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191527 mars 2025 (15H30), - La question étant : à votre avis, la ‘fuite’ dite ‘Signalgate’ est-elle importante, et dans quel sens, et pour quelle signification ? Il y a de nombreuses interprétations, toutes politiques certes, outre l’aspect étrange ou grotesque de l’affaire, – discuter d’une question très délicate d’un bombardement des Houthis, entre des responsables de l’équipe Trump, réunis en un groupe sur le réseau public ‘Signal’, – juste le temps de nous apercevoir qu’un journaliste assez peu apprécié du groupe s’y est trouvé intégré... ! On imagine le tintamarre.
Notons la réaction d’un spécialiste des choses secrètes, dissident de surcroit, bien connu dans les milieux idoines, – Larry S. Johnson. Tout de même sévère, Johnson !
« ‘Charlie Foxtrot’ est un euphémisme poli pour un terme militaire grossier : “Clusterfuck” [on connaît ‘fuck’, le reste à votre convenance]. Cela décrit le premier scandale de l'administration Trump. D'une manière ou d'une autre, délibérément ou accidentellement, un journaliste sioniste du nom de Jeffrey Goldberg a été ajouté à une conversation Signal par le conseiller à la sécurité nationale de Trump, Michael Waltz, ou par un collaborateur de Waltz. Goldberg s'est soudainement retrouvé dans une conversation de groupe réunissant les plus hauts responsables de la défense, de la diplomatie et du renseignement de Trump. Le groupe comprenait notamment le directeur de la CIA, Ratcliffe, la directrice du renseignement intérieur, Tulsi Gabbard, et le secrétaire à la Défense, Pete Hegseth.
» Si vous ne connaissez pas Signal, créez une conversation de groupe en nommant un groupe, puis en y ajoutant des membres de votre liste de contacts. Cela nous indique que Goldberg faisait partie de la liste de contacts de Waltz. Goldberg est un personnage particulièrement sordide, non pas parce qu'il a publié des extraits de la conversation, mais parce qu'il s'est comporté comme un journaliste d’un parti-pris politique. Un journaliste disposant d'un accès aussi inattendu aurait immédiatement écrit un article annonçant que les États-Unis allaient bombarder le Yémen, juste pour faire un exemple. Qu'a fait Goldberg ? Il a attendu que le bombardement ait lieu pour ensuite prendre l'équipe Trump à son propre piège. Il a créé l'histoire de Charlie Foxtrot, qu'il a publiée lundi dans le magazine The Atlantic.
» Ce n'était pas une fuite. C'était un cadeau fait à Goldberg. Bien que le contenu de la conversation ne soit pas officiellement classifié, les informations échangées étaient sensibles sur le plan opérationnel. La conversation a révélé que la plupart des membres de l'équipe Trump étaient superficiels et dédaigneux des implications militaires et diplomatiques de la décision de bombarder le Yémen. »
Il y a des gens qui sont extrêmement sévère pour cette fuite, bien plus que Johnson. Je les mets en parallèle avec Johnson parce que ces gens font la leçon aux membres du groupe alors que, depuis le début de la guerre en Ukraine, ils colportent la narrative officielle en se trouvant de ce fait très comme-il-faut, et pas du tout comme des personnalités pas sérieuses, correspondant à coups d’ « émojis enfantins », – on comprendra cette dernière remarque en lmisabnt le texte ci-dessous jusqu’au bout.
Ici, je cite ‘The Spectator’, qui est loin d’être le pire des canards britanniques, et qui est même excellent, ce qui le rend à mes yeux encore plus impardonnable d’avoir colporté la narrative en question, habillée du simulacre qui importe, suivant le courant délicieux du “comme-il-fut”
Enfin, là il redevient sérieux et met en question la classe dirigeante politique américaniste (Qui devraient être les défenseurs du “monde libre”) parce que c’est Trump pour l’essentiel, auquel on ajoute, à retardement et sans grand risque, l’excellent Biden du mandat précédent. Tout cela est couronné d’une vidéo d’excellente facture, encore une fois comme-il-faut, et qui fait diablement sérieux, sans « émojis enfantins ».
