De la Syrie à l'Ukraine, esquisse des derniers temps

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De la Syrie à l'Ukraine, esquisse des derniers temps

Si l’on veut en tirer le plus grand profit possible, on lira ce texte et l’on écoutera et regardera l’entretien télévisé recommandé avec une attention débarrassée de tout esprit partisan, sans penser à un aspect religieux (pour l’approuver ou pour le dénoncer), mais comme devant un de ces témoignages qui importent et, surtout, alimentent notre perception générale d’une crise d’effondrement qui ne peut être comprise que comme un événement eschatologique, et qui par conséquent doit bénéficier de la recherche d’une description à mesure. Le texte ci-dessous est de Natalia Bourkova, sur Sputnik-français le 26 mai 2015 ; il s’appuie sur un entretien télévisé d’un peu plus de 24 minutes de Mère Agnès-Mariam de la Croix, Mère supérieure du couvent syrien Saint Jacques le Mutilé, réalisé le 22 mai 2015 sur TVLibertés.com. (Le DVD vaut l’écoute parce qu’il nous montre une religieuse pleine de mesure et remarquablement informée, au langage ferme et rationnel, dont l’inévitable aspect émotif devant la tragédie que l’on devine n’intervient en rien sur sa cohérence.)

Le thème développé par Mère Agnès-Mariam de la Croix est bien entendu la situation en Syrie, à laquelle Bourkova rajoute en conclusion et d’une façon justifiée une référence à l’Ukraine. Mais ce “thème développé”, ainsi que les références aux absurdes et grotesques positions politiques de nos dirigeants (notamment vis-à-vis du régime syrien d’Assad), ne sont que des artefact conjoncturels ; le thème structurel, parfaitement illustré par la création, le développement, l’action de Daesh, alias État Islamique, autant que par les positions incohérentes des autres acteurs vis-à-vis de lui, est bien entendu celui de la signification fondamentale de cette violence sauvage et nihiliste, entrant dans une description eschatologique de “la révolte de l’homme contre l’homme”. («Le cas ukrainien ne fait que confirmer, pour la énième fois, la véracité de ce constat. Il a d'ailleurs été décrit dans les Evangiles apocalyptiques, Mère Agnès-Mariam y fait référence, où l'on retrouve le détail de ce que serait la révolte de l'homme contre lui-même les temps derniers venus»... C’est pour répondre à la dernière question, dans les 2-3 dernières minutes du DVD, que Mère Agnès-Mariam de la Croix développe ce thème des “derniers temps”, également sur ce même ton ferme et mesuré qui est d’autant plus convaincant à l’avantage du sujet traité.)

Les évènements en cours, – ici au Moyen-Orient autour du cas Daesh et de la Syrie, et autour de l’Ukraine, – acquièrent sans aucun doute et visiblement une tournure eschatologique que tous les points de vue peuvent identifier sans pour autant épouser telle ou telle thèse. La situation du monde commence à apparaître, – si cela est possible et concevable intellectuellement et cela semble l’être, – comme objectivement eschatologique, c’est-à-dire pouvant être perçus comme nous disant un «discours sur la fin des temps» (voir la signification rapide et sans nécessité de complication d’ eschatologie). Cette interprétation sémantique peut être transcrite d’un point de vue graphique et dynamique, d’autant plus que le discours prend effectivement de plus en plus cette forme objective qui rejoint la démarche du constat de l’évidence. Le cas Daesh en est très significatif, notamment dans la façon que cette vague incertaine dans son parcours, furieuse et d’une brutalité inouïe dans son comportement, effectue des mouvements tourbillonnants, exactement comme un tourbillon aspire tout ce qui le compose, ou si l’on veut comme si l’événement de ce tourbillon se formaient en aspirant les évènements qui le composent vers une sorte de “trou noir” et réalisant effectivement un mouvement dans le sens qu’on pourrait apparenter à une “fin des temps” (ou aux “derniers temps”). Cette dynamique tourbillonnante est parfaitement adaptée à ce qu’on peut rationnellement concevoir comme une démarche métahistorique de type eschatologique que constituerait l’épisode des “derniers temps”. La raison, celle qui parvient à se dégager de la subversion du “déchaînement de la Matière” (hors de la raison-subvertie), s’y retrouve parfaitement, tant l’événement terrestre qu’on identifie s’impose parfaitement comme la transcription évènementielle de cette démarche métahistorique.

