Déconstruire la structuration déstructurante

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Déconstruire la structuration déstructurante

Il apparaît de plus en plus d’événements qui peuvent être qualifiés paradoxalement et selon un oxymore apparent, ou simulacre d’oxymore, “la déconstruction de la déconstruction”. Le phénomène de “déconstruction” se décompose pour nous dans une trilogie complétant le processus, de “déstructuration, dissolution & entropisation” (dd&e). Dans cette trilogie, la déstructuration est ce qui s’apparente le plus à la “déconstruction” de cette fameuse écoule philosophique, ou “anti-école philosophique”, – la French Theory comme l'on dit sur les campus US, tant prisée et intégralement appliquée par les masses progressistes-sociétales et intellectuelles du système de l’américanisme suivies par nos salons parisiens & autres, – nous nommerions notamment mais puissamment et talentueusement, Jacques Derrida, Michel Foucault, Gilles Deleuze... Cela s’apparente tellement que nous avons évoqué ce possible néologisme de “déconstructuration”, qui mettrait tout sous le même emballage.

Mais il se trouve que, selon l’évidence des techniques du Système qui manipule le tout en tant que déjection opérationnelle du “déchaînement de la Matière”, – le Grand’Oeuvre de la “déconstructuration”, pour être vraiment “grand”, doit se structurer lui-même et produire ainsi plus de son efficacité déstructurante absolument décisive grâce à ses propres structures déstructurantes. Malgré le foisonnement du terme, la rigueur de l’observation rend compte de sa simplicité : si l’on veut, pour détruire les créatures de Dieu, le Diable a besoin de se faire passer pour créature de Dieu ou Dieu Soi-même ; par conséquent, à un moment ou l’autre il s’attaquera à lui-même... Remplacez Dieu par “structuration”, le Diable par “déstructuration” qui a besoin de se faire passer pour Dieu en devenant lui-même structuration, et tout s’éclaire.

Si nous développons cette introduction, c’est parce que nous trouvons un exemple concret éclatant dans la riposte, sans doute involontaire dans toute sa véritable et puissante signification, de néantissement de la “loi Avia” par le Conseil Constitutionnel qui siège dignement et fort sagement près de la place du Palais-Royal à Paris. Ce passage du texte ci-dessous sur cet événement, essentiellement une interview d’une spécialiste du droit public et constitutionnaliste éminente, Anne-Marie Le Pourhiet, emploie effectivement le terme qui nous inspire :

« “Tout est à déconstruire et à remettre à plat”, s’alarme-t-elle encore. Et de souligner les effets “ravageurs” sur les principes constitutionnels de la retranscription dans la loi de certains “schémas de pensée” portés par des minorités agissantes. Le “racisme systémique”, le “féminicide”, etc., autant de concepts qui assimilent d’emblée un individu à une intention suivant son appartenance à un groupe. »

Nous, ce n’est pas en constitutionnaliste que nous abordons cette question pourtant si bien illustrée par le cas, mais en métahistorien maniant comme instruments sacrés aussi bien l’âme poétique que l’intuition. Car l’affaire de la “loi Avia”, devenue assez symbolique des batailles en cours, peut également figurer comme une parfaite illustration de la catastrophe où l’incendie grondant suscite des contre-feux, conformément à la formule fameuse du “faire-aïkido”de Sun Tzu qui dit qu’il faut toujours retourner la force d’un ennemi puissant contre lui pour le mettre en péril. Cette “loi Avia” est bien entendu une sorte d’excrément du courant “culturel” progressiste-libéral allié à la dictature économique néo-libérale, dans son volet répressif et censoriel. Cette loi est connue et son infamie n’est même pas à démontrer.

Qu’elle soit née du groupe parlementaire dit-EnMarche représentant le “Nouveau Monde” en France, qu’elle ait été approuvée par le gouvernement du même, applaudie par le président similairement, tout cela ne rend que plus impératif le jugement pathétique qu’on doit porter sur tous ceux, tous horizons confondus, parfaitement corrompus intellectuellement, prisonniers d’une psychologie incroyablement affaiblie, peinant à imaginer qu’on puisse penser hors des marges de la feuille de route du Politiquement Correct (PC). La phrase est longue, mais c’est l’effet de l’ampleur extraordinaire des travers de ces divers et fourmillants zombieSystème.

