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50712 août 2004 — Les Américains reviennent, — on parle des touristes américains, qui reviennent en masse en France, après deux ans de quasi-absence. Les “consignes” officielles, depuis la fin 2001, sont que la France n’est pas loin d’avoir sa place toute chaude dans la liste de l’“axe du Mal”. Les Américains y avaient obéi.
Aujourd’hui, il y a une réelle lassitude devant ces “consignes”. Le terme est d’ailleurs employé, et de façon très juste, très significative : “terror-fatigue”, — signifiant par là une lassitude du public devant les alertes répétées, la dialectique de la guerre contre la terreur et, au-delà, la proclamation et la désignation des “ennemis” divers dans le cadre de cette soi-disant guerre. Par conséquent, les Américains reviennent en France, ce pays qui fut toujours leur destination favorite de tourisme et de vacances.
« Voilà: freedom fries do, it seems, taste best when they are frites. According to hotel figures to be released today, tourists from the US have got over their 11 September fears and are back on holiday in France.
» Americans attracted by the commemorations in June of the 60th anniversary of D-Day — bolstered, as one tourist put it, by a degree of “terror-fatigue” — have raised arrivals from the US by 13.5 per cent in the first half of this year compared with the same period in 2003. Today's Paris hotel statistics for June and July are expected to confirm the trend. »
Changement complet de décor. Cette fois, il est dressé aujourd’hui, par Nicholas D. Kristof, dans l’International Herald Tribune (New York Times). Il s’agit de rien moins que la perspective d’un “American Hiroshima”.
Kristof, retour d’une conférence de spécialistes américains à Aspen, dans le Colorado, nous prévient que le danger d’une attaque nucléaire terroriste n’a jamais été aussi grand. Kristof cite diverses autorités expertes et reprend à son compte l’accusation de laxisme que développent ces autorités à l’encontre du président GW Bush et de son administration.
« If a 10-kiloton nuclear weapon, a midget even smaller than the one that destroyed Hiroshima, exploded in New York's Times Square, the fireball would vaporize or destroy the theater district, Madison Square Garden, the Empire State Building, Grand Central Terminal and Carnegie Hall (along with me and my building). The blast would partly destroy a much larger area, including the United Nations. On a weekday some 500,000 people would be killed.
» Could this happen?
» Unfortunately, it could — and many experts believe that such an attack, somewhere, is likely. The Aspen Strategy Group, a bipartisan assortment of policy mavens, focused on nuclear risks at its annual meeting here last week, and the consensus was twofold: The danger of nuclear terrorism is much greater than the public believes, and the U.S. government hasn't done nearly enough to reduce it.
(…)
» William Perry, a former secretary of defense, says there is an even chance of a nuclear terror strike within this decade — that is, in the next six years. “We're racing toward unprecedented catastrophe,” Perry warns. “This is preventable, but we're not doing the things that could prevent it.” »
Il n’est pas temps ici de nier qu’il existe un danger d’attaque nucléaire terroriste. Il l’est d’autant moins que ce danger existe depuis l’origine de ce type d’armement, comme dans tous les cas, avec tous les types d’armement d’ailleurs.
(En novembre 1945, le magazine Life publia un article sur un scénario de guerre atomique (il s’agissait alors de la bombe atomique, pas encore de la bombe nucléaire). C’était la première projection du genre à être publiée. L’article était illustré de façon très réaliste, avec un champignon nucléaire au-dessus de Washington D.C., exactement semblable à celui que craint Kristof. Life expliquait que cette attaque avait été lancée d’Afrique, éventuellement par missile ou par d’autres moyens, par « an enemy of the US » ; il s’agissait d’un ennemi non identifié, ce qui incluait d’une façon extrêmement pressante la possibilité d’un “ennemi” qui ne fut pas un État, mais bien une organisation armée, ce qu’on désignerait aujourd’hui comme une organisation terroriste.)
En réalité, le système de l’américanisme est désormais totalement en immersion dans une logique hystérique de la sécurité. Cette logique dit que tout est possible, que toute arme, tout processus, toute tactique peuvent être employés par les terroristes, eux-mêmes non identifiés sinon par des étiquettes (“Al Qaïda”, “fascisme islamique”, etc) qui, par essence, peuvent désigner quasiment n’importe qui puisqu’elles ne désignent personne d’identifié. Les variations d’accent mises sur tel ou tel danger, telle ou telle possibilité, sont tactiques, dépendant des intérêts politiques ou des pressions de tel et tel groupes d’experts.
A côté de cela, et même, désormais, contre cela, la population américaine commence à avoir des difficultés à accepter la mobilisation constante qui lui est imposée, comme le montre le comportement des touristes américains. Cela est d’autant plus évident que les manipulations auxquelles cette population est soumise sont nécessairement à la fois grossières et massives, faisant varier la perception des dangers de la terreur et des possibilités de danger dans des domaines complètement différents et même contradictoires. On a pu lire ce qu’écrit Paul Krugman à propos de ce qu’il nomme l’“afghanistanisation” de la presse US par rapport à la guerre en Irak, laquelle tend ainsi à disparaître du spectacle du monde offert aux Américains par leur système virtualiste.
C’est une étrange situation que cette contradiction grandissante entre l’orientation du système et les réactions psychologiques des populations que ce système est censé contrôler, orienter, diriger. Jusqu’au paroxysme de l’élection présidentielle, cette contradiction ne devrait pas produire des effets considérables et/ou explosifs, à moins d’un accident ou d’un événement incontrôlé. Pour l’élection elle-même et au-delà, les perspectives deviennent incontrôlables et insaisissables à la fois, et éventuellement explosives. L’“explosif”, en l’occurrence, n’aurait pas besoin des terroristes pour produire ses effets.