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2763• Art Contemporain (AC) ou Art Conceptuel (A.C.) ? • C’est différent mais ça revient au même, dans la dynamique du grand mouvement de la déconstructuration. • Référence à Marcel Gauchet : « A mesure que le christianisme recule comme religion instituée, il triomphe comme idéologie. »
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Jusqu’il y a peu, parce que nous ne prenons pas assez garde au grands courants qui bouleversent notre civilisation pour en faire quelque chose de supérieur, les initiales “AC”, qui désignait le phénomène de l’“Art Contemporain” sont passés aux initiales “A.C.”, qui désignent l’“Art Conceptuel”. Le révolution n’est pas que sémantique, elle est ontologique, civilisationnelle et tout simplement sans précédent. Ses ambitions sont absolument grandioses.
Nous allons laisser là la signification complète de cette révolution certainement conceptuelle (nous y reviendrons, sans doute, vu ses “ambitions grandioses”) pour simplement nous attacher à sa signification pour l’évolution de la pensée de ses... concepteurs, et pour introduire un texte très intéressant de Frédéric Andreu (sous-titré : « Réponse à Patrick Burandelo, artiste engagé ») dans ‘eurosynergies.hautefort.com’ du 27 juin 2024.
Il se trouve que le terme d’“Art Conceptuel” recouvre nombre de domaines, et pas seulement celui de l’art (l’“Art Contemporain”). Voyez par exemple ces aventureuses explorations, que nous survolons très, très rapidement pour donner une idée de la chose, une idée certes conceptuelle...
« L’art conceptuel : Définition, exemples et démarche pour devenir un artiste conceptuel
» L’art conceptuel est un moyen de communication des idées destinées à être utilisées dans les médias, tels que les films, les animations, les bandes dessinées, etc. Avant de créer le produit final ; considérez l’art conceptuel comme une première ébauche. »
Tout est dit pour nous sans que nous nous risquions plus avant dans cette sorte de sable mouvant sémantique, et nous n’irons pas plus loin dans cette exploration. Nous nous en tenons à la pseudo-équivalence, ou évolution dans le seul domaine étroit de l’art, selon nous conceptions, étroites plus que contemporaines. C’est de ce point de vue qu’évolue le texte que nous présentons, s’appuyant sur la conception de l’art contemporain et sur sa critique fondamentale par Aude de Kerros, jusqu’à son plus récent livre (‘L’art caché enfin dévoilé’, 2021), ou “l’art caché” de la peinture représente le courant de type antimoderne, jusqu’alors mis à l’index et censuré, mais qui commence à apparaître, des artistes qui se placent en dissidence de l’AC. Aude de Kerros y définit ainsi l’“Art Contemporain”, ce qui permet de comprendre, par antinomie, ce qu’est l’“art caché” :
« Cette ruse sémantique [d’inventer l’expression “Art Contemporain”] s’est révélée si efficace qu’elle est citée comme modèle dans les manuels de psychosociologie, de marketing, de mangement, de guerre psychologique Elle a eu le pouvoir aussi bien de déclasser Paris capitale de l’art que Moscou capitale de la révolution mondiale. Si elle a effacé l’image française de pays libéral dans le domaine particulier de l’art et de la vie intellectuelle, elle a également enlevé à la révolution communiste le monopole de la révolution.
» La manœuvre a consisté à habiller du nom “Art Contemporain” un courant, – parmi d’autres, – apparu avant la guerre de 1914-1918 que l’on pourrait qualifier de conceptualisant. La source de sa légitimité est est la reconnaissance des médias, des institutions et du marché avant celle du public. Cette ruse a permis de déclarer obsolète toute autire sorte d’expression artistique. »
Si nous voulons, pour faire bref, donner notre définition de l’AC selon nos conceptions nous dirions que cela correspond à une complète déconstructuration de l’art de la peinture, jusqu’à son néantissement, tout cela favorisé par la politique officielle de la France (de l’État) et les liens entre l’AC et le capitalisme de la globalisation déstructurante. (Les liens entre l’AC/A.C. et Alain Badiou, philosophe héritiers de ceux de la ‘French Theory’, sont significatifs à cet égard.) Mais, depuis quelques années, les choses changent et l’“art caché” commence à apparaître, ce qui représente un mouvement dans l’art de la peinture qui suit la réaction de résistance à la déconstructuration entreprise depuis deux siècles par le ‘déchaînement de la Matière’.
