dedefensa.org, jours de réflexion

Bloc-Notes

   Forum

Il y a 15 commentaires associés à cet article. Vous pouvez les consulter et réagir à votre tour.

   Imprimer

 1233

Internet est un Janus. Il s’était présenté comme un outil de plus du système pour faire prospérer le système et accroître son emprise mais, chemin faisant, toute une communauté de résistance constituée pour l’occasion, comme par “génération spontanée”, a débusqué, découvert et façonné son autre face. C’est celle qui s’oppose soudain à la machine déstructurante, niveleuse et réductrice qui nous conduit vers les lendemains chantants du nihilisme et de l’entropie. Jamais le mot résistance n’a eu plus de sens et nous nous battons sur leur terrain, en retournant joyeusement leurs propres armes (la communication) contre eux, selon le conseil du maître Sun-tzi. Chaque jour montre la puissance de cette résistance que peut monter cet Internet-là. Nous avons tenté d’en montrer un exemple sérieux et extrêmement élaboré, avec des effets concrets évidents et fondamentaux, il y a quelques jours encore, le 29 octobre 2009, à propos de ce programme JSF dont nous espérons vous avoir convaincus qu’il est une pièce fondamental de leur dispositif de déstructuration du monde. Cet exemple a ceci d’intéressant qu’il n’est pas folklorique, puisqu’il ne fait pas la “une” de la presse-Pravda et autre presse “sérieuse”, qu’il n’agite pas les salons ni les talk-shows télévisuels, toutes ces choses sans importance – donc qu’il montre effectivement une attaque contre le cœur du système et un fait absolument essentiel.

Pour autant, cette face d’Internet implique une cohésion, une certaine discipline librement consentie. Nous sommes autant partisans sans hésiter de la résistance qu’Internet permet de dresser, qu’adversaires de ceux qui en font l’occasion, en arguant des mêmes desseins de résistance, de mettre en pratique les thèses diverses, ultra-démocratiques et autres pour l’occasion, et selon nous ressortant d’une démagogie dissimulée, d’un outil d’expression pour tout et pour tous, sans aucune règle ni règle de conduite, sans aucun effort, sans aucune contrainte, qui se substituerait par miracle à la durée de l’expérience, à la continuité du travail, à la sagesse de la tradition – et qui serait naturellement marqué par ce qui semble être le principe symbolique autant que la vertu suprême et démocratique de cette “école de pensée”, plus ou moins buissonnière – la gratuité d’Internet. Verser dans ce travers, c’est finalement offrir un autre aspect de l’utopie du “chaos créateur”, c’est-à-dire se retrouver au bout du compte en bonne compagnie – aux côtés des capitalistes intégraux avec leurs auxiliaires neocons qui nous imposent le saccage déstructurant du monde depuis combien de temps (au moins un gros demi-siècle dans les conditions présentes, explique Naomi Klein dans son livre La stratégie du choc).

C’est dans ces conditions que la bataille est inévitable, en sachant comment l’on doit se battre, et selon quels principes… Car la bataille est inévitable, certes. Qu’on le veuille ou non, qu’on désire s’engager ou pas (et cette question se poserait aussi bien pour nous-mêmes, après tout), les événements nous forcent. Le système étant dans l’état de déroute et de fureur de survie où il se trouve, et nous-mêmes (nous, dans ce cas, vous lecteurs également) nous plaçant d’une façon ou l’autre contre le système, nous sommes tous forcés à l’engagement. Nous n’avons aucun choix, et notamment pas celui de l’abstention; l’abstention n’est pas nécessairement une lâcheté ou une faiblesse, ce peut être le choix d’une solitude hautaine, d’un retrait d’un monde que vous ne supportez plus; il se trouve que cette possibilité qui existait il y a encore 20 ou 30 ans n’existe plus aujourd’hui. Le système, à cause de ses diverses contraintes qui affectent toutes les facettes de la vie, ne le permet plus, suivant en cela l’immortelle parole de son ex-président-philosophe quelques jours après 9/11: “Qui n’est pas avec nous est contre nous”. Dont acte, Bouvard and Pécuchet.

Mais il n’est pas dit que Bouvard and Pécuchet ne triompheront pas. C’était la crainte de Flaubert.

