Il n'y a pas de commentaires associés a cet article. Vous pouvez réagir.
490317 août 2022 (06H00) – Le ridicule-bouffe dans lequel s’effondre la grande offensive type-ReSet (avec des oraisons funestes certifiées et estampillées comme celle d’Hariri sur ‘l’avenir de l’homme’), et la civilisation-bouffe américaniste-occidentaliste elle-même, est bien illustrée par cette farce du destin et des dieux réunis, qui fait qu’après Biden, qui sort de son deuxième Covid, les victimes actuelles en “vedettes américaines” sont des héros quadruple-vaccinés de la campagne covido-wokeniste. Cela me valut de prêter attention à cette remarque d’un humoriste dont j’ignore si l’on peut dire qu’il est “bien connu”, et s’il est convenable de le citer...
« C’est un signe du ciel qui fait se demander si les élites de l’establishment ne pourraient pas être défaites simplement par le ridicule encore plus que par le vaccin... Pas besoin que le ridicule tue, il suffit qu’il leur donne le Covid après leurs mille-et-une vaccinations... »
Pour substantiver mon propos initial, j’observerais qu’on compte donc parmi ces victimes expiatoires et sacrificielles de la campagne covido-wokeniste :
le patron de Pfizer Albert Bourla, avec son superbe accent belgo-américaniste, croulant sous les bénéfices-bonus et sous « des symptômes extrêmement lourds » de la maladie malgré, ou grâce à ses quatre vaccins réglementaires ; et
l’ardent propagandiste du Covid et du Woke dans les forces armées, homme de considérable corpulence et premier Africain-Américain dans cette position, le secrétaire à la défense US des États-Unis Lloyd Austin qui en est, lui, et comme son chef bien-aimé Biden quadri-vacciné, à son deuxième Covid ; ainsi lui donnant l’occasion de diriger la plus grande machine de guerre que le monde ait jamais connue, à partir de son chez-soi, en séquence virtuelle, quasiment comme vous et moi, très-démocratiquement.
Tout cela n’est finalement qu’une introduction, à partir du constat que le ridicule comique-cosmique où s’abîme le Système nous prive de plus en plus de toute possibilité sérieuse d’en faire le procès puisque le verdict, qui est partout évident et déjà détaillé, y précèderait nécessairement l’acte d’accusation. Cette introduction sert d’explication à ma démarche, qui est de me tourner vers ce que j’apprécie comme un phénomène, sinon singulier, dans tous les cas révélateur.
Il s’agit de l’apparition de textes d’auteurs de très sérieuses réputations dans les milieux indépendants et dissidents où l’on trouve tout le sérieux de la responsabilité et de l’esprit critique, ces textes rendant compte à la fois des réflexions propres des auteurs, à la fois d’événements qui les suscitent, et qui concernent des situations passées, souvent tentées de mysticisme ou de spiritualité, exposant de grandes réalisations oubliées ou de grandes ambitions ignorées. Ce qui caractérise ces démarches, c’est bien une sorte de tentation ou d’orientation qu’on pourrait définir comme étant d’une sorte de “retour aux sources” ou bien de résurgences de conceptions devenues mystérieuses pour nos esprits alourdies par la modernité, venues des sagesses anciennes et presque magiques mais désormais liés à des événements-courants, ou aux perspectives mystérieuses et colossales d’événements-courants.
Les courants rencontrés, qui ne sont pas nécessairement inédits dans ce contexte mais qui prennent alors une nouvelle résonnance, portent des noms qui mélangent et rapprochent ces deux horizons si différents (l’‘archéomodernisme” de Douguine, la l’“archéo-futurisme” de Guillaume Faye). Effectivement, nous nous trouvons dans des conceptualisations métahistoriques plutôt que relevant des seuls faits simplement historiquement événementiels. C’est là un constat qui m’a déjà conduit à observer que la métahistoire se faisait désormais directement dans les événements-courants que nous vivons, qu’on qualifie faussement de “seulement-historique”. Cela était dit de la sorte, à partir d’une remarque de Finkielkraut :
« Je poursuis ma réflexion, à partir du constat d’hier rapportant le “constat de Finkielkraut”, mais hier sans en mesurer toutes les implications. Le temps, même les heures, fait son œuvre pour la réflexion, et il faut constater qu’il le fait si vite, avec une telle vivacité de vif-argent. Le temps va, c’est la logique même, à la vitesse des événements dont Finkielkraut nous dit qu’il faut en faire une épreuve pour la pensée.