A ce point, on comprend qu’il est préférable de ne pas s’attarder à une critique logique, esthétique voire spirituelle de l’art contemporain, alias art conceptuel. L’auteur de l’article ci-dessous nous avertit justement à ce propos :
« C'est pourquoi critiquer l'Art Conceptuel avec les catégories esthétiques traditionnelles n'est pas seulement vain, c'est aussi tomber dans un piège sémantique. Redoutable piège dans lequel le critique est toujours perdant. »
Ce qui est plus intéressant selon le propos qui nous intéresse, c’est l’interprétation à la fois métahistorique et ontologique, sinon spirituel dans un sens inverti, que ce même auteur nous donne de l’art conceptuel. Ayant admis, pour notre compte, qu’il faut placer ce courant dans la dynamique du ‘déchaînement de la Matière’, il est assez naturel que nous soyons séduit par une interprétation qui embrasse également des phénomènes généraux et métahistoriques dépassant largement la seule question de l’art, où il retrouve d’autres gâteries postmodernes comme la constellation Woke, le capitalisme hyperlibéral et tout son univers, etc.
« Notons que ce n'est peut-être pas un hasard si l'Art Conceptuel apparaît dans un contexte impérial : celui du néolibéralisme mondialisé. Ses liens avec les États-Unis ne sont plus à démontrer. Le sans-frontiérisme cherche à inventer de nouvelles normes comportementales et des valeurs dites “sociétales”. Le Wokenisme. En fait, tout ce qui peut subvertir et remplacer les anciennes valeurs sous l'horizon du “monothéisme” du Marché.
» La religion chrétienne est apparue, elle aussi, dans un contexte impérial. L'Empire est une échelle politique hors norme, au delà des nations, des tribus, des clans. Il a besoin d'une religion politique pour s'imposer. Le but de l'empereur Constantin était politique, créer une unité religieuse dans l'Empire en proie à l'éclatement. En imposant notamment le Culte Impérial. »
L’auteur présente donc sn hypothèse qui fait de l’art conceptuel, comme l’art contemporain qu’importe, un facteur essentiel du courant de la modernité s’inscrivant dans la logique impériale de l’hyperlibéralisme issue, pour entamer sa chute, du monothéisme chrétien. La phrase de Marcel Gauchet éclaire bien le propos : « A mesure que le christianisme recule comme religion instituée, il triomphe comme idéologie »... Pour notre compte, nous dirions que c’est un peu tard, ou que c’est trop tard cela dépend. Il (le christianisme) doit se garder de se faire trop d’illusions : son triomphe comme idéologie est aussi la plus sûre recette pour son autodestruction, selon notre fameuse équation (“surpuissance = autodestruction”)..
« Il est en effet révélateur que le ‘Conceptual Art’ refuse les autres courants de l'art. Yahve rejette, par essence, les dieux multiples. C'est toute l'histoire de la Bible. Ce dispositif, et son appareil argumentatif, n'est donc pas nouveau. Nous n'en avons pas fini avec ce processus sous sa forme sécularisée. En fait, tout est contenu dans la formule de Marcel Gauchet : “A mesure que le christianisme recule comme religion instituée, il triomphe comme idéologie”. L'AC marquerait donc l'aire d'un triomphe idéologique, la Société du Spectacle et ses idoles cultuelles et médiatiques. »
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Il m'a fallu bien des lectures avant de comprendre, au sens plein du terme, ce que cache l'art conceptuel. Pour moi, l'histoire de l'art n'apporte qu'un faible éclairage sur l'art conceptuel. L'anthropologie permet d'entrevoir autrement la question de l'AC. L'art conceptuel s'inscrit en fait dans un sillon bien antérieur à Marcel Duchamp et son célèbre bidet. Il recycle en réalité le dispositif inscrit dans les religions monothéistes. La suprématie très française de “AC”, – seul art officiel, – par rapport aux autres courants d'art m'a mis la puce à l'oreille.
