Déconstructuration polonaise

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Déconstructuration polonaise

Surprise, surprise : les Polonais qui plébiscitaient il y a trois ans de vivre sous l’aile protectrice des B-52 US, aujourd’hui découvrent qu’on ne peut compter sur les B-52, d’ailleurs vieux de près de 70 ans... • Ainsi en est-il, selon le dernier sondage. • D’où notre question aux Polonais (qui, eux, au moins, réalisent les choses) : mais qui a fait de vous les « vassaux de l’Amérique », comme dit JD Vance ? • Les Polonais s’inquiètent, les autres se taisent. • Et vogue la “défense européenne”, comme un ‘Titanic’ qui n’aurait jamais flotté sur l’eau.

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La Pologne est un exemple parfait, sans doute le plus proche d’une réalité européenne (“de l’Ouest”, ou bloc-moderniste) qui semble comme un savon mouillé dans les mains des dirigeants politiques européens lorsqu’il s’agit de l’Ukraine, de la Russie, des Etats-Unis et de toute cette sorte de chose. Pourquoi la Pologne ? Parce qu’on trouve dans ce pays au cœur du fantasme russophobe européen divers faits montrant qu’il ne s’agit pas seulement d’un fantasme.

• L’histoire de la Pologne, et avant elle de ce qui allait constituer la Pologne, est formidablement tumultueuse, avec ses deux immenses voisins (la Russie et l’Allemagne) et les liens entretenus avec d’autres puissances européennes (la France notamment). Ainsi, on peut admettre à partir de références historiques réelles interprétées avec l’aide du subjectivisme nationaliste exacerbé des Polonais, que la crainte polonaise de la Russie fut parfois justifiée.

• La proximité de l’Ukraine est un fait géographique incontestable. Les Polonais ont une attitude contrastée vis-à-vis de l’Ukraine, sinon certaines revendications. Depuis l’“union sacrée” du 22 février 2022, ils ont embrassé avec passion l’aimable Zelenski et ses pratiques avant de prendre certaines distance, – une sorte d’équidistance de leur haine antirusse, – une irritation grandissante devant les “réfugiés“ ukrainiens et le train de vie fastueux de certains d’entre eux. Bref, ils sont loin de l’absolutisme pro-ukrainien de nombre d’autres pays-UE, et même le globaliste Tusk devient glacial à l’égard de l’Ukraine.

• La confiance dans les USA est un fait majeur de la politique polonaise de l’après-guerrre. Elle s’est cimentée dans les années d’avant la chute, avec l’entente entre Reagan et le pape polonais Jean-Paul-II, tous les deux parrains du mouvement ‘Solidarnosc’. C’est la pression de la minorité polonaise aux USA (région de Chicago, fortement démocrate) avant les élections législatives du ‘mid-term’ US en 1994 qui a fait basculer l’administration Clinton vers  l’élargissement vers l’Est de l’OTAN. Les liens de sécurité ont suivi, faisant de la Pologne un n°2 du personnel US en Europe, derrière UK, avec la France remontant dans le peloton.

• Dans ce pays ultra-catholique, la crise de l’Église s’exprime d’une façon dramatique, – ce qui est après tout un signe de la bienveillance divine. Cela n’empêche que les Polonais restent très attachés aux traditions, même s’ils greffent un peu de LGTBQ dessus, et qu’ils s’offrent un gouvernement (Donald Tusk) totalement globaliste, qui le reste mais plutôt cahin-caha en raison des déboires de l’Ukraine-UE et des changements aux USA.

• ... Et c’est ce dernier point qui nous intéresse !

Une chute libre et si rapide

L’essentiel dans ces divers points, pour notre propos autant que pour la situation objective en-cours, ce sont les liens de sécurité de la Pologne et des USA. Comme fait symbolique et statistique majeur concernant ce domaine, il y a ce résultat extraordinaire d’un sondage par rapport à la même opération, dans les mêmes conditions, en 2022, année de la guerre entre l’Ukraine et la Russie.

L’exposé de la chose nous est donné par ‘rmx.news’ et ‘euro-synergie.hautetfort.com :

« Selon un récent sondage, la majorité des Polonais ne croient pas que le président américain Trump aiderait la Pologne en cas d'attaque, et ceux qui croient qu'il le ferait sont étonnamment peu nombreux.