Nous n’accuserons personne en particulier dans cette foule, ni dans les postes de commande des manieurs de ficelles des marionnettes, eux-mêmes marionnettes d’autre chose, d’être le ou les concepteurs de ces noirs desseins. Nous sommes dans une période où l’on peut citer avec avantage Augustin Cochin, rejoignant si parfaitement Joseph de Maistre lorsque ce dernier parle des chefs de la Révolution Française, comme cité encore  très récemment. (« On a remarqué, avec grande raison, que la révolution française mène les hommes plus que les hommes ne la mènent. Cette observation est de la plus grande justesse...[...] Les scélérats mêmes qui paraissent conduire la révolution, n'y entrent que comme de simples instruments ; et dès qu'ils ont la prétention de la dominer, ils tombent ignoblement. »)

Nous ne parlons ni de gauche ni de droite, ni de réformistes ni de révolutionnaires, ni de démocrates ni de libéraux, tous ces hochets en forme de bavoir, – nous parlons des êtres qui ont perdu leur ontologie (voir le “modèle dostoïevskien”) au profit d’une pseudo-“idéologisation” qui est le simulacre d’une emprise qu’ils subissent, simulacre pour rassurer leurs petites âmes inquiètes,... Cochin donc (*) :

« Comment appeler tyrans, – même meneurs, – des gens aussi incapables, je ne dis pas de tourner à leur profit la force qui les porte, mais même d’en comprendre le secret.  [...]C’est qu’il n’en est pas un qui soit un homme, un caractère, qui tire sa force de soi. Ce ne sont que des tempéraments, des forces aveugles soumises à des lois inconnues.» [...]
« ...  [A]u-dessus de lui [du jacobin] plane la force collective, ce mystérieux souverain, qui ne prend figure et voix que là. Nous sommes loin, on le voit, des récits à la Plutarque, qui exaltent la personne humaine, et font des grands hommes les rois de l’histoire. Avec le régime nouveau, les hommes disparaissent, et s’ouvre en morale l’ère des forces inconscientes et de la mécanique humaine. » [...]
« Ils ne règnent ni pour ni par eux-mêmes, mais en vertu d’une loi impersonnelle qu’ils servent sans la comprendre, et qui les brisera sans efforts comme elle les a élevés. »

A chaque grand événement de la métahistoire, nous retrouvons ces êtres sans-être, sans-ontologie, et jouets des forces supérieures que certains croient humaines pour sauvegarder la vertu de raison. (Même le grand Descartes, lorsqu’il énonce les preuves de l’existence de Dieu, ne cherche nullement à nous prouver l’existence de Dieu mais à nous montrer que la raison, puisqu’elles trouve ces “preuves”, est bien à l’égale de Dieu.) Aujourd’hui, où l’événement est très largement aussi grand, et même plus encore que celui que Maistre et Cochin analysent avec tant de lucidité, nous retrouvons les mêmes “jacobins” actualisés, – comme on l’a compris, non pas dans le sens classique et historique du terroriste-centralisateur mais dans le sens symbolique du révolutionnaire-zombie.

Dans tous les cas, il faut constater que nos “jacobins” actuels se logent désormais au sein de structures adéquats et remarquables... de structuration. Sans doute n’est-ce pas nouveau, cette structuration de la déstructuration ; ce qui est nouveau, et c’est le signe de l’effondrement, c’est que cela se voit d’une façon si criante qu’une discussion sur la “loi Avia” n’est même pas nécessaire tant ce texte hurle l’infamie qu’il sert comme ferait l’esclave d’une force inconnue, et que cela fait naître justement des forces déstructurantes contre ces structures de la déstructuration. Et puisqu’on voit bien les choses, on constate, de “D.C.-la-folle” au Palais-Bourbon de l’Élysée, qu’effectivement ils« ne règnent ni pour ni par eux-mêmes, mais en vertu d’une loi impersonnelle qu’ils servent sans la comprendre, et qui les brisera sans efforts comme elle les a élevés. »

Le texte ci-dessous est de Maxime Perrotin, dans Spoutnik-français du  19 juin 2020.

dedefensa.org

 

Note

(*) Dans ‘Les sociétés de pensée et la démocratie française’, Augustin Cochin, Œuvres, réédition de 2018, Tallandier. La publication originale est de 1921, cinq ans après la mort du capitaine  Augustin Cochin, du 146èmerégiment d’infanterie, sur la Somme, en juillet 1916.

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« Laissez-nous mal penser ! »

La Loi contre la haine en ligne a été largement retoquée par les Sages, qui l’ont jugée incompatible avec la liberté d’expression. Anne-Marie Le Pourhiet, professeur de droit public revient pour Sputnik sur cet inquiétant goût de notre élite politique pour la censure: «On n’est pas obligé d’aimer tout le monde», lui rétorque-t-elle. 

«Je suis désolée, mais, “aimez-vous les uns les autres”, c’est bon pour les curés. La loi républicaine ne peut pas vous obliger à aimer les autres. Ne pas aimer, critiquer, cela n’est pas provoquer à la haine, ni au meurtre, ni à quoi que ce soit ! », réagit auprès de Sputnik Anne-Marie Le Pourhiet, professeur de droit public à l’université Rennes-I et vice-présidente de l’Association française de droit constitutionnel.

