De la Russie à l’URSS et retour

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De la Russie à l’URSS et retour

27 août 2012 – La vitesse des évènements, ou disons de la représentation des évènements (qu’ils aient lieu ou pas), par la grâce fort ambiguë de la communication, effet Janus compris, empêche souvent, bien entendu, de réaliser toute la profondeur et toute la signification de certains de ces évènements. En même temps, une certaine durée de perception est nécessaire pour les intégrer dans un contexte plus large et faire surgir cette profondeur et cette signification. Il importe, pour l’essentiel et pour entreprendre l’alchimie de la chose, d’être éclairé par l’intuition qui vous suggère qu’ici, il y a quelque chose d’important.

C’est, pour nous, le cas du traitement fait à la Russie par le bloc BAO, – mais, dans ce cas, par les USA essentiellement. On en relève aujourd’hui couramment les péripéties, comme on le voit dans nos textes depuis décembre 2011. Cette situation a aussitôt été perçue, disons comme “allant de soi” dans la logique de la politique de subversion du bloc BAO (USA essentiellement), notamment des “révolutions de couleur” des années 2002-2005. Mais cette logique est trop courte. La perception qui apparaît aujourd’hui, à la lumière d’une perspective historique un peu plus longue tout de même, puisque renvoyant à la Guerre froide, est que le cas de l’attaque contre la Russie (l’“agression douce”), est celui d’un événement d’une substance différente de ce qui a précédé (les “révolutions de couleur”), et un événement d’une substance unique et éventuellement catastrophique dans ses prolongements potentiels.

(Que ceci soit bien entendu : nous écartons absolument l’argument américaniste-occidentaliste, de type “moral”, de la “démocratisation” et tout le reste qui va avec. Les évènements de ces dernières années, ainsi que le révisionnisme historique, sinon métahistorique, auquel ils invitent impérativement, nous disent que le niveau objectivement moral des systèmes du bloc BAO non seulement ne présente aucune supériorité sur le reste, mais s’avère en vérité infiniment plus pervers et subversif. Nos lecteurs comprennent cela, c’est-à-dire notre position, avec des arguments historiques et métahistoriques dans nombre de nos textes et de nos réflexions, – et jamais d’arguments moraux, à l’aune de leur morale. De ce point de vue, nous avons jugé utile et bienvenu de publier parallèlement un texte sur Vladimir Volkoff, sur la “désinformation” qui fait partie de la guerre de la communication qui règle tactiquement tous ces évènements, et sur l’évolution de Volkoff par rapport à ce que fut sa position durant la Guerre froide [également illustrée par un autre texte de nos archives, que nous remettons en ligne ce même , pour solliciter l’attention de nos lecteurs].).

C’est effectivement depuis décembre 2011 que les pressions que nous qualifions de “déstructurantes” et de “dissolvantes” des USA sur la Russie, devinrent une réalité quasiment officielles des relations entre les deux pays. C’est à l’occasion des élections législatives en Russie (voir le 6 décembre 2011 et le 8 décembre 2012) que le fait s’imposa, en même temps qu’il apparaissait qu’une myriade d’organisations, de fondations, de groupes d’opposition et d’ONG, etc., souvent financés directement par les USA, existaient officiellement en Russie et agissaient dans le sens qu’on décrit ici, pour un but final qu’on ne peut décrire que comme “déstructurant” et “dissolvant”. La campagne de l’élection présidentielle fut également marquée par ces pressions, que nous plaçâmes en connexion directe avec les crises de politique extérieure, notamment la Syrie (voir notamment le 25 février 2012, le 5 mars 2012, le 12 mars 2012). Il s’agissait, de plus en plus évidemment d’une sorte nouvelle de “guerre totale”, effectivement en connexion avec les crises extérieures, et relevant autant du même esprit et de la même psychologie déstructurante et dissolvante du côté du bloc BAO/des USA, et impliquant fortement le système de la communication (voir le 14 mars 2012 et le 2 avril 2012)