» La citation complète, pour rappel : “Nous ne disposons plus aujourd’hui d’une philosophie de l’histoire pour accueilli les événements, les ranger et les ordonner. Le temps de l’hégéliano-marxisme est derrière nous. Il est donc nécessaire, inévitable de mettre la pensée à l’épreuve de l’événement et la tâche que je m’assigne, ce n’est plus la grande tâche métaphysique de répondre à la question ‘Qu’est-ce que ?’ mais de répondre à la question ‘Qu’est-ce qu’il se passe ?’...” »
Je propose ci-dessous la lecture de deux textes, en demandant avec une insistance extrême qu’ils ne soient pas considérés d’un point de vue politique par rapport aux événements présents (ils pourraient l’être, certes), mais exclusivement comme l’illustration de cette agitation intellectuelle qui implique un très puissant désir de sortir du carcan catastrophique où nous sommes enfermés ; sortir par la droite ou/et par la gauche, par le passé ou/et l’avenir, par l’Est-Ouest ou/et le Nord/sud, par la transcendance ou/et l’immanence, etc. Peu importe ici l’orientation qu’on serait tenté de trouver ici ou là, les voies empruntées, les projets envisagés, les jugements politiques présents confortés ou heurtés, tout cela qui n’est par ailleurs et en aucun cas une indication par rapport à mes propres dispositions. Ce qui importe pour justifier ma démarche, c’est l’ampleur et le désir de recherche indiquant un besoin fondamental d’abandonner et de détruire le modèle social/politique/culturel/spirituel (non-spirituel) où nous vivons, devenu incontrôlable et insupportable.
Le cas de Pépé Escobar, que nous connaissons bien, est particulièrement révélateur. Ce commentateur très connu dans le monde du commentaire indépendant et alternatif sur l’internet principalement, a l’habitude de faire un travail de journalisme international. Ses commentaires le plus souvent obtenu à partir de sources solides et nombreuses, dans des positions de politique très active, sont d’ordre géopolitique, géo-économique, etc. ; ses engagements sont connus, concrets et nettement identifiés... Justement, même si ces engagements apparaissent dans le texte ci-dessous, le sujet central que nous évoquons est traité d’une façon absolument différente, et pas du tout d’une façon anecdotique ; c’est l’engagement qui devient “anecdotique” dans son texte, et, par exemple, « La nécropole de Shaki Zinda à Samarcande » qualifiée d’« exemple éclatant », devient le sujet central, – dans ce passage, qui donne bien l’esprit du texte et de ce qu’il nous importe selon mon sentiment d’en retenir :
« En Asie intérieure, où je me trouve actuellement, la renaissance d’un passé glorieux peut offrir d’autres exemples de “communauté partagée”. La nécropole de Shaki Zinda à Samarcande en est un exemple éclatant.
» Afrasiab – l’ancienne colonie, pré-Samarcande – avait été détruite par les hordes de Gengis Khan en 1221. Le seul bâtiment qui a été préservé est le principal sanctuaire de la ville : Shaki Zinda.