Moins de deux semaines avant son entrée en application, la Loi Avia, adoptée mi-mai à l’Assemblée en lecture définitive, a finalement été retoquée le 18 juin par le Conseil constitutionnel. Ce dernier a jugé incompatibles avec la liberté d’expression les délais de retraits imposés aux réseaux sociaux. Ces derniers se voyaient contraints de retirer tout contenu «haineux» ou illicite qui leur serait signalé, sous peine de lourdes sanctions financières et pénales.

Du côté des politiques, les réactions vis-à-vis de la censure de ce texte particulièrement controversé ne se sont pas fait attendre : « Il n’y a quasiment que le titre qui est constitutionnel », ironisait sur Twitterle chef de file des Républicains au Sénat, Bruno Retailleau, à l’origine de la saisine de l’institution.

Le Conseil constitutionnel « se serait déshonoré » à donner son aval à une telle loi, affirme quant à elle Anne-Marie Le Pourhiet. Si le style et le fond de cette réponse des juges « manque de panache » à ses yeux, la juriste confie néanmoins sa « bonne surprise » à l’annonce d’une telle décision de l’institution du Palais Royal. Notre interlocutrice estime en effet que cette dernière avait jusqu’à présent « tout laisser passer » en matière de délits de presse.

« La presse, les médias, doivent vivre avec une quantité raisonnable de propos injurieux, calomnieux et qui déplaisent. Il faut qu’on puisse vivre avec un minimum de politiquement incorrect, voire très incorrect ! », observe Anne-Marie Le Pourhiet.

« Laissez-nous mal penser ! »dit-elle encore, en référence à un article publié dans Le Monde où la philosophe Sylviane Agacinski estimait qu’on « doit pouvoir mal penser ».

Au-delà d’un potentiel pied de nez au Conseil d’État, qui «n’avait rien trouvé à redire» au texte, cette décision du Conseil constitutionnel est à ses yeux une véritable «gifle» pour la députée de la majorité Laetitia Avia et pour le gouvernement qui a soutenu un tel projet.

Revenant sur les délais intenables de retrait, de 24h voire d’une heure suivant le contenu, Anne-Marie Le Pourhiet estime qu’une telle loi aurait placé les opérateurs dans une situation intenable et n’aurait débouchée que sur une systématisation de l’autocensure.

Un argument, à propos duquel la LICRA avait d’ailleurs écrit au Conseil constitutionnel. Dans un courrier en date du 15 juin et ajouté aux «contributions extérieures» de la décision du Conseil, le président de l’association antiraciste estimait qu’«à supposer ces arguments fondés, ils n’entrent pas dans le champ de votre saisine». La LICRA estimait ainsi qu’il n’appartenait pas au Conseil constitutionnel «de mesurer la faisabilité technique et le niveau de confort de mesures de contrainte dont la charge incombera à un opérateur privé». La plus haute juridiction du pays en a visiblement décidé tout autrement.

Du côté de la majorité, ce n’est que partie remise, à en croire le communiqué de presse de Leatitia Avia, publié dans la foulée de la décision du Conseil du constitutionnel. Cette dernière constitue, pour la députée de Paris, une «feuille de route pour améliorer un dispositif»: «il ne s’agit pas de renoncer à ce combat pour la protection des internautes, victimes ou témoins de la haine en ligne», assure-t-elle.

Bien qu’Anne-Marie Le Pourhiet ne porte pas les réseaux sociaux dans son cœur, les contrôler sans abus lui apparaît comme «impossible»: «Le mental de ceux qui nous gouvernent aujourd’hui est profondément illibéral», regrette-t-elle.

«On n’est pas obligé d’aimer tout le monde,[…]la liberté, c’est ça! J’ai le droit de ne pas aimer tout le monde et personne ne peut m’y obliger […]personne ne peut nous obliger à approuver tel ou tel comportement. On nom de quoi serais-je tenu d’approuver le comportement de mon voisin ? » se demande la juriste au micro de Sputnik.

«Tout est à déconstruire et à remettre à plat», s’alarme-t-elle encore. Et de souligner les effets «ravageurs» sur les principes constitutionnels de la retranscription dans la loi de certains «schémas de pensée» portés par des minorités agissantes. Le «racisme systémique», le «féminicide», etc., autant de concepts qui assimilent d’emblée un individu à une intention suivant son appartenance à un groupe.

Dans le détail des votes  du 13 mai au Palais Bourbon, qui a vu le texte de loi l’emporter à 355 voix contre 150 et 47 abstentions, tous les députés LREM, Modem, UDI, Agir et indépendants, ont à de rares exceptions près voté le texte. Seuls Les Républicains et la France insoumise– à l’exception de quatre abstentionnistes LR– ont voté contre le texte. Les socialistes quant à eux, se sont contentés de s’abstenir.

Maxime Perrotin