De l’Arizona à Sarkozy et retour

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Comme on voit par ailleurs, notamment avec la nouvelle concernant le sénateur Kyl et l’évolution du parti républicain (Ouverture libre, ce 3 août 2010), la question de la loi SB 1070 de l’Etat de l’Arizona n’est pas restée au niveau local. Au contraire, elle a déclenché une onde de choc qui fait resurgir la question de la nationalité liée à celle de l’immigration, avec l’attaque contre le 14ème amendement de la Constitution.

On observera, bien entendu, combien cette évolution aux USA se fait parallèlement à un débat similaire dans les termes en France, avec l’évolution disons “pré-électoraliste” du président français sur la question de l’immigration liée à la question de l’immigration. On pourrait dire, à lire EU Observer du 2 août 2010, que toute l’Europe en parle. Nous voici donc, d’une façon notablement collective et quasiment solidaire tout à l’honneur du bloc américaniste-occidentaliste, tous confrontés aux problèmes engendrés par notre propre système, qui se posent au système.

@PAYANT L’“arroseur arrosé” ? La fable est tellement grossière qu’on hésite à la répéter, – entre la non-“politique d’immigration” suivie par la France et les problèmes que le président Sarkozy découvre si opportunément, – entre le président Bush-père poussant pour l’accord ALENA que son successeur démocrate Clinton boucla opportunément en 1993-1994 et la diffusion nationale et explosive de la polémique soulevée par l’Etat de l’Arizona et sa loi SB 1070. Dans tous ces cas, la question de l’immigration est brutalement confrontée à la question de la nationalité. On ne s’attardera pas à montrer l’évidence de tout ce corps politique occidental, soutenu par la noria des idéologues économistes et des intellectuels idéologues, pris au piège de son soutien effréné à la globalisation et à l’ouverture des frontières qui s’ensuit, et aux conséquences de la fureur populaire en sens contraire qui s’ensuit à son tour et qui s’exprime évidemment dans les urnes. Le problème est tellement connu et rabâché, créé par les contradictions internes du système, entre un système économique niveleur féroce de l’identité et un faux-nez idéologique et moralisant qui proclame l’universalité de la vertu globalisante, et les ravages économiques, sécuritaires et psychologiques ainsi engendrés avec le “réflexe identitaire” qui va avec. Il est inutile de s’y attarder parce qu’il s’agit d’un problème insoluble, parce qu’il y a des arguments complètement acceptables des deux côtés, parce que, enfin, ce sont des problèmes chronologiquement secondaires et qu’on n’y peut rien trancher si l’on ne va pas à la source de tout. Il s’agit bien entendu du système lui-même, la “source de tout”, engendrant d’insupportables contradictions pour la nature des choses, – savoir, le citoyen, l’homo economicus, l’immigrant illégal ou non, la protection ou pas de la nationalité ou de l’“identité nationale”, dénoncée ici (par le système de la globalisation et ses politiciens-idéologues), applaudie là (à peu près par les mêmes, selon les circonstances électorales).

Tous ces personnages, du sénateur Kyl à Sarkozy, plus loin de nous, du président Bush-père au président Clinton, sont surprenants quoique sans surprise. Ils allument la mèche de la bombe et puis ils vous disent, désolés : “Vous savez, c’est une bombe, et elle risque diablement d’exploser, avec cette mèche allumée”… Ce que faisait Clinton, en 1994, après avoir donné sa bénédiction à ALENA, et confiant ses pensées secrètes de la façon qu’il nous est déjà arrivé de rappeler (le 27 avril 2010 dans ce cas) :

«Nous avons déjà rapporté l’anecdote, datant de 1994, d’un déjeuner Delors-Clinton, chacun entouré de quelques conseillers et la parole donnée à la fin du repas à ces conseillers pour qu’ils posent chacun une question au président de la partie “adverse”. L’un des conseillers de Delors nous rapporta qu’il avait interrogé Clinton en lui demandant quelle était pour lui la plus grande menace pour les USA. La réponse, se souvient-il, fusa instantanément : “La perte d’identité qui menace les Américains, notamment à cause de l’immigration et d’autres facteurs de cette sorte, et le désarroi psychologique qui va accompagner ce phénomène…”»