» Bien plus tard, au milieu du XVe siècle, l’astronome vedette Ulugh Beg, lui-même petit-fils du “Conquérant du monde” turco-mongol Tamerlan, a déclenché rien de moins qu’une Renaissance culturelle : il a convoqué des architectes et des artisans des quatre coins de l’empire timouride et du monde islamique pour travailler dans ce qui est devenu un véritable laboratoire de création artistique. »
L’autre texte, beaucoup plus long, extrêmement complexe, détaille les courants qui traversent aujourd’hui, autour de l’Ukrisis, certains de l’Europe de l’Est, autour de la Pologne et des pays baltes. De grands schémas sont convoqués, et des concepts tels que le “prométhéisme” composée à partir du mythe de Prométhée selon une interprétation (moderne !) que certains contestent, y voyant le contraire de ce qu’en disent les “prométhéistes”. Dans ces officines, de séminaires en séminaires (deux en mai-juillet, à Varsovie et à Prague !), on parle du découpage de la Russie pour retrouver certaines unités perdues tandis que le bloc-BAO, avec en tête les USA éclatant de finesse et de culture, proposent le même traitement, mais eux pour faire exploser les dividendes des chasseurs de prime de l’ultra-libéralisme. On voit qu’on se trouve dans ce cas, selon l’interprétation des événements en-cours, dans un camp absolument opposés à celui de Pépé. Mais encore une fois, ce n’est pas ce qui m’intéresse ni ce que je veux montrer... Car les “prométhéistes” se réclament du camp de la Tradition qui rejettent les invasions culturelles de l’hypermodernité du camp américaniste-occidentaliste (ce qui éclaire d’une étrange lumière leur proximité des américanistes-occidentalistes avec leur vaisselle de fric et de marchandisation).
Ce qui m’apparaît important, finalement, c’est le développement de ces courants de pensée partant à la recherche de tout ce qui, dans la culture, dans l’histoire, dans la mythologie et le symbolisme, échappe à la prison affreuse où nous enferme la modernité devenue folle, productrice surpuissante de ces temps-devenus-fous, – en toute logique, naturellement. Je n’affirme nullement qu’on peut trouver ici ou là une perspective d’avenir, et laquelle, et dans quel terme. Jamais autant qu’aujourd’hui l’avenir n’est apparu comme une telle énigme pour l’humanité...
(...En même temps, cette humanité est conduite par une direction globaliste-moderniste qu’on est conduit à décrire comme une imposture hallucinée, affirmant qu’elle est capable d’absolument imposer l’avenir, qu’elle seule, bien plus que les dieux, connaît le secret d’une énigme qui n’en est plus une. Mesurez l’abîme qui nous sépare de ces gens, et dont les dieux font leur miel.)
On trouve ci-dessous les deux textes présentés, dont on donne ici les références d’accès et autres.
• « Le second avènement du Heartland », de Pépé Escobar, publié en anglais original sur le site de la Strategic Culture Foundation., et en traduction française par Réseau International.
• « Prométhéisme et atlantisme », de Daniele Perra, publié dans sa source originale sur ‘eurasia-rivista.com’, et en français sur ‘euro-synergie-hautefort.com’. Ce texte est doté d’une documentation iconographique et référentielle qu’on retrouve pour notre cas sur le site ‘euro-synergie-hautefort.com’.
_________________________
Il est tentant de visualiser l’écrasante débâcle de l’Occident collectif comme une fusée, plus rapide que la chute libre, plongeant dans le maelström du vide noir de l’effondrement socio-politique total.
La fin de (leur) histoire s’avère être un processus historique accéléré aux ramifications stupéfiantes : bien plus profondes que celles des simples « élites » autoproclamées – via leurs messagers – qui dictent une dystopie engendrée par l’austérité et la financiarisation : ce qu’elles ont choisi d’appeler une Grande Réinitialisation puis, dans la foulée, le Grand Récit [la Grande Narrative.].
La financiarisation de tout signifie la marchandisation totale de la vie elle-même. Dans son dernier livre, « No-Cosas : Quiebras del Mundo de Hoy » (en espagnol, pas encore de traduction anglaise), le principal philosophe allemand contemporain (Byung-Chul Han, qui se trouve être coréen), analyse comment le capitalisme de l’information, contrairement au capitalisme industriel, transforme également l’immatériel en marchandise : « La vie elle-même acquiert la forme d’une marchandise (…) la différence entre culture et commerce disparaît. Les institutions de la culture sont présentées comme des marques rentables ».