« L'histoire de Jeffrey Goldberg dans l'Atlantic est si sidérante qu'il est difficile de savoir quoi répondre. Il est incroyable que le conseiller à la sécurité nationale de Donald Trump, Mike Waltz, ait apparemment ajouté par inadvertance un journaliste de renom à un groupe de discussion Signal regroupant de hauts responsables gouvernementaux – dont le vice-président, le secrétaire d'État, le secrétaire à la Défense et le directeur du renseignement national – pour discuter d'une action militaire ultra-secrète. Il est ahurissant que les dirigeants du pays le plus puissant de la planète, rien que le Comité des principaux responsables de la sécurité nationale des États-Unis, utilisent des émojis enfantins pour évoquer une campagne de bombardements qu'ils ont contribué à coordonner et qui a fait 53 morts. C'est un nouveau rappel douloureux que, que Trump ou Biden soit à la Maison Blanche, le monde libre n'est pas dirigé par des personnes sérieuses. »
... On se rappelle qu’avant eux, Trump-I, Obama, GW Bush, Clinton étaient des “gens sérieux” comme ils l’ont prouvé par la suite.
Une autre phrase à citer tout de même, d’une portée plus intéressante, qui présente la vidéo de ‘Spectator’ :
« L'Europe “pathétique” : les révélations les plus marquantes sur le plan de guerre de Trump. »
C’est une idée qui s’est répandue comme une trainée de poudre à partir de la diffusion du document. Nombre de commentateurs européens y ont vu, – avec justesse, nous semble-t-il, – une marque de plus de l’hostilité extrêmement forte de l’équipe Trump, particulièrement JD Vance suivi de Pete Heghest, à l’encontre de l’Europe. Au-delà de ces positions assez extrêmes, c’est même toute l’équipe de Trump qui est perçue comme profondément hostile à l’Europe.
Les hésitations qui ont accompagné la décision d’attaquer les Houthis, outre d’être justifiées par la très faible espoir d’une réelle efficacité, renvoyaient aux Européens de toutes les façons. Cela conduit même JD Vance à émettre des réserves sur la position du président qui était partisan de l’attaque, à cause des répercussions sur le prix du pétrole et à cause du “messager” que Trump voudrait envoyer à l’Europe, qui n'était pas assez sévère (pour les Européens) et pas assez précis (concernant les Européens), – toujours selon Vance.
Voici un passage du compte de JD Vance dans le dialogue du groupe, tel que l’a sélectionné Larry Johnson :
« Le compte ‘JD Vance” a répondu à 8h16 : ”Pour notre groupe : je suis en déplacement pour la journée pour un événement économique dans le Michigan. Mais je pense que nous commettons une erreur [en attaquant les Houthis]”. Vance était effectivement dans le Michigan ce jour-là. Il poursuit : “3 % du commerce américain passe par le canal de Suez. 40 % du commerce européen y transite. Il existe un risque réel que le public ne comprenne pas la nécessité de notre action à la lumière de ces chiffres. La principale raison de procéder ainsi est, comme l’a dit le président des États-Unis, d’envoyer un message”.
» Le compte Vance poursuit en faisant une déclaration remarquable, sachant que le vice-président n’a publiquement jamais dévié de la position de Trump sur pratiquement aucun sujet. “Je ne suis pas certain que le président soit conscient de l'incohérence de cette situation avec son message actuel sur l'Europe. Il existe un risque supplémentaire de flambée modérée à sévère des prix du pétrole. Je suis prêt à soutenir le consensus de l'équipe et à garder ces inquiétudes pour moi. Mais il existe de solides arguments pour retarder cette décision d'un mois, pour faire le point sur l’importance de cette question, pour suivre la situation économique, etc.” »
Nous allons pas nous attarder à la critique de cet étrange incident, qui est très largement commenté et qui a été détaillée opérationnellement et juridiquement par la DNI Tulsi Gabbard, ce matin devant la commission sénatoriale, enfin qui va conduire à une enquête qu’elle-même en tant que DNI, mènera conjointement avec la ministre de la justice Pam Mondi. Par contre, cette affaire nous permet d’avoir une idée précise et franche, sans artifice de communication, des perceptions et conceptions générales de l’administration Trump.
Pour ce faire, nous nous reportons à un article d’un journaliste australien, Graham Hryce, collaborateur notamment de ‘The Australian’, du ‘Sidney Morning Herald’ ; du ‘Sunday Mail’ et (surprise ?) du ‘Spectator’. Cet article s’attache au seul Trump et précède évidemment l’affaire du ‘Signalgate’ ; ainsi confirme-t-il d’autant mieux toutes les remarques que nous suggèrent les différentes attitudes des gens l’équipe Trump.
Un premier point que nous empruntons à Hryce est l’affirmation péremptoire, et très largement explicitée par des référernces structurelles et historiques, que Trump n’est pas un fasciste ; mais qu’il est, tout comme son équipe, conscient du déclin et de la décadence des USA, et qu’il épouse par conséquent une posture populiste défensive.
« Dans l'ouvrage cité plus haut, Georgy Lukacs prédisait que l'expansion de l'Empire américain entraînerait une décadence culturelle interne et la corruption de la politique américaine.
