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142919 mai 2012 – Nos lecteurs qui s’intéressent à cette parution régulière ont pu remarquer la parution retardée de dde.crisis, numéro du 10 avril 2012, et celle du numéro du 10 mai 2012, pas encore faite. Plus qu’un accident, il s’agit du signe tangible des difficultés pour la poursuite de cette publication à son rythme ; finalement, il apparaît que c’est également l’amorce d’une évolution de la parution, et du nombre annuel de parutions, dans le sens d’une décroissance, – si vous voulez, une “politique d’austérité”, tout cela pour user d’expressions bien dans le cours des choses.
Le maintien du rythme de onze parutions par an est devenu une charge extrêmement lourde, dans les conditions de travail qui sont aujourd’hui celles de dedefensa.org. Nous avons décidé de modifier ce rythme, pour le bien de l’ensemble du site, et également, nous l’espérons, et je le crois personnellement, pour le bien de dde.crisis. Cela, c’est donc répondre à une pression générale de ces conditions de travail mentionnées plus haut, qui peuvent être détaillées par divers facteurs. Nos lecteurs qui sont habitués à nos communications (voir la rubrique Notre situation) devinent aisément ce qu’est cette “pression générale” et ce que sont ces “conditions de travail”. Nous pouvons, pour éclaircir le propos, citer quelques-uns des éléments principaux.
• Matériellement, pour ce qui concerne le fonctionnement du site lui-même, l’on sait que nous travaillons dans des conditions serrées. Nous ne nous en plaignons pas outre mesure, ou, plutôt nous avons appris à ne plus nous forcer à nous en plaindre à mesure que nous découvrions les conditions générales d’échange de l’Internet, disons le climat et les mœurs de la chose. Ces conditions de travail difficiles sont résumées, pour ce qui est de la perception extérieure du point de vue comptable, par la difficulté en général d’arriver, même à la somme minimale mensuelle espérée des donations que nous avons déterminée pour notre fonctionnement. (Toutes les indications à ce propos sont trouvées dans le bandeau en tête de la page d’accueil, avec le graphique de l’évolution des donations, qui est mis en ligne comme c’est de tradition à partir d’aujourd’hui, à partir de ce “19 courant…”. On trouve divers liens renvoyant à des textes explicatifs à ce propos.)
• D’une façon plus intellectuelle et plus élevée, nous dirions que la masse de travail quotidien d’une part, la part de travail que nous voudrions dégager pour La grâce de l’Histoire (voir la rubrique), demandent que nous cherchions et que nous trouvions un peu plus de temps disponible, et cela ne peut-être trouvé que sur celui qui est consacré à dde.crisis. D’où cette décision d’espacer la parution. (Il n’est pas dit, – voir plus bas, – que cette décision, qui affecte la quantité de travail, en abaisse la qualité. Peut-être cela pourrait-il être le contraire, et j’insiste sur cette possibilité…)
• On ajoutera un élément plus personnel, qui est “l’âge du capitaine”. L’homme qui est à la barre ne rajeunit pas, selon les lois naturelles du monde, – et je suis le premier à en témoigner d’une façon irréfutable. Il lui faut, à lui aussi, un peu d’air, un peu moins de contrainte, – et là aussi, dde.crisis est la “victime” toute trouvée.
Voilà à peu près le schéma général des raisons qui ont poussé à cette évolution que nous proposons à nos lecteurs. La présentation qui en est faite est intentionnellement la plus neutre possible, pour éviter qu’on soit conduit à l’une ou l’autre conclusion infondée, plus générale, concernant la situation et l’avenir du site… Pour le moment et dans les circonstances de cette décision, on ne doit prendre en compte que les raisons énoncées ci-dessus, et, par-dessus tout, cette pression de contrainte chronologique ; on y ajoutera l’argument ô combien important du poids psychologique supplémentaire, l’obligation contraignante de la régularité chronologique assez pressante de la parution mensuelle par rapport au volume et l’intensité de travail que représente dde.crisis.
Ces derniers points sont d’autant plus à prendre en compte qu’il existe un danger, également psychologique, avec des effets évidents sur la qualité du travail. Quand une telle parution devient une obligation, presque un emprisonnement, la psychologie ainsi contrainte fait naître des faiblesses telle que l’obsession, constituant peu à peu un handicap supplémentaire qui finit par devenir presque insupportable, qui a alors un effet négatif puissant sur le travail lui-même, presque un effet de paralysie. La cause même de cette obligation devient l’objet d’une hostilité irrationnelle, conduisant presque à un blocage, conduisant ainsi à une situation absurde… On n’est pas loin du cas.
