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378Effectivement, question posée avec réponse déjà prête par Alexander Cockburn, éditeur et rédacteur en chef de CounterPunch (et frère de Patrick, de The Independent), à propos de l’affaire libyenne : «The war on Libya now being waged by the US, Britain and France must surely rank as one of the stupidest martial enterprises, smaller in scale to be sure, since Napoleon took it into his head to invade Russia in 1812...» (C’est notamment sur le site de CounterPunch, le 25-27 mars 2011.) Cockburn détaille toute la progression de l’affaire, selon sa perception et son interprétation, dans une “réalité” qui laisse place à l’interprétation, qui la sollicite même…
• Du côté US, la “montée en influence”, ce qui est d’actualité dans cette époque de la communication, des “amazones”, qui auraient eu raison de BHO-Hamlet : la secrétaire d’Etat Hillary Clinton, Susan Rice (ambassadrice US à l’ONU) et Samantha Power, une experte influente et ancienne fonctionnaire de l’administration Clinton. Il s’agit en l’occurrence de trois représentantes féminines, et éventuellement féministes, de la rengaine tonitruante du type libéral hawk, anxieuses de déclencher l’intervention humanitaire qui comblera leurs vœux divers. Cela fut fait, BHO étant tombé sous le charme.
• Du côté français, Cockburn accorde effectivement la place qui se doit à l’action du génie diplomatique parisien-Rive Gauche, BHL soi-même, «in his habitual uniform – immaculate white shirt with upturned collar, black suit coat, and disheveled haïr», – et aux enthousiasmes pré-électoraux de Sarkozy, l'une et l'autre démarches formant la circonstance déclencheuse directe de la guerre. Cela, jusqu’à la reconnaissance du “gouvernement” rebelle par Sarko, et la France par conséquent, le 11 mars, sous les applaudissements de qui de droit («Back in Benghazi, people screamed in relief and cheered Sarkozy's name. Popularity at last for Sarko, whose approval ratings in France have been hovering around the 20 per cent mark»). Effectivement, du côté anglo-saxon, on commence à accorder une importance décisive dans l’évolution générale de la crise aux gesticulations françaises, facteur décisif pour l’évolution très rapide dans la période qui conduisit au vote de l’ONU et à l’intervention, également ultra-rapide, de la “coalition” en Libye, dans le chef des mêmes Français.
• Cette guerre, conclut Cockburn, est donc absolument, à l’origine, une guerre de l’ego américaniste-occidentaliste (US et français), et nullement le produit de vastes plans mystérieux du Système, ou de notre appétit bien connu pour le pétrole… «So much for the circumstances in which intervention was conceived. It has nothing to do with oil; everything to do with ego and political self-protection. But to whom exactly are the interveners lending succour? There's been great vagueness here, beyond enthusiastic references to the romantic revolutionaries of Benghazi, and much ridicule for Gaddafi's identification of his opponents in eastern Libya as al-Qaeda.»
Ce dernier point de la citation permet à Cockburn d’enchaîner sur l’aspect qui commence à faire du bruit, et qui fera entrer cette guerre dans le Panthéon de l’extraordinaire désordre intellectuel de la postmodernité sur le pied de guerre : la présence, de plus en plus confirmée et de plus en plus documentée d’Al Qaïda parmi les rebelles libyens. Ainsi BHL, qui s’informe régulièrement à l’ambassade d’Israël, est-il sur le point d’ajouter Al Qaïda parmi ses relais privilégiés. L’ubiquité de ce personnage est sans fin, comme le reste.
Cockburn donne à son tour des détails sur la situation des extrémistes islamistes en Libye, qui fait de l’aventure actuelle une illustration charmante de l’hôpital psychiatrique où s’élabore la politique de puissance du bloc américaniste-occidentaliste (BAO). Cockburn détaille notamment deux documents qui substantivent la chose (qui apparaissent avec d’autres sources).