La conséquence la plus toxique est que « la commercialisation et la mercantilisation totales de la culture ont eu pour effet de détruire la communauté (…) La communauté comme marchandise est la fin de la communauté ».
La politique étrangère de la Chine sous Xi Jinping propose l’idée d’une communauté de destin partagé pour l’humanité, essentiellement un projet géopolitique et géoéconomique. Pourtant, la Chine n’a pas encore amassé suffisamment de soft power pour traduire cette idée sur le plan culturel et séduire de vastes pans du monde : cela concerne surtout l’Occident, pour qui la culture, l’histoire et les philosophies chinoises sont pratiquement incompréhensibles.
En Asie intérieure, où je me trouve actuellement, la renaissance d’un passé glorieux peut offrir d’autres exemples de « communauté partagée ». La nécropole de Shaki Zinda à Samarcande en est un exemple éclatant.
Afrasiab – l’ancienne colonie, pré-Samarcande – avait été détruite par les hordes de Gengis Khan en 1221. Le seul bâtiment qui a été préservé est le principal sanctuaire de la ville : Shaki Zinda.
Bien plus tard, au milieu du XVe siècle, l’astronome vedette Ulugh Beg, lui-même petit-fils du « Conquérant du monde » turco-mongol Tamerlan, a déclenché rien de moins qu’une Renaissance culturelle : il a convoqué des architectes et des artisans des quatre coins de l’empire timouride et du monde islamique pour travailler dans ce qui est devenu un véritable laboratoire de création artistique.
L’avenue des 44 tombes de Shaki Zinda représente les maîtres de différentes écoles créant harmonieusement une synthèse unique des styles de l’architecture islamique.
Le décor le plus remarquable de Shaki Zinda est constitué de stalactites, accrochées en grappes dans les parties supérieures des niches des portails. Un voyageur du début du XVIIIe siècle les a décrites comme « de magnifiques stalactites, suspendues comme des étoiles au-dessus du mausolée, font comprendre l’éternité du ciel et notre fragilité ». Au XVe siècle, les stalactites étaient appelées « muqarnas » : cela signifie, au sens figuré, « ciel étoilé ».
Le complexe de Shaki Zinda est aujourd’hui au centre d’un effort délibéré du gouvernement ouzbek pour redonner à Samarcande sa gloire passée. Les concepts transhistoriques centraux sont « l’harmonie » et la « communauté » – et cela va bien au-delà de l’Islam.
En guise de contraste, l’inestimable Alastair Crooke a illustré la mort de l’eurocentrisme en faisant allusion à Lewis Carroll et à Yeats : ce n’est qu’à travers le miroir que nous pouvons voir tous les contours du spectacle sordide de l’auto-obsession narcissique et de l’auto-justification qu’offre « le pire », toujours si « plein d’intensité passionnée », tel que dépeint par Yeats.
Et pourtant, contrairement à Yeats, les meilleurs ne sont pas « dépourvus de toute conviction ». Ils sont peut-être peu nombreux, mis à l’écart par la culture de l’annulation, mais ils voient « la bête brute, son heure venue, s’avançant vers… Bruxelles [et non Jérusalem] pour naître ».
Cette bande non élue de médiocrités insupportables – de von der Leyden et Borrell à ce morceau de bois norvégien qu’est Stoltenberg – peut rêver qu’elle vit à l’époque d’avant 1914, lorsque l’Europe était au centre de la politique. Pourtant, aujourd’hui, non seulement « le centre ne peut pas tenir » (Yeats), mais l’Europe infestée d’eurocrates a été définitivement engloutie par le maelström, un trou perdu politiquement qui flirte sérieusement avec un retour au statut du XIIe siècle.
Les aspects physiques de la chute – austérité, inflation, pas de douches chaudes, mort par congélation pour soutenir les néonazis de Kiev – ont été précédés, sans qu’il soit besoin de recourir à une imagerie christianisée, par les feux de soufre d’une chute spirituelle. Les maîtres transatlantiques de ces perroquets qui se font passer pour des « élites » n’ont jamais pu trouver une idée à vendre aux pays du Sud centrée sur l’harmonie et encore moins sur la « communauté ».