» “Pendant des années, après la transformation politique en Pologne, il semblait que nos relations avec les États-Unis se rapprochaient de plus en plus. Nous avons envoyé nos contingents lorsque les États-Unis en avaient besoin, nous achetons du matériel américain, et des milliers de soldats américains sont toujours stationnés sur la Vistule. Cependant, ces années de renforcement des liens ne sont pas visibles lorsque vous demandez aux Polonais aujourd'hui si les États-Unis nous aideraient en cas de guerre”, écrit ‘Business Insider Polska’.

» SW Research a demandé aux Polonais, à la demande de rp.pl, la question suivante : “Croyez-vous que les États-Unis sous le règne de Donald Trump viendraient en aide militaire à la Pologne si notre pays était attaqué ?”

» Ceux qui ont répondu “Oui” représentaient 25,7%; ceux qui ont répondu “Non” 50,8%; et l'option ”Je n'ai pas d'opinion” était à 23,4%. L'étude a été réalisée par l'agence de recherche SW Research parmi les utilisateurs du panel en ligne SW Panel les 8 et 9 avril 2025. L'analyse a couvert un groupe de 800 utilisateurs d'Internet âgés de plus de 18 ans.

» En 2022, rappelle BI, l'Institut des affaires publiques a demandé aux Polonais sur le site Stan Polityki qui aiderait la Pologne en cas d'attaque d'un pays étranger. À ce moment-là, près de 60 % ont indiqué l'OTAN, et 50,19 % ont cité les États-Unis (plus d'une réponse pouvait être donnée). Le sondage de 2022 a été réalisé par le biais d'entretiens téléphoniques assistés par ordinateur (CATI) sur un échantillon représentatif de 800 résidents adultes de Pologne. »

Qu’on mesure la différence : en 2022, plus de la moitié des Polonais, de 50% à 60%, ont dit leur certitude que les USA ou l’OTAN (ce qui est la même chose, bien entendu) viendraient à leur secours en cas de nécessité. Ils sont un quart aujourd’hui, tandis que la moitié estiment que l’on ne peut pas compter sur les USA, – et le dernier quart s’en tient à “n’en savoir rien” dubitative. Cette chute est tout simplement vertigineuse sinon cosmique et constitue une rupture non par rapport à 2022 seulement, mais certainement par rapport aux années 1980, et même à toutes les années et à toutes les périodes de la Guerre Froide.

Que faut-il en conclure ? Beaucoup d’hypothèses sont disponibles, dominées par la certitude que la chose s’inscrit dans le phénomène d’immense rupture qui frappe le monde occidental et notre civilisation en général depuis quelques mois, – symboliquement, depuis l’élection de Trump, et le formidable battage de la communication qui a accompagné l’événement, aussi bien que la description démoniaque faite du personnage Trump.

Bien entendu, lorsque JD Vance, la voix la plus forte dans l’administration pour mettre en cause les liens transatlantiques, remarque comme il l’a fait avant-hier, qu’il faut que l’Europe cesse d’être « le vassal sécuritaire des Etats-Unis », on peut être tenté, par simple courtoisie et juste franchise, de ne pas lui donner tort...

« Le vice-président des États-Unis, JD Vance, a exprimé un profond mécontentement à l’égard de la politique actuelle de l’Union européenne, dénonçant une rupture entre la volonté des citoyens européens et les décisions de leurs dirigeants. Dans une interview au média britannique UnHerd publiée le 14 avril, JD Vance a déclaré : “Nous sommes très déçus, moi, le président Trump, et toute notre administration, de constater que les Européens réclament une politique économique et migratoire plus raisonnable, mais reçoivent exactement le contraire”.

» Selon lui, cette contradiction affaiblit les fondements démocratiques de l’Occident. Il estime que la politique des frontières ouvertes, imposée sans réel débat populaire, « mine la confiance démocratique ». « Le projet démocratique de l’Occident s’effondre quand les gens demandent moins d'immigration et que leurs dirigeants y répondent par plus d'immigration », a-t-il martelé.