Tout cela nous conduit à notre cas plus personnel, celui de dedefensa.org, de notre organisation dans la bataille et du soutien dont nous disposons, ou que nous cherchons à acquérir – cas dont nous vous tenons informés régulièrement depuis quelques semaines. Car, pour nous, l’organisation dont nous avons besoin, c’est d’abord de votre soutien qu’elle peut venir, c’est-à-dire des abonnements à dedefensa.org. Nous aurions grande et mauvaise grâce à ne pas rendre hommage à ceux qui se sont signalés durant les premiers jours de la dernière quinzaine, avec une fougue particulière, les nouveaux abonnés, ceux qui nous soutiennent, tout cela particulièrement à l’occasion de et après notre message du 21 octobre 2009. Il y a de ces moments où l’on sent qu’il existe potentiellement un élan, qui est d’abord fondé sur la nature même, sur notre souffrance de l’immense absence d’une vraie liberté qui caractérise notre époque; “vraie liberté”, pour nous, caractérisant la maturité de l’esprit indépendant, l’esprit critique responsable, la distance pour mieux peser les choses, le refus des émotions factices, le mépris pour le conformisme et l’entraînement de la bêtise fardée qui nous parle à chaque minute, à chaque seconde sur leurs voies de la communication, le refus résolu et furieux de leur vision économiste du monde, réductrice, entropique, nihiliste.

Mais le flot s’est réduit, et fortement réduit. Les derniers jours nous ont amplement informé là-dessus avec le tarissement très préoccupant des abonnement – le rythme du soutien sur la durée et dans la constance dont nous avons besoin n’est pas établi – pas encore établi, disons, pour ne décourager personne, et surtout pas nous. A ceux qui se trouvent déjà au sein de la communauté, à ceux qui viennent d’y entrer, chapeau bas. Aux autres… On verra.

Les autres? Pour substantiver cette remarque, nous signalons la poursuite persistante de notre stupéfaction, tout à fait gratuite et non-payante, devant l’abondance des visites au site, qui ne cesse de croître, en référence aux périodes correspondantes, comme si le fait d’avoir affaire à un “domaine payant” auquel la plupart des visiteurs ne souscrivent pas était en soi un but de visite. Octobre a battu tous les records, ceux des mois correspondants des années précédentes, bien sûr, mais même le mois de septembre 2009, lui-même mois-record et traditionnellement le meilleur mois de l’année. Pour votre information, toujours selon les mêmes références de comptage qui nous permettent au moins de mesurer la dynamique d'évolution de la chose, voici les chiffres:

• En septembre 2009 (rappel), 154.409 entrées contre 142.469 en septembre 2008 (+ 8,4%).

• En octobre 2009, 158.557 entrées, contre 131.974 en octobre 2008 (+ 20,1%).

…Alors, quoi, ce lecteur (et abonné) furieux aurait-il raison, qui traitait cette abondance des promeneurs du site qui se contentent de voir un morceau d’article sans y entrer complètement, selon l’image des voyeurs allant voir les putes en vitrine mais n’osant entrer pour consommer? (voirCoitus interruptus.. Radins”.) L’image est leste mais le propos pas si sot…

Bref, nous sommes loin, très loin d’avoir une base “sécurisée” pour notre travail, c’est-à-dire pour notre bataille. Chers demis et quarts-de-lecteurs, “vous qui passez sans nous lire”, comme dit presque la chanson, à vous de voir. Vous pouvez continuer votre chemin comme vous le faites, avec détour par dedefensa.org en version light. Peut-être qu’un jour vous trouverez porte close. Ce sera le signe que vous n’avez plus aucun besoin d’un avorton anti-économique et massacreur de la liberté et de la gratuité tel que dedefensa.org. Il vous restera Libé, Le Figaro, Le Monde, Metro, le site officiel de l'OTAN, les communiqués de la Commission européenne, le Times de Londres, tant d’autres. Monsieur Murdoch se relèvera du triomphe de la gratuité, nous pas.

Tout cela n’est pas une sollicitation pour s’abonner à dedefensa.org, car vous vous priveriez ainsi de votre précieuse liberté, qui est la gratuité puisque vous mesurez votre liberté en nombre d’euros. Chacun sa référence. Mais soyez rassurés, le système, qui s’y connaît en “modèles économiques”, saura trouver un moyen d’en faire ses choux gras, de votre gratuité et de vos euros préservés. Vos promenades gratuites pourront se poursuivre, dans les limites délimitées par le système. Bonne promenade.

(Ceci dit en passant pour votre information: nous nous permettrons de revenir plus en détails sur cette question de la gratuité, très rapidement. Rien à craindre, le texte sera en “accès libre”.)


Mis en ligne le 5 novembre 2009 à 05H06