Ce qu’ils vendent, via leur récit unanime, en fait leur version de « We Are the World », est une variation de « vous ne posséderez rien et serez heureux ». Pire : vous devrez payer pour cela – très cher. Et vous n’avez pas le droit de rêver à une quelconque transcendance – que vous soyez un adepte de Rumi, du Tao, du chamanisme ou du prophète Mohammed.
Les troupes de choc les plus visibles de ce néo-nihilisme occidental réducteur – obscurci par le brouillard de « l’égalité », des « droits de l’homme » et de la « démocratie » – sont les voyous rapidement dénazifiés en Ukraine, arborant leurs tatouages et pentagrammes.
Le spectacle d’autojustification de l’Occident collectif mis en scène pour effacer son suicide ritualisé n’offre aucune allusion à la transcendance du sacrifice impliqué dans un seppuku cérémoniel. Tout ce qu’ils font, c’est se vautrer dans le refus catégorique d’admettre qu’ils pourraient se tromper gravement.
Comment oserait-on tourner en dérision l’ensemble des « valeurs » issues des Lumières ? Si vous ne vous prosternez pas devant cet autel culturel étincelant, vous n’êtes qu’un barbare prêt à être calomnié, poursuivi, annulé, persécuté, sanctionné et – HIMARS à la rescousse – bombardé.
Nous n’avons toujours pas de Tintoret de l’après-Tik Tok pour dépeindre les multiples maux de l’Occident collectif dans les chambres dantesques de l’enfer pop. Ce que nous avons, et devons endurer, jour après jour, c’est la bataille cinétique entre leur « Grand récit », ou leurs récits, et la réalité pure et simple. Leur obsession de la nécessité pour la réalité virtuelle de toujours « gagner » est pathologique : après tout, la seule activité dans laquelle ils excellent est la fabrication de fausse réalité. Dommage que Baudrillard et Umberto Eco ne soient plus parmi nous pour démasquer leurs sordides manigances.
Cela fait-il une différence dans les vastes étendues d’Eurasie ? Bien sûr que non. Il suffit de suivre la succession vertigineuse de réunions bilatérales, d’accords et d’interactions progressives de la BRI, de l’OCS, de l’UEE, des BRICS+ et d’autres organisations multilatérales pour avoir un aperçu de la configuration du nouveau système mondial.
À Samarcande, entouré d’exemples fascinants d’art timuride et d’un boom du développement qui rappelle le miracle est-asiatique du début des années 1990, il est évident que le Heartland est de retour en force et qu’il va certainement envoyer l’Occident atteint de pléonexie dans les marais de l’insignifiance.
Je vous laisse avec un coucher de soleil psychédélique face au Registan, sur le fil du rasoir d’une nouvelle sorte d’illumination qui conduit le Heartland vers une version réaliste de Shangri-La, privilégiant l’harmonie, la tolérance et, surtout, le sens de la communauté.
_________________________
Le 25 juillet, Prague a accueilli la deuxième conférence du Forum des nations libres de Russie (la première s'est tenue le 8 mai, également cette année, à Varsovie). Parmi les protagonistes de la réunion figuraient l'ancien ministre ukrainien des Affaires étrangères Pavlo Klimkin et le "premier ministre" du gouvernement de la République tchétchène d'Ikheria en exil (à Londres) Akhmed Zakayev (accusé à plusieurs reprises de terrorisme par Moscou).
Comme l'indique le site correspondant (www.freenationsrf.org), les principaux "domaines d'intérêt" du Forum comprennent : "la dé-impérialisation et la décolonisation ; la dépoutinisation et la dénazification ; la démilitarisation et la dénucléarisation ; les changements économiques et sociaux". En outre, on peut y lire : "Le Forum des nations libres de Russie est une plate-forme permettant de rassembler les dirigeants municipaux et régionaux, les membres des mouvements d'opposition de la Fédération de Russie, les représentants des mouvements nationaux, les activistes, la communauté des experts, et tous ceux qui sont conscients de la nécessité d'une transformation immédiate de la Russie".