«The first is a secret cable to the State Department from the US embassy in Tripoli in 2008, part of the WikiLeaks trove, entitled “Extremism in Eastern Libya”, which revealed that this area is rife with anti-American, pro-jihad sentiment.
»According to the 2008 cable, the most troubling aspect “... is the pride that many eastern Libyans, particularly those in and around Dernah, appear to take in the role their native sons have played in the insurgency in Iraq … [and the] ability of radical imams to propagate messages urging support for and participation in jihad.”
»The second document, or rather set of documents, are the so-called Sinjar Records, captured al-Qaeda documents that fell into American hands in 2007. They were duly analysed by the Combating Terrorism Center at the US Military Academy at West Point. Al-Qaeda is a bureaucratic outfit and the records contain precise details on personnel, including those who came to Iraq to fight American and coalition forces and, when necessary, commit suicide.
»The West Point analysts' statistical study of the al-Qaeda personnel records concludes that one country provided “far more” foreign fighters in per capita terms than any other: namely, Libya.
»The records show that the “vast majority of Libyan fighters that included their home town in the Sinjar Records resided in the country's northeast”. Benghazi provided many volunteers. So did Dernah, a town about 200 kms east of Benghazi, in which an Islamic emirate was declared when the rebellion against Gaddafi started.
»New York Times reporter Anthony Shadid even spoke with Abdul-Hakim al-Hasadi who promulgated the Islamic emirate. Al-Hasadi “praises Osama bin Laden's 'good points',” Shadid reported, though he prudently denounced the 9/11 attacks on the United States. Other sources have said that this keen admirer of Osama would be most influential in the formation of any provisional government.
»The West Point study of the Sinjar Records calculates that of the 440 foreign al-Qaeda recruits whose home towns are known, 21 came from Benghazi, thereby making it the fourth most common home town listed in the records. Fifty-three of the al-Qaeda recruits came from Darnah, the highest total of any of the home towns listed in the records. The second highest number, 51, came from Riyadh, Saudi Arabia. But Darnah (80,000) has less than two per cent the population of Riyadh. So Darnah contributed “far and away the largest per capita number of fighters”.
»As former CIA operations officer Brian Fairchild writes, amid “the apparent absence of any plan for post-Gaddafi governance, an ignorance of Libya's tribal nature and our poor record of dealing with tribes, American government documents conclusively establish that the epicentre of the revolt is rife with anti-American and pro-jihad sentiment, and with al-Qaeda's explicit support for the revolt, it is appropriate to ask our policy makers how American military intervention in support of this revolt in any way serves vital US strategic interests”.
»As I wrote here a few weeks ago, “It sure looks like Osama bin Laden is winning the Great War on Terror”. But I did not dream then that he would have a coalition of the US, Great Britain and France bleeding themselves dry to assist him in this enterprise.»
Le facteur de l’hypothèse désormais largement documentée de la présence d’Al Qaïda parmi les forces rebelles prend de plus en plus d’importance dans la communication interprétative à propos de cette guerre. Une évolution nouvelle de l’interprétation pourrait ainsi apparaître, qui tendrait à nuancer, puis modifier l’interprétation officielle initiale de l’intervention (intervention humanitaire à 100% du côté des rebelles). C’est l’interprétation dite “de stabilisation”, qui avancerait l’idée que l’intervention a pour but de “stabiliser” la Libye, la présence de Al Qaïda étant évidemment un facteur de déstabilisation. Cette évolution pose un problème puisqu’il s’agirait alors que l’intervention apparaisse beaucoup moins, si plus du tout, comme une action en faveur des rebelles, alors que cette intervention est elle-même très favorable aux rebelles et qu'elle constituerait le facteur qui aurait largement favorisé, par définition, cette présence d’Al Qaïda. Sémantiquement et logiquement, il s'agit donc d'entreprendre le délicat travail de la transformation d'une cause (intervention renforçant les rebelles, et Al Qaïda par conséquent) en un effet (intervention pour contenir le facteur déstabilisant du renforcement d'Al Qaïda).
Mis en ligne le 28 mars 2011 à 04H28