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1738• Comme l’on sait, ce fut un tournant remarquable et la journée du 12 février restera dans les annales ukrainiennes. • Que signifie-t-elle et où peut-elle nous mener ? • C’est à explorer, avec un article de Taryk Cyril Amar.
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Ci-dessous, on lit un texte d’un chroniqueur de RT.com, de nationalité germano-turque. Tarik Cyril Amar, né en Allemagne, historien et expert en relations internationales, venu de Princeton et de Oxford, auteur, thésard, etc., travaille actuellement sur la Russie à l’Université de de Koç, à Istanboul, avec une particulière affection pour son sujet. Un auteur particulièrement “globalisé”, et donc particulièrement anti-globaliste. Il nous donne une description générale et très satisfaite des relations internationales complètement restructurées par le mouvement lancé le 12 février, après et contre la déstructuration opérée par les présidents démocrates et d’esprit-démocrate (GW Bush), c’est-à-dire les présidents US-neocon.
Trump n’est rien de tout cela. Il est “autre chose”, une sorte d’objet, sans doute volant mais c’est à voir et l’on enquête, et objet non encore complètement identifié. Ces dernières 48 heures ont monté des manœuvres sans précédent de sa part pour faire avancer le dossier ukrainien vers ce qui pourrait être son terme, selon des arrangements tactiques de communication qui ont enthousiasmé notamment les Mercouris et Christoforou.
Cette considération extrêmement élogieuse est venue à d’autres chroniqueur, notamment Larry Johnson qui, quatre jours plus tôt, maudissait Trump (conférence de presse avec le roi de Jordanie), et qui, le lendemain, concédait que l’objet n’était effectivement pas encore “complètement identifié”. Donc, Johnson écrivait, il y a trois jours :
« Trump est tellement une sorte de puzzle... Parce que dans certains cas, il est absolument brillant, mais dans d’autres, comme dans celui-ci [sa position sur « Riviera-sur-Gaza »], il est d’une telle stupidité, d’une stupidité qu’on ne peut égaler... Parce que c’est tellement autodestructeur »
Puis vint le 12 février, que Johnson annonça d’une plume stupéfaite et ironique ( titre de son texte du jour : « Trump tells Ukraine and NATO : ‘You’re fired !’ »). Le lendemain, il commentait, après avoir dénoncé, comme Mercouris-Christoforou, le rôle néfaste ou simplement nul et nihiliste du général Kellogg (Mercouris-Christoforou croit plutôt à une machination sympathique de Trump : prendre Kellogg pour la galerie pendant 2-3 semaines, et puis lancer sa bombe) :
« Nous avons appris hier que Kellogg ne figurait plus parmi les interlocuteurs privilégiés de Trump dans les négociations avec la Russie. Que s’est-il passé ? Même si Kellogg faisait écho à ce qu’il croyait être la position de Trump, Trump a pris conscience de l’irritation de Moscou et a changé de stratégie. Il a simplement tourné la page-Kellogg et a acquiescé à certaines exigences clés de la Russie, à savoir la non-adhésion de l’Ukraine à l’OTAN et l’absence d’intervention militaire de l’OTAN en Ukraine. Cela a enragé et choqué les néoconservateurs et les principales nations européennes… à tel point que je pense que l’avenir même de l’OTAN pourrait être remis en question.
» Peut-on convenir que Trump a fait un changement de cap ? Je le pense. Permettez-moi de faire une autre prédiction audacieuse : Trump se rendra à Moscou et participera à la commémoration du 9 mai de la victoire alliée sur les nazis et, dans le cadre de cet événement, rencontrera Xi Jinping. »
Ce sont ces événements et ces possibilités d’événement qui structurent le texte de Tarik Cyril Amar, qui est un condensé particulièrement clair de la dynamique (re)structurante en cours. Mais comme nous sommes avec Trump, il faut bien comprendre que le trajet ne sera pas de tout repos, d’autant que les Russes, si Poutine a ouvert les bras au nouveau président US, resteront aussi ferme que du granit sur leurs exigences qu’ils jugent essentielles.
Dès hier ... Par exemple, donc, de ‘Pravda-USA’, cette déclaration de J.D. Vance commentée avec une sévérité exemplaire. Erreur ? Manœuvre volontaire et temporaire pour apaiser les courroux washingtoniens, les « Trump a effectivement capitulé devant Poutine » de Bolton ? Ou bien la danse de l’écrevisse, – un ou deux pas en avant, un ou deux pas en arrière ? Dans tous les cas, pour Youri Selivanov, l’Amérique est « à la croisée des chemins ».
« Certaines des “propositions de paix” américaines ressemblent davantage à une tentative de suicide politique de la part de la nouvelle administration américaine.