» Lukacs a souligné plusieurs aspects de ce phénomène, notamment une augmentation de la délinquance juvénile – sans même imaginer les fusillades dans les écoles, désormais monnaie courante aux États-Unis. Il n'aurait pas non plus pu imaginer la dégénérescence d'une culture populaire qui célébre une “célébrité” comme Sean “Diddy” Combs et continue d'exploiter sa célébrité pour tenter tardivement de le détruire.
» Donald Trump n'est pas un fasciste.
» C'est un populiste moderne, dont l'élection à la présidence est un symptôme de la décadence et du déclin irréversibles de la politique américaine contemporaine et de la société américaine en général.
» Les critiques sociaux-démocrates de Trump, cependant, ne peuvent accepter cette catégorisation, car elle implique d'admettre que la société américaine a dégénéré culturellement et politiquement au cours des dernières décennies – une situation dont ils sont les principaux responsables.
» Il est bien plus facile de simplement qualifier Trump de fasciste et d’ignorer la décadence et le déclin continus de l’Amérique. »
A partir de ce constat, nous sommes conduits logiquement à embrasser une définition que l’auteur donne de Trump. Il en fait, à l’image des ‘American Firsters’ avec Charles Lindbergh à leur tête, de l’immédiat avant-guerre (d’ailleurs eux-mêmes stupidement traités de fasciste), un pur isolationniste. L’attitude répond à un réflexe selon lequel, dans un processus de déclin et de décadence, la Grande République est conduite à se replier sur ses propres capacités, sur ses territoires, sur ses traditions, pour tenter de retrouver ce qui fit l’élan initial.
Le scepticisme est permis quant à la réussite du processus de ces “populistes modernes” (ou bien, l’on pourrait proposer cette précision : les “populistes modernes pour mener un combat antimoderne”), – mais le doute n’est pas permis, ni sur le déclin, ni sur la décadence, qui sont d’ailleurs également nôtres, à nous Européens... L’ensemble forme notre fameuse GrandeCrise.
Voici le passage qui concerne ce “retour” à l’isolationnisme, mais cette fois un isolationnisme défensif alors que les précédentes périodes marquaient l’isolationnisme comme refus de se rapprocher de l’Europe, – justement perçue comme déclinante et décadente, – pour pouvoir poursuivre, protégé par des barrières de toutes sortes, un développement intérieur de sa puissance.
« Contrairement à ses prédécesseurs néoconservateurs (démocrates comme républicains, et il ne faut pas oublier que le mouvement neocon a débuté au sein du Parti démocrate de Jimmy Carter, et non avec George W. Bush), Trump est un isolationniste – l'isolationnisme étant une tendance extrêmement forte de la politique américaine depuis plus de 250 ans.
» Les pères fondateurs des États-Unis ont judicieusement mis en garde l'Amérique contre toute implication dans des « implications étrangères », car ils avaient une expérience directe de l'oppression exercée par l'Empire britannique sur ses sujets coloniaux.
» Ils comprenaient également comment l'empire avait corrompu et corrompu la politique intérieure britannique. Washington, Adams et Jefferson craignaient tous les conséquences pour la nouvelle république américaine si, mutatis mutandis – selon la formule éloquente d’Edmund Burke – “les contrevenants à la loi en Inde devenaient les faiseurs de loi en Angleterre”. »
Parions donc sur l’hypothèse largement concevable que nous avons, grâce à ce curieux ‘Signalgate’, une bien meilleure perception du courant qui porte l’équipe Trump et fait s’exprimer ses membres dans le sens d’une complète rupture avec ce qui a précédé. L’événement est d’une brutalité inouï et si les dirigeants se conduisent comme des enfants, – selon ‘The Spectator’, – ils déclenchent des tremblements de terre qui semblent avoir un sens tout à fait concevable, et parfaitement adapté aux immenses événements qui nous secouent depuis 2001-2008, depuis 2015, depuis 2022, dans un tourbillon crisique de plus en plus fou et incontrôlable – pour nous s’entend, – pour le reste sans savoir s’il ne répond pas à une logique supérieure, à une “raison sacrée”.
L’orientation des relations USA-Russie dans le sens d’une “entente objective” est frappante. Outre l’Ukraine, USA et Russie sont côte-à-côte contre l’UE dans les événements de Syrie, où les troupes russes annexent plusieurs villages environnant leurs bases pour établir une zone de sécurité et y établir des Syriens alawites que les rebelles pro-turcs massacrent à chaque occasion. Tout le monde (surtout l’UE) parmi les pays “civilisés” grogne contre l’impérialisme russe, sauf les USA et le pouvoir syrien qui a abattu Assad !
