ne pas voir que cette poussée furieuse et qui ne cesse de les rendre tous déments, n’est rien de moins que le pistolet chargé jusqu’à la gueule que le Système s’est posé sur la tempe ?
Ce mystère-là entretient ma conviction qu’il y a là en action des forces bien autrement puissantes et maîtresses de notre destin que les simples manigances humaines, y compris bien entendu celle de Trump qui est simplement l’outil principal de la séquence. C’est effectivement Trump (disons Trump-2015), qui a déclenché la rupture psychologique qui est le sujet de cette page de ce Journal-dde.crisis : de la quête (Y aura-t-il effondrement ?) à l’enquête (Quelle sorte d’effondrement va-t-il se produire ?).
Depuis que j’ai commencé ce Journal-dde.crisis il y a trois ans (justement, comme un signe, et sans aucune réalisation prémonitoire de ma part lorsque cela fut fait : en septembre 2015, lorsque Trump vient d’entrer en piste), – depuis lors, dis-je, il y a eu la marque de cette évolution, – là aussi, hors de toute préméditation, et parfois même avec de l’agacement de ma part du fait d’être forcé à cette orientation. Alors que je voulais faire un Journal très divers, pouvant aborder des sujets échappant à l’actualité, ou bien touchant des sujets personnels, inactuels, des sujets qui me sont très chers et qui sont hors des obligations du temps de la communication politique, au contraire les pressions de ce temps politique m’ont rapidement rattrapé, investi, ligoté... Aujourd’hui, la plupart des sujets que je traite concerne, disons pour faire court, la GCES. Impossible d’y échapper.
Il n’y a plus de “quête de l’effondrement” parce que l’effondrement est là, bien en cours dirais-je comme lorsqu’on disait dans les temps passés qu’on était “bien en cour”, et qu’il monopolise par conséquent l’essentiel de notre attention, et de la mienne par conséquence supplémentaire. Effectivement, il ne reste qu’à mener une enquête permanente, où les constats et les perceptions s’accordent ou s’opposent, etc. ; mais sur le choix du sujet l’accord se fait, car l’on ne peut réfléchir sérieusement que sur ce sujet. Même la minable tentative de censure des “titans de notre temps”, ces nains grimés en géants de carnaval, se perd dans le désordre de la contradiction et la bêtise de leurs méthodes automatisées, si bien que la chose ne fera qu’accélérer le processus.
L’écrivain et chroniqueur Alexandre Vialatte avait l’habitude de terminer toutes ses chroniques délicieuses dans le journal La Montagne (*) par la formule « Et c’est ainsi qu’Allah est grand », – vraiment sans intention de nuire, par simple jeu, parce qu’il avait l’esprit buissonnier. Aujourd’hui, il serait l’objet d’une enquête, parce qu’il serait soupçonné d’être partie prenante, pour ou contre c’est selon, dans ce processus de l’effondrement d’un point de vue islamophobique ou islamophile c’est selon. Vialatte s’en est allé et là où il est, il doit bien rire.
Et c’est ainsi que Trump est grand....
(*) Entre deux séquences de la GCES, je conseille de lire Les chroniques de La Montagne, Alexandre Vialatte, Bouquins, 2000.
Forum — Charger les commentaires