De l’Iran, de Michael Jackson et de la vertu décrite par l’écho médiatique

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La mort de Michael Jackson, outre d’être ce qu’elle est selon les réflexions nombreuses et fort diverses à ce propos, est effectivement un immense événement médiatique qui a monopolisé toute l’attention des canaux de la presse, de la presse “officielle” aux autres. Un effet de ce basculement médiatique fut de supplanter toutes les autres nouvelles. Ainsi, les téléspectateurs américains ont-ils vu disparaître de leurs écrans, comme le texte ci-dessous y fait allusion, les avatars de l’“affaire Mark Sanford” (une aventure sexuelle du gouverneur de la Caroline du Sud, qui bouleverse bien des petites âmes américanistes)… Et, bien entendu, ainsi en est-il également de l’Iran.

Le site The Daily Beast, le 26 juin 2009, explique le problème, en s’en lamentant. Il interroge des experts de la communauté de sécurité nationale

«…But the notion that Jackson's death, which preempted virtually all other news coverage on the cable networks last night, is sucking up media attention from other matters carries a dark edge to it as well. National-security experts are warning that without sustained attention on Iran, its repressive tactics could grow more deadly in the coming days.

»The Jackson story, paired with Farrah Fawcett's death and Sanford's own scandal, “without a doubt” poses a danger in Iran, according to Michael Rubin, an American Enterprise Institute scholar and former Bush administration official. “It’s a sad commentary that celebrity still trumps national security in news coverage, but that’s the world we live in,” says former Bush official Michael Rubin.

»In an interview with The Daily Beast, Rubin said the issue was already a hot topic among his colleagues in the Middle East. “To put it this way, the gods are not in favor of hope and change,” Rubin said. “Unfortunately in Iran people are going to prison, but when a tree falls in the forest and there's no one to hear it, the pressure goes away.” […]

»It's not just Rubin at the right-leaning AEI who has voiced concern. National-security blogger Spencer Ackerman, a prominent commentator on the progressive side, also raised the issue on his site.

»“I think we can agree that the Iranian regime benefits from the media rush to memorialize, explore, and reflect upon Michael Jackson and his legacy,” Ackerman wrote in a blog post last night. In an email interview, Ackerman told The Daily Beast that “anything that takes Twitter bandwidth away from [the Iran election] is bad for the opposition, and anything that distracts the cable networks from showing images of the crackdown is similarly bad.” He added that the international media distractions could give the regime "more room to violently suppress its opposition during a critical phase.”»

Etrange occurrence? Il est vrai que l’extrême effet médiatique de la mort de Michael Jackson a tout supplanté, parce que, comme le dit sentencieusement Michal Rubin, néo-conservateur notoire, «that’s the world we live in»… Justement, ce monde-là mérite quelques remarques.

Si d’aucuns peuvent s’affliger, voire s’indigner de voir un tel événement (la mort de Jackson), attristant mais qui ne devrait pas être exclusif, chasser quasi complètement de l’attention du lecteur moyen tel autre événement qu’ils jugent si importants (les événements en Iran, concernant l’action des contestataires des résultats des élections présidentielles et le respect des droits de l’homme), peut-être d’autres auraient-ils pu s’affliger, également avec de bonnes raisons, de voir tel événement (les événements en Iran, etc.), chasser de l’attention du lecteur moyen tel autre événement qu’ils jugeraient également digne de cet intérêt (la mort de quelques dizaines d’Afghans suite à une attaque-“erreur” classique de l’USAF, par exemple). Par conséquent, «the world we live in» a un problème qui ne tient pas à la vertu de l’un ou l’autre, l’absence de vertu de l’un ou l’autre et ainsi de suite. Puisqu’on déplore dans ce cas que l’événement-Jackson chasse (“injustement” laisse-t-on sous-entendre) l’événement-Iran, on doit aussi observer que l’événement-Iran supplante d’autres évènements qui mériteraient au moins, nous semble-t-il, une égale publicité. Ce qui signifie que «the world we live in» se fiche du facteur “vertu-ou-pas”, qu’il n’assure l’écho médiatique qu’en fonction d’actions diverses de ceux qui savent utiliser et manipuler l’écho médiatique d'une part, du facteur de la rentabilité en général d'autre part, dans une valeur relative très changeante selon le sujet traité (importance de la capacité d’utilisation et de manipulation pour les cas politiques, importance de la rentabilité pour un cas comme celui de Jackson). Cela ne peut nous étonner.

De ce point de vue de l’écho médiatique, le «world we live in» n’est en aucune façon capable de nous donner une référence de la vertu de quoi que ce soit, de quelque façon que ce soit. Il ne nous donne comme indications et comme références que l’habileté de ceux qui savent utiliser et manipuler l’écho médiatique et la rentabilité variable de tel ou tel sujet. Cela ouvre de vastes domaines d’interrogation, – par exemple, ce vaste sujet-là: le considérable écho médiatique qu’ont obtenu les événements d’Iran avant que la mort de Michael Jackson ne les supplante est-il une mesure, en quoi que ce soit, de la vertu des événements d’Iran, dans le sens (favorable aux contestataires des résultats des élections) que cet écho nous a fortement suggéré? Bien sûr que non, en fonction de ce qui précède. L’indication que cet écho médiatique nous a donnés, en fonction de la spécificité politique du sujet (au contraire du cas Jackson), est pour l’essentiel celui de la capacité et de l’habileté de ceux qui savent utiliser et manipuler l’écho médiatique, très accessoirement sa valeur de rentabilité. C’est une précieuse indication, qui ne nous dit rien, ni dans un sens ni dans l’autre, de la vertu des contestataires, et tout de ce «world we live in».


Mis en ligne le 30 juin 2009 à 12H47