Un autre élément est apparu, extrêmement puissant et révélateur, et, de notre point de vue, sans doute le plus important. Il s’agit de ce fait que cette action des USA se fait à ciel ouvert, en connexion avec les groupes intérieurs russes, également à ciel ouvert. On a vu des textes dans ce sens, sur l’opposition (le 9 mai 2012 et le 27 juillet 2012), avec au premier plan d’une manière publique sinon publicitaire, l’ambassadeur US à Moscou McFaul (voir le 30 juillet 2012). L’affaire Pussy Riot a confirmé tout cela, s'inscrivant absolument dans le même sens (voir le 21 août 2012 et le 25 août 2012). A propos de l’ambassadeur McFaul et de cette “stratégie” en général, nous avons parlé d’“agression douce” (voir le 30 juillet 2012), avec une dimension psychologique et culturelle, voire spirituelle (le 3 mars 2012 et le 23 avril 2012).

On dispose même d’une typologie de l’“opposant” russe à Poutine, qui se présente et agit ouvertement, en toute ingénuité et pourrait-on dire en toute innocence, comme un agent “déstructurant” et “dissolvant” de ce pouvoir russe, tel que ce pouvoir est défini par lui (l’opposant). La chose est quasiment officielle, du point vue BAO et US, et présentée comme telle, officialisant ainsi cette action subversive, déstructurante et dissolvante impliquant cette fameuse “agression douce”. Il s’agit donc d’une “agression” à ciel ouvert, également quasiment officielle. Les “opposants”, véhicules et outils de cette agression, étaient notamment présentés d’une façon enrichissante pour l’esprit (le nôtre), et pour leur psychologie autant que pour l’action de communication dont il dépendait, par le journaliste Tim Kirby, dans un texte du 17 juillet 2012.

«Cette affaire, à côté de la stratégie d’“agression douce” qu’elle implique sous la houlette de l’ambassadeur McFaul, fait intervenir une catégorie de personnes très particulière, que le journaliste Tim Kirby a déjà caractérisée dans un texte d’analyse politico-sociologique sur les catégories politiques en Russie, le 2 mars 2012 (Russia Today). Il s’agit des “Occidentalistes”, les activistes pro-occidentaux, et essentiellement pro-USA, qui se caractérisent en général par une sincérité et une naïveté qui ne semblent avoir de correspondance que dans l’admiration qu’ils vouent aux USA, et la détestation à mesure symétrique pour la Russie.

»“Pro-Western: Frankly speaking, these Russians are not very Russian, they generally don’t like anything about their country and feel a great degree of inferiority to the West who represents for them the perfect model of how to live. You’d be amazed at how many people I’ve spoken to who would like the USA to attack/take control of Russia because ‘they would do a better job’.

»”This philosophy is pro-globalization, consumer culture, usage of English in Russia, open borders, etc. In my own personal experience despite how highly this group of people value the West they know absolutely nothing about it. They think that the west has a higher standard of living (which is debatable) simply by its nature and not due to history, hard work, or the system on which it is founded. I spoke to a former Russian and now American who proudly said that the Constitution is ‘out-dated’ which would be blasphemy to any natural-born American who understands what America is all about. This viewpoint is basically a skewed naive copy of Western Liberalism.

»Dans un autre article, en date du 24 juillet 2012, le même Kirby donne une approche intéressante de cette loi sur “les agents étrangers”, que certaines ONG russes (il y en a plus d'un millier) ont dénoncée, selon l’image extrêmement sexy et d’une confondante véracité qu’il s’agissait d’un traitement comparable à celui des juifs forcés de porter l’étoile jaune pendant la guerre. Cette loi constitue une reproduction pour la Russie de la loi US de 1938, dite Foreign Agents Registration Act (voir la page FARA, sur les sites du gouvernement fédéral US).

»“These activists and organizations (whose job it is to spread American influence throughout Russia) love to say how awful and undemocratic Russia is, and how great it would be “if Russia could only be like America!” Well, these people obviously don't know much about their trade, because this bill is based on an American law that’s been in use from 1938! In fact, there is an entire government site dedicated to the Foreign Agents Registration Act. That’s right: The idea came from the good old USA. Hipsters rejoice, Russia just got a bit more American! You've heard me complain about how Russia is following the West into the grave, but if the West has some good ideas from a bygone era to increase national sovereignty then I'm all for it…”»