Il est en effet révélateur que le ‘Conceptual Art’ refuse les autres courants de l'art. Yahve rejette, par essence, les dieux multiples. C'est toute l'histoire de la Bible. Ce dispositif, et son appareil argumentatif, n'est donc pas nouveau. Nous n'en avons pas fini avec ce processus sous sa forme sécularisée. En fait, tout est contenu dans la formule de Marcel Gauchet : « A mesure que le christianisme recule comme religion instituée, il triomphe comme idéologie ». L'AC marquerait donc l'aire d'un triomphe idéologique, la Société du Spectacle et ses idoles cultuelles et médiatiques.
Oui, tout cela a été montré avec précision notamment par Aude de Kerros. Notons que ce n'est peut-être pas un hasard si l'Art Conceptuel apparaît dans un contexte impérial : celui du néolibéralisme mondialisé. Ses liens avec les États-Unis ne sont plus à démontrer. Le sans-frontiérisme cherche à inventer de nouvelles normes comportementales et des valeurs dites “sociétales”. Le Wokenisme. En fait, tout ce qui peut subvertir et remplacer les anciennes valeurs sous l'horizon du “monothéisme” du Marché.
La religion chrétienne est apparue, elle aussi, dans un contexte impérial. L'Empire est une échelle politique hors norme, au delà des nations, des tribus, des clans. Il a besoin d'une religion politique pour s'imposer. Le but de l'empereur Constantin était politique, créer une unité religieuse dans l'Empire en proie à l'éclatement. En imposant notamment le Culte Impérial.
C'est pourquoi critiquer l'Art Conceptuel avec les catégories esthétiques traditionnelles n'est pas seulement vain, c'est aussi tomber dans un piège sémantique. Redoutable piège dans lequel le critique est toujours perdant.
Il s'agit plus exactement d'une « monolatrie », empreinte de messianisme. Un calque du judaïsme. La question simple que je pose est : le monothéisme est-il le meilleur moyen de lutter contre un autre monothéisme ? A mon sens, une réponse complexe, ne peut être positive. Le « polythéisme » contient davantage de profondeurs et de richesses. La plupart des opposants à l'AC le rejette au nom d'un autre monothéisme, d'un passéisme, d'autre clergé, alors qu'il existe une autre réponse dont les ressorts se trouve dans notre tradition. Précisons qu'il ne s'agit aucunement de dresser des temples à Zeus ou Vénus, mais de recourir à la conception antique du monde. La nature comme socle, la beauté comme horizon ! Est vrai et bon, ce qui est beau.
En outre, le polythéisme célèbre la diversité, sceau du réel. Les dieux sont des puissances symboliques du dévoilement, du vrai par degrés, ce qui reflète au mieux le processus créateur de l'artiste. L’œuvre d'art, dit Heidegger, contient un reliquat de tradition archaïque.
L'idée que l'homme est créé en créant. Démarche que l'on retrouve au cœur de toutes créations véritables. Au rebours de cette antique sagesse, c'est la planification qui fabrique l'AC, pas la création. Cette planification est étrangère à l'alétheia grecque. L'AC est un produit hors-sol, un produit surgelé sans vie. Il appartient au même logiciel subliminal que les valeurs sociétales, le climat, la transition de genre, qui cherchent à s'imposer comme autant de vérités révélées.
Autre point commun avec le monothéisme, l'AC occupe bien souvent les lieux dévolus à l'art. La grande salle du château de Versailles occupée par un homard géant de Koons. Cela indique l'essence hautement remplaciste de l'AC. Exactement comme la technique n'est technique qu'en remplaçant la nature, l'AC n'est AC que par remplacement.
L'AC est un double subliminal de l'art, le double de tous les doubles. Il est hors lieu mais aussi hors temps, tel que le monolithe insolite dans ‘2001 Odyssée de l'Espace’.
Une parabole du futur de l'Humanité : des primates découvrent un monolithe. Dans ce temps, l'IA aura remplacé l'Humanité. Mais elle aura créé son artefact conceptuel.
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