Pourquoi ce crochet par le Moyen-Orient alors que l’on s ‘agite dans le psychodrame du ‘Signalgate’ ? Parce qu’il faut bien agiter l’une ou l’autre hypothèses (farfelues et complotistes évidemment, mais j’assume ces soupçons qui contribuent à rendre mes juges farfelus et complotistes pour bien me comprendre) pour expliquer cette étrange aventure. Outre l’hypothèse d’une naïveté collective des personnalités impliquées dans l’emploi de ce canal non protégé, avec introduction d’un journaliste notoirement ultra-sioniste et antiTrump par connotation indirecte, – on pensera ce qu’on veut de cette explication-bouffe, – il y a l’hypothèse d’une provocation qui impliquerait d’une manière ou l’autre Mike Waltz (conseiller de Trump) et Tulsi Gabbard (DNI), et même le secrétaire à la défense Hegseth, tous traités d’“amateurs” par la presse comme-il-faut. Il est vrai que lorsqu’on voit le travail des superbes “professionnels” depuis 2001 au moins et notamment et particulièrement sous Biden, ou bien chez nous sur les plateaux de LCI, il y a de quoi regretter ce soi-disant amateurisme évidemment irresponsable.
Mais il y a d’autres hypothèses, plus intéressantes. La principale est une fuite provoquée, pour au moins deux buts principalement, l’un ou l’autre ou bien l’un et l’autre :
• Le premier pourrait être d’attirer l’attention massive la meute de la presseSystème et des zombieSystème sur l’équipe Trump dans son comportement intérieur pour la déchiqueter virtuellement à ce niveau intérieur et à la gloire des sénateurs couverts de donations, pendant que les USA et La Russie progressent sans trop s’intéresser à Zelenski sur la question ukrainienne.
• Le second est plus intéressant parce qu’il y a d’ores et déjà des effets qui signalent une évolution dans ce sens : faire savoir, par la fuite, ce que les poids lourds de l’équipe Trump, et notamment JD Vance qui est le probable successeur de Trump, pensent de l’Europe occidentale, civilisée et bruxelloise.
C’est à notre sens ce dernier point, justement dans ses effets, qu’il faut retenir des réactions européennes à la fuite ‘Signalgate’. Typique de ces réactions, celle de la chaîne DW.News allemande, qui publie une longue vidéo pour présenterai les réactions dans les élites allemandes. C’est certainement les Allemands qui sont les plus inquiets de l’évolution US, les Français vivant, par Macron-interposé, dans le rêve d’une force nucléaire omniprésente et omnipotente, et les Britanniques continuant à vivre leur aventure du XIXème siècle, au temps où le soleil ne se couchait jamais sur l’empire britannique.
Ci-dessous, voici une présentation écrite de la vidéo de DW.News, sous le titre « Faut-il craindre Vance plus encore que Trump ? ». Certes, les Allemands le craignent, comme ces stupides généraux français (Yakovlev, Goya) qui occupèrent des postes importants à l’OTAN sous la protection si chaleureuse de leurs “amis américain“. On voit sur DW.News un bon récit allemand des craintes allemandes/européennes portant encore plus sur JD Vance, potentiel successeur de Trump, que sur Trump lui-même :
« Donald Trump a minimisé l'embarrassante fuite de hauts responsables de la sécurité, qui ont partagé des plans de guerre classifiés avec un journaliste. Dans une interview accordée à NBC News, le président américain a qualifié la fuite – sur l'application de messagerie Signal – de simple “problème” et de non-sérieuse. Lundi, le rédacteur en chef du magazine Atlantic, Jeffrey Goldberg, a déclaré avoir été ajouté à un groupe de discussion discutant des frappes aériennes américaines contre les rebelles houthis au Yémen, quelques heures seulement avant leur mise en œuvre.
» L'utilisateur, identifié comme le vice-président américain J.D. Vance, a publié un message faisant référence aux plans américains visant à frapper les forces houthis, qui perturbaient le transport maritime international en mer Rouge : “Si vous pensez que nous devons le faire, allons-y. Je déteste vraiment devoir à nouveau renflouer l'Europe”.
» Quelques minutes plus tard, selon Goldberg, l'utilisateur, identifié comme le secrétaire à la Défense Pete Hegseth, a répondu : “Vice-président, je partage pleinement votre aversion pour les profiteurs européens. C'est pathétique. Mais Mike a raison : nous sommes les seuls sur la planète (de notre côté [occidental]) à pouvoir le faire. Personne d'autre ne s'approche de nos capacités.
» Ici, en Allemagne, les responsables politiques ont exprimé leur profonde inquiétude face aux fuites américaines et à leurs conséquences sur les relations de l'Europe avec l'administration Trump. »