La politique générale et les diverses crises qui la composent (la “politique générale” n’est plus faite que de crises) suivent ce même schéma, qui offre ce spectacle étrange de concilier ce qui semble inconciliable, à la fois apparence de mouvement hystérique et incontrôlable et à la fois apparence de surplace. Pour cette raison et pour aller à un autre exemple montrant l’universalité du phénomène et renforçant l’hypothèse des “derniers temps”, on peut parler de l’impuissance et de la paralysie du gouvernement washingtonien qui se manifeste pourtant partout et de toutes les façons dans une débauche insensée de paroles, de pseudo-décisions, de machinations sans fin et inextricables, d’effets voulus et de réactions inattendus et dévastatrices pour soi-même (blowback), de calculs tordus et idiots très vite mis à jour, – et de tout cela comme s'il ne restait rien sinon toujours de cette sorte de destruction caractérisant les “derniers temps”. La situation générale suit également le même schéma, depuis 2008, avec son incapacité de rompre, soit en sortant des suites de la crise de 2008, soit en se précipitant dans une nouvelle crise du même domaine caoutchouteux de la finance, qui vit au rythme des crises comme un camé de ses doses d’héroïne, dont on pourrait attendre une sorte de paroxysme libérateur.

Nous ne nous éloignons pas de notre sujet, – qui est plus, selon notre appréciation comme on l'a comprise, celui des “derniers temps” que celui de Daesh et de la Syrie. Simplement, Daesh et la Syrie, avec leur cortège d’horreurs, de souffrances, et surtout d’une profonde et diabolique inutilité nihiliste, constituent sans aucun doute une illustration évidente de ce que nous voulons montrer par ce rapide commentaire. La Mère Agnès-Mariam de la Croix est une personne de grande qualité et de haute valeur dans la description de cet aspect du désordre eschatologique du monde qui a transformé radicalement la situation générale en quelques années. Ce n’est peut-être pas encore la fin de “la fin des temps”, – qui peut le dire dans des temps qui ridiculisent nos prétentions à la prospective ?, – mais nous pouvons désormais en distinguer les caractères et nous dire en-dedans de nous-mêmes, sans aucune prétention d’en connaître plus que cela mais avec l’intuition haute de notre côté : “Nous y sommes”. Le Système, notre fameux Système, est désormais hors de tout contrôle dans sa trajectoire d’effondrement qui sera l’épisode opérationnel fondamental de l’événement eschatologique.

dedefensa.org


De la Syrie à l'Ukraine, esquisse des derniers temps

Récemment interrogée par TV Libertés, Mère Agnès-Mariam de la Croix, Mère supérieure du couvent syrien Saint Jacques le Mutilé, avait défini la stratégie syrienne de François Hollande comme étant “schyzophrénique”.

Sa logique est irréprochable: alors donc que l'EI, accessoirement soutenu par des fractions d'Al-Qaïda et de Jabhat Al-Nosra — sauf querelles intestines sporadiques — inonde littéralement la Syrie, l'Irak et la Libye, que des citadelles terroristes dûment fortifiées bordent la frontière syro-libanaise (notamment du côté d'Ersal), il semblerait pour le peu normal de renouer diplomatiquement avec Assad. Ne serait-ce qu'au nom de l'Europe, de plus en plus exposée “grâce” aux courant d'air de Shengen. Nous relevons néanmoins une réaction contraire au bon sens.

Certains experts, tel Bassam Tahhan, ont tendance à croire que l'obstination française n'est que le fruit véreux de l'orgueil de la classe dirigeante. On s'est trompé, Al-Nosra n'est pas composé de gentils rebelles, mais le reconnaître, non, c'est trop demander! Je pense pour ma part que cet argument est trop indulgent. Il disculpe les vrais coupables et indemnisent les ignorants qui pour beaucoup se targuent d'une ignorance qui les arrange, dans le genre, je ne vois que ce que je veux voire, tant pis si le tableau brossé ne correspond pas à la réalité du terrain.