Cette transformation est identifiée à la compartimentation du territoire russe en un ensemble d'innombrables nouveaux États, dont l'indépendance et la souveraineté devraient être immédiatement reconnues par la "communauté internationale". Il est écrit : "Nous appelons les États membres de l'ONU à fournir une assistance maximale aux gouvernements/administrations nationaux/nationales de transition pour atteindre les objectifs de décolonisation et de paix. Ainsi que de reconnaître officiellement l'indépendance et la souveraineté des États suivants des peuples autochtones et des régions coloniales : Tatarstan, Ingrie, Bachkortostan, Carélie, Bouriatie, Kalmoukie, République balte (Prusse orientale), Komi, Circassie, Sibérie, République de l'Oural, Don, Tyva, Kouban, Daghestan, Fédération du Pacifique, République de Moscou, Erzyan Mastor, Sakha, Pomorie, Tchouvachie, Tchernoziom, Mordovie, Povolzhye, Khakassia, Oudmourtie, Ingouchie et autres".
Les peuples autochtones de ces régions sont invités à se joindre en masse à une forme de résistance systématique et pacifique. Cependant, dans le même temps, la formation de milices territoriales est également demandée, et les représentants des forces de l'ordre sont exhortés à faire défection et à les rejoindre.
Cette "planification" (bien qu'elle soit encore plus exagérée) semble suivre de près celle proposée par la soi-disant "Commission d'Helsinki". Cette agence gouvernementale américaine, qui "promeut les droits de l'homme et la sécurité militaire en Europe", a en fait parlé de la "décolonisation de la Russie" comme d'un "impératif moral et stratégique". L'objectif (même pas trop voilé) est précisément d'exploiter les "nationalismes" pour démanteler la Fédération de Russie en dix États ou plus.
L'idée de diviser la Russie selon des lignes ethniques n'est pas particulièrement originale. Elle n'est pas non plus un produit de la géopolitique contemporaine. Dès le début du 20ème siècle, le général polonais Josef Piłsudski a été le fer de lance d'un projet idéologique et géopolitique qui a reçu le nom de "prométhéisme". Ce projet était orienté vers la construction d'un bloc d'États (au sein duquel la Pologne devait jouer un rôle majeur) qui, en se plaçant "inter maria", c'est-à-dire entre la mer Baltique et la mer Noire, devait former une sorte de "cordon sanitaire" aux frontières de la Russie. En outre, le "mouvement prométhéen" avait également pour but de réveiller les consciences des peuples non russes de l'Empire tsariste d'abord, puis de l'URSS, afin de les libérer du joug de Moscou. Le nom du projet dérive naturellement de celui de Prométhée, le titan qui, en offrant à l'humanité le don du feu volé aux dieux, était censé symboliser l'idée d'"illumination" et de résistance au pouvoir despotique représenté, selon cette interprétation moderne du thème mythologique, par Zeus. Ainsi, si les peuples subjugués par Moscou étaient les nouveaux Prométhéens, la Russie représentait le dieu olympien despotique. C'est ce qu'a écrit Edmund Charaskiewicz (l'un des principaux collaborateurs de Piłsudski) : "Le créateur et l'âme du concept prométhéen était le maréchal Piłsudski, qui dès 1904, dans un mémorandum envoyé au gouvernement japonais, soulignait la nécessité d'employer dans la lutte contre la Russie les nombreuses nations non russes habitant les bassins de la Baltique, de la mer Noire et de la mer Caspienne, et a souligné le fait que la nation polonaise, en vertu de son histoire, de son amour de la liberté et de sa résistance intransigeante contre les trois Empires (allemand, russe et austro-hongrois) qui l'ont démantelée, devrait sans aucun doute jouer un rôle de premier plan dans l'émancipation des nations opprimées par les Russes". Et encore : "La force de la Pologne et son importance au sein des parties constitutives de l'Empire russe nous permettent de développer l'objectif de briser l'État russe de l'intérieur à travers ces mêmes parties en émancipant les pays qui y ont été forcés. Nous y voyons non seulement l'accomplissement de la lutte culturelle de notre pays pour son indépendance, mais aussi la garantie de son existence. Lorsque la volonté de conquête russe sera affaiblie, elle cessera d'être un ennemi dangereux".
