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371Un très récent câble diffusé par WikiLeaks dans le cadre du scandale Cablegate, ouvre une nouvelle et intéressante perspective sur les activités d’un des centre de pouvoir de l’énorme appareil de sécurité nationale US, – en l’occurrence, la DEA, ou Drug Enforcement Agency, qui s’occupe de la lutte contre la drogue… Mais pas seulement, semble-t-il.
The Independent publie, ce 27 décembre 2010, un article sur un câble de l’ambassade US au Panama, concernant les demandes du président Ricardo Martinelli d’une aide de la DEA pour lutter contre ses opposants politiques.
«Diplomatic cables published by the website WikiLeaks have plunged the United States into a diplomatic row with Panama over the secret intelligence-gathering work of the Drug Enforcement Agency (DEA) in the Central American country.
»Panama's President, Ricardo Martinelli, denied the claim made in one of the cables that he asked American diplomats to provide him with access to the DEA's extensive wiretapping program so he could spy on his political opponents. The cables also paint a vivid picture of the DEA's large and expanding operations across the world as the US wars on drugs and terrorism have merged, and as the agency has developed a secret service-like role working with governments that have traditionally been hostile to other US organisations such as the CIA.
»The DEA has expanded to 87 offices in 63 countries, and the most potentially explosive of the latest diplomatic leaks relate to its work in Panama under the presidency of Mr Martinelli, a supermarket magnate who came to power in elections last year.
»In a diplomatic cable in August 2009, the then-US ambassador to Panama, Barbara Stephenson, is quoted saying the newly elected conservative President asked for DEA help with wiretaps. “He clearly made no distinction between legitimate security targets and political enemies,” the cable states, adding that Ms Stephenson said “we will not be party to any effort to expand wiretaps to domestic political targets”. According to the cable, the ambassador thought Mr Martinelli was making an implicit threat to cut back on anti-drug cooperation if he did not get US help with the wiretaps – though he backed off on his request when she countered that she would “readily inform Washington and we would all see Panama's reputation as a reliable partner plummet dramatically”.
»One of Mr Martinelli's top officials, Jimmy Papadimitriu, purportedly told a DEA official that the taps would be aimed at any attempts by leftist governments in the region to interfere in Panamanian politics, as well as people targeted in anti-corruption or anti-drug campaigns….»
@PAYANT Ricardo Martinelli, milliardaire, roi des super-marchés au Panama, est également un homme qui a su prendre ses assurances, dans sa formation, au cœur même de la Grande République (voir sa rapide biographie, et notamment son passage à l’Académie militaire de Staunton, en Virginie). En un mot, c’est, dans l’esprit sinon dans les faits, – et nous dirions aussi bien les deux, – un homme du Système, un de ces mercenaires non-US issus du système de l’américanisme, en plus nourri au bon lait de l’hyper-capitalisme américaniste et globalisé. Le milliardaire devint candidat puis président idéal pour verrouiller Panama pour quelques années de plus au profit du Système, lors de l’élection présidentielle de 2009. C’est cet homme qui se tourne vers la DEA pour obtenir des informations sur ses divers adversaires politiques. L’ambassadrice US à Panama City rechigne, mais elle fait partie du State Department, qui n’a pas autorité sur la DEA, et nul ne sait quelle a été la réponse réelle de la DEA à la demande de Martinelli… Nous pourrions après tout faire l’hypothèse que la DEA, agissant de sa propre initiative, a gardé de bonnes relations avec Martinelli. (La rapidité et la véhémence des démentis de convenance du même Martinelli montre que l’affaire n’est pas tombée de la dernière pluie.)
Tout ceci nous conduit à d’autres “révélations”, qui n’en sont pas tout à fait puisque ces informations sont connues, mais qui le deviennent à l’éclairage que leur donne cette affaire du câble rendu public par WikiLeaks. On découvre que la DEA est une agence tentaculaire, comme le deviennent les agences et les départements de l’énorme système de sécurité nationale des USA, que la DEA a des représentations et des détachements dans 67 pays où elle a tendance à se conduire comme si elle était chez elle (vieille habitude yankee), qu’elle dispose de tous les moyens classiques et modernes d’un véritable service de renseignement, que la DEA s’occupe de la lutte contre la drogue certes mais n’est pas nécessairement opposée à des incursions dans les politiques locales lorsque “les intérêts” des USA sont en jeu, et ainsi de suite. Schéma classique, certes, – et ce qui l’est également, classique, mais mérite d’être dit et redit, c’est que le cas de la DEA nous révèle un peu plus, et même diablement plus, de l’énorme étendue de tous ces pouvoirs, de toutes ces agences et de tous ces service du Système. Leur conduite est en général autonome, selon ce qu’ils perçoivent des “intérêts US” mélangés à leurs propres intérêts corporatistes. Ce qui est vrai pour la DEA est vrai pour le reste, pour tout le reste bien entendu, du système de sécurité nationale des USA.
Saluons le fait que le cas panaméen nous offre un exemple encore plus parfait, encore plus achevé, avec la personnalité et la carrière du président panaméen. On trouve chez cet homme le mélange parfait du mercenaire américaniste venu de son pays, formé aux USA dans le grand réseau d’enseignement américaniste et renvoyé dans son pays, lui-même devenu un parfait représentant de l’hyper-capitalisme américaniste et globalisé, puis devenu président, achevant ainsi la boucle de la complicité entre la corruption de la force brutale du Système né du “déchaînement de la matière” et représenté dans le système de l’américanisme, les pouvoirs politiques et le corporate power. Et puis, là-dessus, WikiLeaks qui intervient en “lâchant” ce câble ; et, aussitôt, c’est toute une situation qui nous est révélée, dont on peut être sûr qu’elle est de dimensions globalisée, de puissance universalisée… Dans son éditorial du 19 décembre 2010, The Independent, qui donne l’information qu’on commente ici, prenait nettement ses distances d’avec WikiLeaks et sa campagne de fuites, qu’il considérait avec une certaine désapprobation pour ses méthodes et une piètre considération pour le matériel qu’il apportait. Par contraste, la diplomatie US semblait presque, sous cette plume, devenir vertueuse. (On a lu nos commentaire sur le cas dans notre Bloc-Notes du 24 décembre 2010.) Il est possible que les informations sur le cas panaméen n’appartiennent par à la catégorie des grandes “révélations géopolitiques” qu’affectionnent nos commentateurs de haut vol de la presse officielle, ou presse-Pravda selon notre humeur. Nous avons la faiblesse mais aussi la conviction de croire qu’elles nous en disent pourtant bien plus sur l’état de notre monde et sur la nature du Système. On croirait que The Independent semble le penser également, vu l’importance assez notable qu’il accorde à la chose…
Mis en ligne le 27 décembre 2010 à 07H57
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