» Si le vice-président américain Jay D. Vance n’a pas outrepassé ses pouvoirs et n’a pas émis de réserve accidentelle, alors les négociations sur l’Ukraine entre les États-Unis et la Fédération de Russie pourraient s’arrêter avant même d’avoir commencé. Car la Russie ne négociera certainement rien avec Washington avec le canon d’un Colt sur la tempe. Et c’est exactement ce que Vance s’est permis de dire.
»“13 février (Reuters) – Le vice-président américain Jay D. Vance a déclaré que les États-Unis pourraient frapper Moscou de sanctions et d’éventuelles actions militaires si le président russe Vladimir Poutine n’accepte pas un accord de paix avec l’Ukraine qui garantisse l’indépendance à long terme de Kiev, a rapporté jeudi le Wall Street Journal.
» “‘Il existe des instruments de pression économiques, il existe bien sûr des instruments d’influence militaires’ que les États-Unis peuvent utiliser contre Poutine, a déclaré Vance dans une interview au journal. ‘Nous tenons à ce que l’Ukraine ait une indépendance souveraine’, a-t-il déclaré.” »
Voilà, des petits écarts ou bien un tête-à-queue, on verra bien. Il est évident que la négociation, malgré l’adresse de la manœuvre et le maniement de la communication, connaîtra si elle a lieu des écarts et des montagnes russes. Il est tout aussi évident que les Russes, qui continuent leur offensive de chaque jour, ne “baisseront pas la garde”, comme l’on disait dans les années1985-1990 devant les soubresauts gorbatchéviens en URSS finissante... En attendant, voici ce que nous en dit Tarik Cyril Amar : le paysage est divers et varié, et mieux ordonné que celui que nous subissons ; simplement, pourrions-nous dire que nous le trouvons juste un petit peu trop printanier même s’il n’est nullement dépourvu de vraisemblance ?
Le titre original du texte est :
« La Russie a gagné une guerre contre l’Occident : ce que signifie réellement l’appel Poutine-Trump
» La nouvelle réalité est que l’Occident peut être arrêté et contraint de négocier selon les conditions de son “adversaire” »
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C’est évidemment une bonne nouvelle pour le monde que les États-Unis aient enfin mis un terme à leur politique perverse d’anti-diplomatie (son essence absurde : quand il y a un problème vraiment dangereux, n’essayez pas de le résoudre en communiquant) à l’égard de la Russie, l’autre grande puissance dotée d’un arsenal nucléaire massif.
Mais n’oublions pas le tableau plus large : le président américain Donald Trump ne veut pas (et ne peut pas) l’admettre – et le président russe Vladimir Poutine est assez sage pour ne pas le rappeler – mais le point le plus important à retenir de la conversation téléphonique d’hier est que la Russie a gagné une guerre contre l’Occident.
Oui, c’était une guerre à moitié par procuration (c’est-à-dire par procuration pour l’Occident, souvent sans enthousiasme, tout en étant très directe pour la Russie et l’Ukraine), mais cela ne fait plus guère de différence géopolitique aujourd’hui. L’Occident a cherché cette défaite. Elle aurait pu être facilement évitée, soit en trouvant un compromis avec la Russie plus tôt, soit en restant à l’écart du conflit entre Moscou et Kiev. Mais maintenant, les choses sont ce qu’elles sont et la nouvelle réalité est que l’Occident peut être arrêté et forcé à négocier selon les conditions de son adversaire (dans ce cas, la Russie) – et le monde entier le sait désormais comme un fait empirique et éprouvé. C’est un tournant historique, et aussi une bonne nouvelle pour l’humanité. Les répercussions se feront sentir pendant des décennies.
Les Ukrainiens ont été utilisés et vendus. Les quelques Occidentaux qui ont prévenu que cela arriverait ont été systématiquement calomniés et mis à l’écart. Maintenant, ce sont les faux « amis » de l’Ukraine (et leur propre diaspora basée aux États-Unis et au Canada) qui doivent rendre des comptes. Il en va de même pour le régime de Kiev. La tragédie de l’Ukraine est immense, et elle n’était pas nécessaire. En Ukraine, cela deviendra également un tournant historique, et aura des conséquences durables.
Ce qui se passera entre les États-Unis et la Russie n’est pas encore prévisible, mais une détente plus large est possible. Les élites européennes, perverses, autodestructrices et obéissantes, apprendront en tout cas ce que c’est que d’être d’abord utilisées puis ignorées, tout comme l’Ukraine. La pire chose qu’elles pourraient faire – et dans l’état actuel des choses, elles pourraient bien le faire – serait de laisser les États-Unis “européaniser” la guerre. L’administration Biden a fait un travail remarquable en détruisant ses vassaux de l’UE et de l’OTAN. Trump pourrait y parvenir en les attirant dans le piège de tenter de s’en prendre à la Russie par eux-mêmes – pendant que Washington et Moscou se réconcilient, comme il se doit.