Avant d'analyser le projet géopolitique lui-même, il sera utile de rappeler qu'en réalité, la signification du mythe grec est tout autre. Comme le rapporte Claudio Mutti dans son livre Testimoni della decadenza (= Témoins de la décadence) en citant l'érudit roumain Mircea Eliade, Prométhée, "loin d'être un bienfaiteur de l'humanité, est le responsable de sa décadence actuelle [...]. Pour Hésiode, le mythe de Prométhée explique l'irruption du "mal" dans le monde ; il représente finalement la vengeance de Zeus". Par conséquent, l'interprétation "polonaise" du thème mythologique semble être le produit d'une vision "démocratique" et "progressiste" purement moderne qui n'a rien à voir avec sa signification originale.
Aujourd'hui, le projet géopolitique de Piłsudski (qui visait à reconstituer le puissant État polono-lituanien, protagoniste de l'histoire européenne au tournant des XVIe et XVIIIe siècles) a connu de nouvelles fortunes avec l'implosion du bloc socialiste et la fin du Pacte de Varsovie. L'Initiative des Trois Mers (conçue sous l'administration Obama et concrétisée par Donald J. Trump), en fait, vise une fois de plus à créer un " cordon sanitaire " (sous patronage atlantique) à placer entre l'Europe occidentale et la Russie, de manière à séparer les deux semi-géants (l'un financier-économique, l'autre militaire et riche en ressources naturelles). Lors du septième sommet de l'Initiative, qui s'est tenu à Riga les 20 et 21 juin 2022, le président ukrainien Volodymyr Zelensky (qui s'est exprimé par vidéoconférence) a insisté sur l'adhésion de Kiev au projet, tandis que l'actuel secrétaire d'État américain Antony Blinken a garanti l'aide financière nécessaire.
En parlant de l'Ukraine, il est important de souligner que, ces dernières années, l'idée "prométhéenne" a connu une fortune considérable à l'intérieur de ses frontières grâce au travail intellectuel d'Olena Semenyaka (idéologue et chef du secrétariat international du Corps national, l'aile politique du mouvement azerbaïdjanais).
Né en 2014 à la suite des événements de l'"Euromaïdan", le groupe se référant à Andriy Biletsky (et protégé par l'ancien ministre de l'Intérieur et oligarque Arsen Avakov, qui ont œuvré pour garantir à Azov une sorte de monopole culturel-idéologique au sein de l'extrême droite ukrainienne) a représenté une sorte de véritable changement de paradigme par rapport à la rhétorique traditionnelle de partis comme Svoboda et Pravyi Sektor qui, ancrés dans l'héritage du banderisme pur et dur, étaient porteurs d'une forme démodée de nationalisme centré sur l'État.
La protagoniste du changement de perspective, du national/régional à l'international (continental et mondial), était Olena Semenyaka. Concrètement, l'idéologue (anciennement militante du Pravyi Sektor susmentionné), également grâce à la maison d'édition Plomin (flamme), a pu construire un réseau dense d'interconnexions avec l'étranger qui a conduit Azov à tisser des liens avec divers autres mouvements rattachés à la galaxie de l'extrémisme de droite, tant en Europe qu'en Amérique du Nord (ici surtout avec des groupes liés à la soi-disant "Alt-Right").
La pensée d'Olena Semenyaka mérite donc d'être brièvement développée. Auteur d'une thèse analysant la pensée d'Ernst Jünger et de Martin Heidegger et traductrice des œuvres de Dominique Venner en ukrainien, Semenyaka (anciennement membre du "Club traditionaliste ukrainien") a entretenu des relations cordiales et de collaboration avec le penseur russe Alexandre Douguine jusqu'en 2014. Sa perspective géopolitique a radicalement changé avec les événements de l'"Euromaïdan" susmentionnés. Ceux-ci, de son propre aveu, loin d'avoir été une véritable "révolution" (comme ils sont présentés par la propagande occidentale), ont réveillé l'esprit patriotique et la conscience de la "destinée manifeste" de la nation ukrainienne.