Pourtant, et à l’inverse, ce n’est pas sans un sentiment à la fois de nostalgie et de tristesse que cette décision est prise. On comprendra qu’il y a là une touche très personnelle, dans le chef du capitaine. Après tout et après tant de temps, dde.crisis est l’héritier de dd&e, cette Lettre d’Analyse née en septembre 1985, qui porta le travail essentiel de bien une demi-vie d’activité, qui en témoigna, qui ne baissa jamais les bras malgré des transformations importantes et des avatars à mesure. (Voir le 15 avril 2009, l’annonce de la disparition de la version-papier de dd&e et son intégration dans le site sous forme de publication électronique, avec un nouveau titre, – dde.crisis, justement.)
…Enfin, pour ne pas trop désespérer et confirmer définitivement que la balance est au moins égale entre la nostalgie du temps qui passe et une certaine résurrection de l’ardeur, il semble qu’il y a également des bons côtés dans l’évolution qui est présentée aujourd’hui. Ils sont signalés et éventuellement détaillés ci-dessous, avec l’évolution de la formule.
La première mesure est de reporter la parution du 10 mai 2012 au 10 juin 2012. Cela marque effectivement le passage immédiat à un nouveau rythme, et une certaine libération de la contrainte évoquée ci-dessus. D’ici là, la réflexion ira son train, pour choisir entre deux formules, à partir de l’actuelle formule de onze parutions par an : soit passer à six parutions par an (une fois tous les deux mois), soit à quatre par an (une fois par trimestre, une fois par saison).
D’autre part, l’accès au numéro complet (pdf) deviendra gratuit et sera immédiatement disponible sur le site. Cette mesure, qui clôt un régime instauré en 2009 dans le cadre de l’éphémère formule d’abonnement du site, clôt également une situation désormais proche de l’absurde. La formule “abonnement” étant terminée, le numéro complet est devenu accessible à un nombre si limité de lecteurs, – ceux qui décidaient de payer le prix du numéro, – que cela a transformé dde.crisis en une sorte de document ultra-confidentiel, qui, dans certains cas de certains numéros, n’était même pas lu. Là aussi, on se trouve dans le climat et les mœurs de l’Internet, et il faut bien s’y habituer, – d’où le passage à l’accès gratuit.
Pour le reste, qui est l’essentiel après tout, qui est le contenu de dde.crisis, j’ajoute une appréciation personnelle puisque j’assume effectivement le travail de cette publication. Je crois, et j’espère, que cette parution plus espacée me donnera plus de liberté pour me dégager de la pression des évènements courants, – et Dieu sait la force de cette pression, – pour aborder avec plus de distance les sujets traités, qui seront eux-mêmes plus larges, et plus libérés des contraintes de ces mêmes évènements. Dans ce sens, dde.crisis doit devenir une sorte de commentaire très général, prétendant à ce que j’espère être la profondeur de la réflexion et la hauteur de la vue, moins des formidables évènements en cours eux-mêmes que des grandes et fondamentales questions de la métahistoire éclairées par les “formidables évènements en cours”. Il s’agirait alors de la chronique à la fois accordée aux évènements comme l’on dit d’un instrument par rapport à une partition, à la fois détaché d’eux comme l’on dit d’une improvisation intellectuelle extrêmement libre par rapport au sens général de la partition ; et il s’agirait d’une chronique bien plus d’un esprit qu’on espère nourri d’intuition haute que d’une humeur, avec le caractère pour faire le partage qui convient entre les deux.
Il va de soi, comme j’entends la chose, que cette réflexion qui prend donc encore plus de distance des choses terrestres tout en reconnaissant l’extraordinaire pression de ces choses sans y céder, se fera de pair avec celle de La grâce de l’Histoire, cette chose étrange d’un livre en train de se faire, épisodiquement sous le regard de ses lecteurs. (“Épisodiquement”, certes, et même d’épisodes un peu trop long. J’espère que le desserrement du carcan de dde.crisis, profitera à La grâce autant qu’il profitera à dde.crisis… Puis-je, en même temps, annoncer une prochaine venue d’un nouvel épisode (au sens d’une saga plus qu’au sens strict) de l’aventure de La grâce ? Je l’espère et je m'y risque.)
Voilà le point des choses… Stay tuned, comme ils disent sans grâce excessive. D’ici le 10 juin, la décision sur le rythme de parution aura été prise et sera annoncée.
Philippe Grasset
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