Pour l’apprécier à sa juste valeur, il faut absolument placer cette situation, dans tous les détails évoqués, dans une perspective historique. Les opposants eux-mêmes se réclament, “en toute ingénuité et pourrait-on dire en toute innocence” pourrions-nous répéter, de l’héritage de la “dissidence” soviétique du temps de la Guerre froide. C’est vite dit bien qu'ils le disent en général, – tant est grande la différence de trempe, de circonstances, de courage, d'esprit et de conception du monde, si pas d'intelligence tout court ; bien entendu, leurs interlocuteurs et manipulateurs du bloc BAO ne les démentent pas, bien au contraire. (Nous aurions pourtant tendance à en rajouter là aussi, à la lumière prochaine d’un autre texte, sur un aspect psychologique fondamental, qui doit enchaîner sur la situation décrite dans ce texte pour l’éclairer décisivement : ces “interlocuteurs et manipulateurs du bloc BAO”, les McFaul et Cie, agissant eux aussi, à notre sens et eux à leur façon, “en toute ingénuité et pourrait-on dire en toute innocence”…)

Nous laissons de côté cette circonstance (ingénuité, innocence, ciel ouvert et démocratie), dont on peut d’ailleurs aisément deviner ce que nous en pensons, – aucune réelle duplicité dans leur chef mais bien une débilité psychologique caractéristique (à nouveau, notre texte à venir). Ce que nous voulons mettre en évidence, – en acceptant pour la démonstration la pertinence et la justesse de l’analogie de type politique entre aujourd’hui et la Guerre froide (mais nullement analogie dans le sens moral, ni psychologique, ni certainement métahistorique, bien au contraire), – c’est l’extraordinaire situation que l’on observe aujourd’hui par rapport à ce que fut la situation durant les années de Guerre froide. Nous voulons parler plus précisément de la situation, de l’action, de l’intervention du bloc BAO vis-à-vis des opposants russes aujourd’hui, par rapport à la situation, l’action et l’intervention de ce que l’on appelait alors “l’Ouest”, ou “le Monde libre”, par rapport aux dissidents soviétiques durant les années de Guerre froide. Le contraste est absolument extraordinaire et fascinant, et il nous en dit beaucoup, non pas sur les situations respectives, non pas sur les situations intérieures russe et soviétique, mais sur l’évolution du “Monde libre” devenu “bloc BAO” ; sur l’évolution de la psychologie du pouvoir qui dirigea l’un et qui dirige l’autre, du changement de la perception ; sur l’évolution de la responsabilité de ce pouvoir vers ce que nous nommerons sous forme d’un néologisme, dans le texte promis, une “infraresponsabilité” (politique ou autre, et même plutôt “de communication” mais dans conditions très particulières) de ce qui ne peut plus être vraiment désigné comme “un pouvoir”, même si nous usons du concept par facilité de compréhension… C’est-à-dire, tout cela, la prodigieuse et stupéfiante rapidité de l’investissement achevé et totalitaire des psychologies humaines, – celle des élites du bloc BAO dans ce cas, – par le Système agissant en tant qu’entité autonome, proche d’être, sinon étant une égrégore...

Pour poursuivre notre travail, nous allons donc évoquer ce que fut la situation et l’action des pouvoirs du “Monde libre”, essentiellement des USA, vis-à-vis des dissidents soviétiques d’alors, en les comparant à la situation et l’action des pouvoirs du bloc BAO essentiellement des USA, vis-à-vis de l’opposition russe d’aujourd’hui… On verra que notre acceptation “pour la démonstration” de “la pertinence et la justesse de l’analogie” n’est vraiment qu’une disposition théorique de travail, sans la moindre vérité, ni historique, ni métahistorique. Entre la Guerre froide et aujourd’hui, nous sommes passé d’un monde à un autre, complètement différent ; d’une époque qui contenait ses vérités et ses constructions faussaires à une époque (l'actuelle) qui, derrière sa complète construction faussaire, nous hurle littéralement la complète vérité du monde qui est ainsi totalement niée. Même les sourds devraient en distinguer quelque écho…

Le pouvoir et l’“infraresponsabilité”