Mère Agnès-Mariam de la Croix nous apprend ainsi, propos souvent très nuancés à l'appui, que l'ASL dont on avait initialement parlé existait bel et bien mais qu'elle s'est vite désagrégée et s'est fondue dans ce qu'elle a appelé “Le Croissant-Rouge Libre” qui est composé de membres laïcs orientés dans leur combat contre l'agresseur salafiste. Le problème, c'est que ces jeunes gens, des volontaires, sont pour la plupart au chômage. Ils ont donc la choix entre rejoindre les rangs de l'armée syrienne — option privilégiée par la majorité — ou rejoindre ceux de l'EI où ils sont nourris comme des dieux et toucheraient un salaire honorable. Cette observation nous amène à une conclusion très simple qui est la thèse centrale de la Révérende Mère: le combat qui est mené en Syrie n'est pas une confrontation sanglante entre un peuple libéral et ce que le mainstream appelle vulgairement le “régime d'Assad” mais bien une guerre du peuple dans son ensemble contre des groupes terroristes hétérogènes. Nous ne sommes par conséquent pas dans une optique de guerre civile, comme on a longtemps voulu nous le faire croire, mais dans une optique de guerre populaire contre une nébuleuse terroriste particulièrement expansive et totalitaire dont les intérêts sont opportunément soutenus par des “forces subversives” aux fins obscures que l'intervenante se garde de nommer.

Ces forces subversives et ces fins obscures — avant tout au sens moral du terme — nous les connaissons très bien. Il suffit de se demander comment est-ce qu'une organisation terroriste arrive à vendre le pétrole syrien volé à la Turquie, un pays membre de l'OTAN à qui l'on fait en plus miroiter l'éventualité d'une intégration à l'UE. C'est sans compter qu'Israël, faisant fi de ses intérêts long-termistes, est aussi demandeur. Par ailleurs, l'aviation américaine a été plus d'une fois accusée de “balancer” du matériel militaire dans les zones contrôlées par l'EI, soi-disant par erreur. Cette erreur se répète constamment.

Faut-il s'en étonner quand on sait que le siège perfide de la Syrie n'est qu'une étape provisoire qui devra conduire à l'embrasement d'un conflit sur le sol iranien? L'Iran détruit, le croissant chiite qui est l'Axe de Résistance par excellence se morcellera avant de se réduire en poussière. L'UE étant sous la houlette américaine, cela explique son alliance contre-nature avec les monarchies wahabbites du Golfe pour qui l'EI n'est au fond qu'un concurrent, un embryon de califat qui, si sa construction aboutit, priverait l'Arabie Saoudite du rôle central symbolique qu'elle détient au cœur du monde sunnite. Pour le reste, même paire de gants: n'est-ce pas la chaîne qatari Al-Jazeera qui a diffusé le 8 mai de l'année en cours un débat portant sur l'éventuelle nécessité de massacrer les alaouites? Selon les données des derniers sondages, l'écrasante majorité du peuple qatari partagerait cette vision qui n'a rien à envier aux horreurs historiques des guerres de religion. On le voit bien, le clan néoconservateur américain instrumentalise avec beaucoup d'adresse cette intolérance hallucinée et hallucinante, jouant sur les contradictions ethniques et confessionnelles des peuples à soumettre ou… à génocider.

Le cas ukrainien ne fait que confirmer, pour la énième fois, la véracité de ce constat. Il a d'ailleurs été décrit dans les Evangiles apocalyptiques, Mère Agnès-Mariam y fait référence, où l'on retrouve le détail de ce que serait la révolte de l'homme contre lui-même les temps derniers venus. Ne voyons-nous pas une oligarchie supranationale détentrice du système financier mondial alimenter sa machine à sous en sang? Ne la voyons-nous pas exploiter des entités fanatiques marginales de nature ultra-nationaliste (bandéristes ukrainiens) ou religieuse (Al-Qaïda et dérivé, EI) à des fins de division et de purge? S'il faudra livrer l'Europe, aucun souci, les peuples ne valant de toute façon rien.

Quelles sont les circonstances envisageables qui pourraient mettre un terme au fonctionnement de cette machine infernale? C'est difficile à dire. Peut-être faudrait-il enfin que ces mêmes peuples se réveillent comme l'a déjà fait une grande partie du peuple syrien et celui du Donbass? L'Histoire y apportera une réponse.

Natalia Bourkova