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511Nous signalons un commentaire, que nous jugeons excellent et éclairant, d’Alexandre Latsa, sur Novosti, le 21 novembre 2012. Il s’agit de «La Russie: incarnation du rêve gaulliste au 21ème siècle?», qui présente l’évolution de la Russie sous l’impulsion de Poutine comme absolument gaulliste, fondée essentiellement sur le principe de la souveraineté. C’est une évolution que nous-mêmes observions et saluions, le 19 mai 2006, sous le titre de «La Russie régénérée, premier événement important du XXIème siècle». L’observation supplémentaire que nous faisons est que cette tendance s’est poursuivie et accentuée, signe de l’importance et de la résilience (mot qui nous convient à cet égard) de cette conception chez Poutine, – et de cette conception per se, en général.
Dans la première partie du texte, après avoir rappelé l'évolution française depuis de Gaulle, Latsa définit la situation actuelle de la France (et des pays de l’UE qui aurait eu ou qui aurait pu avoir une prétention à la souveraineté). Le constat est net, tout comme il est incontestable, en actant la complète débâcle de la souveraineté, en complète contradiction avec les conceptions gaullistes qui sont, à notre sens, l’application ferme et évidente des conceptions structurelles et principielles nécessaires à l’affirmation identitaire antiSystème. C’est, aujourd’hui, le constat de la France dans ses basses eaux, emportée dans une de ses plus basses périodes, une de ces périodes comme ce pays en a connu plusieurs dans son Histoire mais aujourd’hui dans une situation générale (crise terminale du Système) elle-même totalement catastrophique.
«…Les souverainistes, de droite comme de gauche, s’expriment en gros de la même manière: Un bipartisme institutionnel de convenance, permettant une alternance totalement factice (les leaders des principaux partis de droite et de gauche étant d’accord sur presque tout) s’est mis en place pendant que les transferts de souveraineté de l’état français, se sont accentués en direction des instances communautaires, que ce soit sur un plan politique, économique, financier ou encore de contrôle des frontières. Tout cela a contribué à ce que la France d’aujourd’hui ne puisse finalement plus être considérée comme une nation, tant elle est désormais totalement dépourvue de souveraineté, et ce alors que la souveraineté est l’attribut le plus essentiel de l’état. Peut-on imaginer une nation souveraine sans état souverain?
»La France de De Gaulle avait pourtant parfaitement traduit la parfaite et réalisable alchimie entre le maintien de la souveraineté nationale et la constitution d’une Europe forte: l’Europe des nations et des états. Le Général souhaitait une Europe des patries centrée sur le couple franco-allemand et tournée vers la Russie et non pas vers le binôme Anglo-saxon, Amérique / Angleterre. L’idée de De Gaulle était simple : l’Europe devait se baser sur la coopération et sans organe supranational et reposer sur la totale souveraineté des états, en clair l’opposé absolu du processus fédéral d’intégration en cours via l’Union Européenne.
»La plupart des droits souverains des états sont en voie de totale disparition en Europe. Lesquels? Tant celui de contrôler ses frontières, de battre monnaie, de rendre justice ou de décider de faire ou non la guerre. Malheureusement pour les peuples européens, leurs élites politiques se sont volontairement engagées dans un système politique où elles n’ont même plus la maîtrise de leurs budgets. On pourrait longuement discuter du pourquoi et comment en est-on arrivé la. De Gaulle avait pourtant résumé la situation, alors qu’à la fin de sa carrière ce bipartisme impuissant se profilait déjà. Il avait dit: “le drame de la France c’est que la gauche n’est plus populaire, et que la droite n’est plus nationale”.»
Vient ensuite, sous la plume de Latsa, la description actuelle de la Russie de Poutine. Dans l’environnement international catastrophique qu’on a dit, la Russie affirme une position principielle remarquable de fermeté et de rigueur. Nous devrions revenir sur ce thème, notamment pour dire combien cette fermeté et cette rigueur russes constituent un acte admirable, mais également un acte qu’il faut mesurer pour bien en apprécier l’avenir en fonction de ce cadre de cette “situation générale (crise terminale du Système) elle-même totalement catastrophique”. Nous pensons en effet que l'appréciation en fonction de l’ensemble de la situation du monde est un complément absolument nécessaire au constat de l’affirmation souveraine de la Russie, pour en nuancer nécessairement la situation, moins en fonction d’une appréciation du “tout ou rien” (elle se poursuivra ou elle échouera) qu’en fonction de son effet antiSystème dans le cadre de l’effondrement du Système.
«Alors que l’intégration européenne s’est faite en dissolvant la souveraineté des états, la Russie depuis le début de ce siècle semble pour l’instant suivre une autre voix. On a beaucoup parlé dans les médias étrangers de la "méthode forte à la Russe", du non respect des droits de l’homme et aussi de la violence avec laquelle l’état a fait la guerre en Tchétchénie. Mais on a peu parlé du fait que cette guerre était avant un conflit interne et régional de restauration de la souveraineté fédérale pour écraser le risque séparatiste. Un risque séparatiste qui guette nombre d’états européens aujourd’hui. On parle également trop peu de la politique économique russe avec son refus obsessionnel de l’endettement extérieur, pourtant nul ne doute que les générations futures en Russie sauront remercier leurs élus politiques d’aujourd’hui, au moins à ce sujet.
»Quand aux hommes d’affaires emprisonnés pour des détournements (certains des fameux oligarques), ils illustrent un message assez clair: en Russie aujourd’hui, malgré tous les travers que cela peut engendrer, c’est le politique qui prime sur l’économie et non l’inverse. A ce titre, la leçon de Pikalevo de 2009 pourrait faire office de Jurisprudence. Les gigantesques plans de restructuration de l’armée ou le fait que les deux plus grosses compagnies énergétiques de la planète soient nationalisées traduisent du reste bien le fait que l’état russe souhaite rester entièrement souverain face aux capitalistes russes mais aussi face aux compagnies multinationales. Quand au “multipartisme à la russe”, qui se traduit par la gouvernance d’une seule structure politique, trans-courants, mais que l’on pourrait appeler le parti de la majorité, on pourrait le comparer au parti Gaulliste en France, au moment de la fondation de la 5° république.
»Une comparaison qui n’est pas nouvelle, car le visionnaire Emmanuel Todd envisageait dès 2002 cette perspective d’un gaullisme à la russe dans son ouvrage ‘Après l'empire’: “A l’heure du débat sur la globalisation et l’interdépendance universelle, la Russie pourrait émerger, selon un scénario intégrant toutes les hypothèses les plus favorables, comme une démocratie immense, équilibrant ses comptes extérieurs et pourvue d’une autonomie énergétique, bref, dans un monde dominé par les États-Unis, l’incarnation d’un rêve gaulliste”.»
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