Nous avons nous-mêmes vécu les principaux épisodes de la Guerre froide, directement dans le métier de l’information, depuis la fin des années 1960, et notamment ces situations parallèles des relations stratégiques Est-Ouest (précisément entre l’URSS et les USA), et des relations socio-politiques entre “le Monde libre” et la “dissidence” soviétique. Effectivement, c’est dans les années 1960 que s’est installé le phénomène de la dissidence en URSS, à partir de la déstalinisation (XXIIème Congrès du PC de l’URSS en février 1956) et de la phase de libéralisation intérieure de la direction Krouchtchev, surtout sur sa fin (dans les années 1961-1964 surtout). La grande époque de cette dissidence fut celle des années 1970, autour des symboles que furent l’écrivain Soljenitsyne et le scientifique Sakharov, avec des activités intérieures extrêmement prolixes et semi-clandestines, et une semi-officialisation de cette question dans les relations internationales autour du grand accord de la conférence d’Helsinki en 1975 établissant notamment un accord commun Est-Ouest sur la question des droits de l’homme. Les années 1980 constituent par contre un contexte très particulier et confus, la dissidence devenant, à partir de 1985, presque un aspect de la politique officielle de Gorbatchev qui l’utilisa pour sa politique de glasnost.

La politique du “Monde libre” vis-à-vis de la dissidence fut très diverse et, surtout, très contrôlée. Durant la période stalinienne, il y eut un certain activisme subversif de la toute nouvelle CIA et des copains et coquins type-MI6, notamment, à la fin des années 1940, avec un soutien logistique à certains groupes qui étaient plus des “résistants” que des “dissidents”. Cet aspect doit être considéré comme accidentel et ne fut jamais, vis-à-vis de l’URSS, une politique officielle suivie des USA. Lorsque le phénomène de la dissidence commença à s’affirmer, l’intervention officielle de l’Ouest resta toujours très prudente. Soljenitsyne fut célébré aux USA, seulement lorsqu’il eut émigré et se fut installé dans ce pays, – d’ailleurs avec des déconvenues ironiques et prémonitoires (voir son “discours de Harvard” de juin 1978, repris ici pour son 25ème anniversaire, le 9 juin 2003). Pour le reste, les administrations successives, aux USA, se gardèrent bien de contacts officiels intérieurs conséquents avec la “dissidence”, et même refusèrent la plupart du temps des contacts officiels aux plus hauts niveaux avec des dissidents émigrés fameux. Même “le président des droits de l’homme”, Jimmy Carter, resta toujours très prudent à cet égard (voir cet article du 2 juin 1978, qui répercute le mécontentement des dissidents du fait que Carter freine sa politique dans ce domaine pour permettre la signature de l’accord SALT-II avec la direction soviétique). Avec Reagan, la politique évolua vers un soutien logistique et financier actif de la dissidence, mais essentiellement dans les pays satellites et autres (la Pologne, bien sûr, l’Afghanistan), toujours avec beaucoup plus de prudence vis-à-vis de l’URSS.

Les dissidents soviétiques se plaignirent toujours de cette situation et les véritables soutiens à l’Ouest furent de type privé, sans aucune connexion officielle, y compris des “services”. Nous en fûmes les témoins directs, avec le groupe des Cahiers du Samizdat d’Anthony de Meeus à Bruxelles, principal relais de la dissidence à l’Ouest. Pour rappel, nous écrivions dans notre texte du 22 décembre 2011 : «Nous avons connu de fort près cette aventure des “dissidents” avec Les Cahiers de Samizdat d’Anthony de Meeus, basés à Bruxelles. Les Cahiers du Samizdat, avec leur organisation, furent le relais privilégié et universel des “dissidents” à l’Ouest et leur base arrière d’une efficacité sans prix ; cela, sans le moindre soutien officiel et bien plus que toutes les machineries officielles à ce propos, auxquelles fut faite une grande publicité dont on peut aujourd’hui deviner le sens caché, essentiellement aux USA avec la CIA dans son rôle alors classiquement célébré de défenderesse du Monde Libre et de libération du reste. Dans une interview à Europe Défense, en avril-mai 1986, de Meeus confirmait absolument que Gorbatchev relayait le mouvement des “dissidents” en l’élevant avec un label de politique officielle, – la glasnost encore plus que la perestroïka, – en force politique irrésistible, en lui donnant la dimension décisive de l’action qui lui manquait. Avec Gorbatchev, le mouvement des “dissidents” devint la politique officielle de l’URSS et c’est à ce moment que la masse des citoyens soviétiques, effectivement informés de la dissidence et plus ou moins sympathisants, purent officiellement s’y engager, et cela avec la bénédiction, sinon l’incitation permanente du même Gorbatchev. On connaît la suite, dont la rapidité laissa l’Ouest pantois.»