» Vance a aussi dénoncé la faiblesse militaire de l’Europe. D’après lui, la majorité des pays du continent n’ont pas la capacité de se défendre de manière autonome. Seules quelques exceptions sont citées : “Les Britanniques, les Français et les Polonais sont des exceptions, mais ces exceptions confirment la règle”, affirme-t-il. Pour Vance, les dirigeants européens ont “largement sous-investi dans leur sécurité” et il appelle à une autonomie stratégique accrue : “Je ne veux pas que les Européens fassent simplement ce que leur disent les Américains. Ce n’est pas dans leur intérêt, ni dans le nôtre”. »

A quoi bon n’y rien comprendre ?

Peut-être de telles remarques auraient-elles constitué l’occasion d’une explosion de volontarisme de souveraineté en Europe, – disons dans les années 1972-73 ou les années 1989-91, lorsqu’il fut question d’un désengagement américaniste d’Europe. Au contraire, les USA ne dirent rien de semblable et attaquèrent Saddam Hussein ; et les Européens poussèrent un soupir de soulagement en suivant joyeusement cette délicate entreprise.

Mais aujourd’hui, tout cela n’a plus du tout la même valeur. Le retournement polonais, en trois ans d’une guerre absurde, ne contient strictement aucune promesse d’une affirmation européenne puisqu’elle se fait “au profit” d’une UE paralysée et impuissante qui deviendrait la matrice d’une “défense européenne” complètement grotesque et bouffe puisqu’aujourd’hui engloutie dans les manœuvres talentueuses du Clausewitz de Kiev piloté par les généraux de l’OTAN. (On laisse de côté les deux géants psychopathe et schizophrènes France-UK jouer avec leur simulacre : là non plus, il n’y a rien à dire de plus.)

Ce que nous démontrent plutôt le revirement polonais et les diatribes justifiées de Vance, – et sans mettre en cause la justesse des propos et des perceptions des uns et des autres, – c’est que la question de l’Europe et de la “défense européenne” est complètement dépassée. Elle ne mérite aucune réponse sérieuse de notre part, puisque les Russes s’en sont chargés. Au contraire, ces  mêmes Russes, et les Américains de l’administration Trump, nous indiquent parfaitement de quoi il est question. La grandeur du paradoxe est dans ce que les Polonais traditionnalistes s’en sont allés voir du côté des ultra-modernistes-neocon pour mieux affronter des Russes qui affichent leur traditionalisme et la nécessité de se structurer dans ce sens pour affronter l’immense tempête de « nihilisme technologique »qui anéantit le bloc-moderniste qu’est devenu notre civilisation. Dérive classique chez nous, dans notre jargon amical, lorsque l’incroyable  – surpuissance se transmue, chemin bruyamment faisant, en une impitoyable autodestruction.

Les Européens veulent-ils vraiment y comprendre quelque chose et accuser les USA de les abandonner dans leur pouponnière otanienne alors que leur véritable bataille se déroule dans une grande entreprise de déconstructuration ? Heureusement que l’UE impuissante ne peut rien contre ce déchaînement qu’elle a elle-même déclenchée. Les bienheureuse rencontres orthographiques et anthropologies-animalières permettent de confirmer qu’elle est exactement comme une hyène femelle, – vous voyez ce que la vigie nous signale ? – le seul animal de genre féminin doté d’un pénis qui ne lui est strictement d’aucune utilité. C’est de ce point de vue, embrassée depuis la présidence de la Commission Européenne et les pétarades des divers ‘Patriot’ de circonstance que l’on mesure combien “la question de l’Europe et de la “défense européenne est complètement dépassée”.

Donc, bravo pour les Polonais : ils ont compris ‘Vingt ans après’ et ‘Dix ans plus tard’ ce qu’Alexandre Dumas nous suggérait dès l’origine de son immortelle trilogie... Mais au moins, eux, ils ont compris, – et, s’il vous plaît, abstenez-vous de toute critique réelle des États-Unis, – ils ne les méritent pas à cet égard ! Bien au contraire,  lorsqu’un Péquenot des Appalaches comme JD Vance vient vous dire ce que les vraies civilisations savent bien depuis les pharaons, Homère et Marc-Aurèle, et que nous avons définitivement égaré dans le labyrinthe des genres à pénis-perdu...


Mis en ligne le 16 avril 2025 à 19H45