Donc, rien de nouveau sous le soleil sinon qu’il y fait chaud («Il fait chaud, et alors?», écrivait un de nos lecteurs, grognon que nous rappelions que la crise climatique existe, comme celle de l’identité, et cela malgré Allègre et Climategate). Il n’empêche, on ne peut se garder d’observer l’extraordinaire différence de la structure du même débat, en France et aux USA. En France, un petit brigand pris en flagrant délit de baisse dans les sondages, qui se défend en répétant les promesses qu’il n’a pas tenues et en “pompant” sur la copie du Front National ; lequel FN, paraît-il, comme disait le premier ministre Laurent Fabius in illo tempore, “pose les bonnes questions mais apporte de mauvaises réponses” (ce constat en 1984 tout de même, – tout cela, avec la rappel de Bill Clinton de 1994, nous faisant mesurer leur rapidité à se saisir des “problèmes”…).

Aux USA, un problème devenu national à partir d’une décision locale contestée par le “centre”, dont on s’aperçoit brusquement qu’il est, le “centre”, lui-même diablement divisé, – pour raisons électorales. Moyennant quoi, nous avons certes la question de l’immigration et de l’“identité nationale”, ou de l’identité tout court, sur les bras, mais également la question du droit des Etats versus l’autorité du “centre”, qui est la question structurelle fondamentale des USA. La beauté de la chose, évidemment, est que, le “centre” étant divisé, c’est lui-même qui risque d’allumer la mèche de la vraie bombe à retardement que constitue cette question structurelle des USA, des droits des Etats contre Washington. Comme nous le remarquions (le 31 juillet 2010) en nous en tenant encore au problème de l’Arizona et sans imaginer, – notre audace est toujours insuffisante, – qu’il enflammerait Washington aussi vite, chacun peine à repérer son “ennemi principal”. Les républicains, qui ont formidablement renforcé le gouvernement de Washington depuis 9/11, – et quelle que soit la cause c’est le “centre“ qui s’en trouvait renforcé, – caracolent aujourd’hui aux côtés de l’Etat de l’Arizona et de ses droits inaliénables contre l’administration en place, sous la direction éclairée du sénateur Kyl, de l’Arizona mais aussi n°2 du parti républicain au Sénat des Etats-Unis.

Ainsi pourrait-on au moins comprendre un petit peu mieux la différence entre une vraie nation et une puissance considérable qui n’est pas une nation. Cela ne rend pas Sarkozy vertueux, ni ne résout le problème de l’immigration et celui de l’identité en France, et l’on acceptera l’idée que la France est en aussi piteux état que les USA, après tout, – mais la France, pour avoir trop évolué contre elle-même, contre sa nature même, – et les USA, pour avoir trop été eux-mêmes, pour avoir trop exposé leurs prétentions anti-historiques au grand vent de l’Histoire. Cela situe les problèmes dans leurs vrais contextes, sans les résoudre pour autant, et cela mesure les destins différents de chacun, sans juger l’un plus chargé d’espoir que l’autre.

Pour nous, parce que nous sommes attentifs à toujours garder le cap sur l’“ennemi principal”, il reste le constat que ce qui se passe aux USA est potentiellement plus important que ce qui se passe en France, pour faire avancer l’événement essentiel et le seul qu’il faille espérer, – faire éclater jusqu’à pulvériser son cœur la crise du système qui conduit dans la folie le bloc américaniste-occidentaliste et le reste du monde. Nous le répétons, l’essentiel est bien, pour ce faire, non de réguler l’immigration, non de restaurer l’identité, deux tâches absolument impossibles dans l’état, mais d’observer les possibilités de l’éclatement de l’entité américaniste. Tout ce qui favorise sa grande contradiction interne (un “centre” hyper-puissant avec des Etats aux droits bafoués qui réclament leur rétablissement) pousse à ce destin, qui est la clef de la crise libératrice, notamment et essentiellement par le choc psychologique mondial et globalisé que susciterait la fin de l’illusion qui constitue la structure mentale essentielle de la modernité, qui est l’American Dream. Le jour où Washington perd ses prérogatives et que les Etats regagnent les leurs, avec fractionnement effectif et constitutionnel des USA à la clef, ce jour-là mourra le rêve pervers et subversif qui soutient le système, – et la modernité, en prime et par conséquent. Cela importe plus que le destin d’un Sarkozy en 2012.


Mis en ligne le 3 août 2010 à 06H06

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