Tout cela avait une cause fondamentale, qui fut clairement et continuellement explicitée. Les relations USA-URSS étaient absolument dominées par les relations stratégiques, fondées sur l’hypothèque catastrophique du risque fondamental d’un affrontement stratégique nucléaire. Tout le reste s’effaçait devant cette possibilité impliquant la destruction mutuelle, sinon la destruction du monde, et l’on peut dire que cet élément objectif resta un facteur fondamental régissant une relation constante entre les plus hauts dirigeants, entre lesquels régnaient par nécessité une certaine sincérité et une certaine loyauté. Il existait à cet égard le sentiment d’une responsabilité commune contre un danger objectif dont tous ces dirigeants étaient conscients et comptables. Les relations assez chaleureuses Kennedy-Krouchtchev (après la crise de Cuba), Nixon-Brejnev, Reagan-Gorbatchev, les relations normales Johnson-Brejnev et Carter-Brejnev, furent empreintes de ces traits d’une nécessaire sincérité et d’une nécessaire loyauté sur ce sujet, à cause de la menace nucléaire qui leur était commune en un sens, qui les forçait effectivement à coopérer, chacun étant amené objectivement à protéger la stabilité de l’autre. Les USA ne cherchèrent jamais à déstabiliser le pouvoir soviétique en profitant de ses soubresauts et Brejnev fut un allié constant de Nixon dans l’affaire du Watergate. Aucun dirigeant occidental ne chercha à profiter, encore moins à aggraver la déstabilisation de l’URSS sous Gorbatchev.

…C’est bien entendu à cette lumière qu’on peut mesurer l’extraordinaire différence qui caractérise la situation actuelle. Les deux arsenaux nucléaires (USA et Russie) subsistent à un niveau dit “de destruction mutuelle assurée” (expression restant du nom de la doctrine MAD de 1964 : Mutual Assured Destruction). Mais il n’existe plus aucun frein aux efforts de déstabilisation du pouvoir russe, avec le but recherché d’une déstructuration et d’une dissolution du de ce pouvoir, qui détient pourtant le contrôle et la maîtrise de cette puissance stratégique de destruction. Les causes de cette attitude, qui est exclusivement le fait du bloc BAO à l'encontre de la Russie, sont connues ; nous les étudions constamment, dans toutes leurs facettes. Elles sont techniquement, notamment, la conséquence de la puissance du système de la communication (ère psychopolitique), et de tout ce qui va avec, – virtualisme, narrative, soft power, etc. Ce que nous voulons mettre ici en évidence, c’est le fantastique changement que cette (r)évolution a amené dans les relations stratégiques, politiques, et surtout dans les attitudes et les relations psychologiques, tant ce facteur est essentiel.

Il n’est pas question de porter ici un jugement moral, – là encore, nous le précisons avec force, tant la morale qu’on nous offre dans tous les cas est faussaire, – elle l’était en bonne partie durant la Guerre froide, elle l’est totalement, jusqu’à l’inversion complète aujourd’hui, la nausée en plus dans ce dernier cas. Nous laissons leur morale aux discours de leurs diplomates et autres ministres. Ce qui nous importe est la situation historique et métahistorique nourrie dans ce cas par le facteur stratégique nucléaire, et la situation du pouvoir par rapport à la responsabilité dont il se juge lui-même investi, et dont il est investi effectivement dans ce domaine stratégique nucléaire. De ce point de vue, le changement est véritablement fantastique. Les évènements récents de l'attitude des USA vis-à-vis, ou plutôt à l’encontre de la Russie, montrent une extraordinaire perte de responsabilité, par rapport aux données et aux exigences de ce pouvoir, jusqu’à cette situation d’“infraresponsabilité” dont nous parlerons très bientôt.