Dans le projet géopolitique dont Semenyaka est le porte-parole, la vision "prométhéenne" de Piłsudski est réajustée en fonction des besoins ukrainiens. L'Ukraine, en effet, est représentée comme l'avant-poste de la "reconquista" (terme utilisé par Semenyaka précisément en espagnol) de l'Europe contre le progressisme libéral. Mais cette "reconquista" passe avant tout par la construction d'un bloc d'États, à nouveau un "intermarium" (autre terme récurrent chez l'idéologue) entre la mer Baltique et la mer Noire, capable d'agir comme un frein au "néo-bolchevisme" poutiniste.
Semenyaka, en particulier, adopte les théories de l'école géopolitique ukrainienne liée à Yurii Lypa et Stanislav Dnistrianskyi pour reconsidérer le "destin manifeste" du pays d'Europe de l'Est sur la base de ses substrats historiques et géographiques. Il se concentre notamment sur la polarisation Nord-Sud, à opposer à la dichotomie Ouest/Est (fondamentale dans la culture russe), afin de faire de la géographie le vecteur clé de l'identité ukrainienne. L'axe Nord-Sud (dans lequel l'esprit nordique-germanique fusionne avec l'esprit méridional-grec), dans son idée, aurait été celui choisi par la Rus' de Kiev et la dynastie des Ruriks, dont les nationalistes ukrainiens se considèrent comme les héritiers ethniques naturels.
Ici, Semenyaka adopte les théories de Dmytro Dontsov (1883-1973), qui est généralement considéré comme le père de la spiritualité ukrainienne. En effet, considérant les Russes et les Biélorusses comme des imposteurs ethniques (bien qu'appartenant à la même souche slave orientale que les Ukrainiens), il parlait ouvertement de "mutation culturelle mongole" en référence à la Russie.
Dans cette perspective, le bloc d'États "intermarium" occupe une sorte de troisième position et constitue l'épicentre de la "nouvelle Europe" dans laquelle, en écho aux thèses archéo-futuristes de Guillaume Faye (qui parlait toutefois expressément d'"Eurosibérie"), innovation et tradition se fondent. Dans cet espace qui s'étend de la mer Baltique à la mer Noire, les divisions nationales sont dépassées par l'idée d'"ethnofuturisme" : une sorte de mélange total des peuples slaves qui l'habitent, qui retrace en quelque sorte le mythe messianique de la "Sarmatie de l'Europe" que s'était appropriée l'aristocratie polonaise de la Fédération polono-lituanienne d'avant le partage de la Pologne au 18ème.
Or, autant il est compréhensible que le projet de l'idéologue ukrainienne puisse fasciner d'importants secteurs de la droite antilibérale européenne, autant il faut dire que le bloc "intermarium" susmentionné, sur le plan géopolitique, dépourvu de "rivages" (frontières difficilement franchissables) et de ressources naturelles substantielles, n'a aucune valeur réelle, devant nécessairement se placer sous la dépendance de l'Extrême-Orient (les États-Unis) pour assurer sa survie.
Par conséquent, l'idée prométhéenne de la mouvance Azov est facilement réduite à jouer le rôle d'une succursale des intérêts atlantistes. En dernière analyse, Semenyaka elle-même (qui devrait être familière avec la critique jüngerienne et heideggérienne du titanisme et du gigantisme), en embrassant le prométhéisme comme synonyme de la lutte contre le double despotisme néo-bolchévique et libéral-progressiste, semble ignorer (comme tant d'autres exposants du domaine auquel elle se réfère) la nature purement titanesque de la société actuelle. En fait, en paraphrasant Hésiode, elle représente le retour de l'hubris titanesque de l'exil occidental ("une région sombre à l'extrémité de la terre prodigieuse") dans lequel il était confiné par les dieux olympiens.