Les Russes se trouvent dans une situation inédite. Malgré les bouleversements extraordinaires qu’ils ont connus, ils ont gardé le sens de cette responsabilité qu’implique la disposition d’un armement si terrible. Ils avaient pensé que l’affaire géorgienne, en août 2008, avait montré aux USA (au bloc BAO) combien les affaires de sécurité restaient importantes, nécessairement traitées sur le terrain le plus brutal selon les circonstances, qu’il était donc nécessaire de les préserver dans un cadre rationnel et mesuré. Ils avaient espéré que la venue d’Obama, avec ses nombreuses promesses, signifiait qu’effectivement le pouvoir américaniste retrouvait une vision responsable de ces rapports stratégiques. Les premières décisions du nouveau président, concernant le réseau antimissile, semblaient aller dans ce sens. Ces illusions se sont peu à peu dissipées et il est apparu qu’Obama était impuissant et, du point de vue du véritable dialogue stratégique, aussi insaisissable qu’une anguille (éventuellement, elle-même emprisonnée dans le Système). En un sens, le retour sous une autre forme du système BMDE (expulsez-le par la porte, il revient par la fenêtre) s’est accompagné, comme s’il y avait concertation pour une offensive à la finalité nihiliste à cause de l’hypothèque des deux puissances respectives, de cette offensive de pressions de communication, de cette “agression douce” qui présente le caractère complètement remarquable d’une complète absence de responsabilité par sa recherche de la déstructuration et de la dissolution de ce qui est le partenaire nécessaire et indispensable du gouvernement du système de l’américanisme pour les matières les plus essentielles de la puissance. (Et, dans ce cas, la déstructuration et la dissolution du gouvernement [russe, en l’occurrence] ne l’affaiblissent pas mais, au contraire, peuvent le rendre, à son tour, irresponsable dans ses ripostes ; en bref, la déstructuration et la dissolution de l’“agression douce” ne déstructurent ni ne dissolvent les ICBM et les SLBM à têtes nucléaires multiples mais rendent au contraire ces engins bien plus nerveux.)

C’est ce point, sans savoir ni même chercher à savoir qui a tort ou raison dans les querelles en cours, qui représente un événement complètement atypique, absolument incompréhensible du point de vue de la rationalité stratégique. (On sait, à certains signes, que la bureaucratie du département d’État n’est pas capable de contrôler les moyens opérationnels de l’“agression douce”, ce qui implique une irresponsabilité opérationnelle également.) Un expert russe posait la question de savoir si “les manipulateurs US” avaient plus le sens des responsabilités que “les Pussy Riot qu’ils ont contribuées à lancer sur la voie des provocations sacrilèges”. Le constat est que l’“offensive” type “agression douce” n’a aucune chance d’aboutir à rien de décisif du point de vue de la maîtrise de la puissance stratégique dans un pays comme la Russie, qui reste solidement structuré, et que, par conséquent, elle ne peut aboutir au bout du compte qu’à déstabiliser les rapports stratégiques des deux superpuissances nucléaires avec le risque réel d’un affrontement, à tous les niveaux sans que l’accès au plus haut niveau soit barré ou contrôlé par quoi que ce soit.

Cette situation, par exemple, dément complètement ceux qui estiment que la disposition de l’armement nucléaire met les divers pays susceptibles d’être “agressés” (comme la Libye et la Syrie) à l’abri de toute agression. Rien n’arrête la poussée déstructurante et dissolvante, qui sort évidemment du cadre de la raison politique et stratégique, pour apparaître comme un acte absolument nihiliste, dépendant d’autres conceptions que les projets humains rationnels, fût-ce ceux d’un conquérant si même les USA/le bloc BAO étaient capables de concevoir le projet complexe d’une conquête (l’état de la Libye témoigne de la chose d’une façon éloquente). C’est en ce sens qu’il s’agit d’une situation extraordinaire et inédite, qui demande une explication extraordinaire et inédite, – que nous irons chercher, nous, dans la psychologie bien plus que dans la stratégie. Le constat de cette évolution est bien, en effet, celui de la déstructuration et de la dissolution accélérées, en quelques mois, de la capacité dissuasive de la puissance stratégique nucléaire de destruction mutuelle assurée, par l'activisme d'une psychologie déchaînée...