dedefensa.org, le Mali et la mêlée du Système

Faits et commentaires

   Forum

Il y a 6 commentaires associés à cet article. Vous pouvez les consulter et réagir à votre tour.

   Imprimer

 1322

dedefensa.org, le Mali et la mêlée du Système

21 janvier 2013 – Comme il nous arrive parfois de le faire, nous nous arrêtons à une intervention de lecteur, qui nous permet par le champ qu’elle nous ouvre, de fixer une fois de plus, mais chaque fois plus précisément nous semble-t-il, quelques axes d’analyse et de réflexion de dedefensa.org. L’intervention concerne les Notes d’analyse du 17 janvier 2013, sur le Forum qui lui est joint ce même 17 janvier 2013. L’intervention n’est pas approbatrice, et c’est cela qui nous permet de développer notre réflexion. Nous dirons aussitôt, bien entendu, notre désaccord complet avec le fond de cette intervention, non parce qu’elle est infondées, – ce n’est pas notre propos ni notre volonté d’en juger là-dessus, – mais parce que l’orientation qu’elle suggère, non seulement diverge complètement de nos analyse, mais surtout et essentiellement n’a pas sa place dans nos conceptions fondamentales. Cela ne signifie pas un jugement sur telle ou telle orientation mais porte absolument sur la forme du jugement ; c’est un point fondamental de notre démarche.

«Nous sommes tous d'accord sur le constat qui a emmené cette situation au Mali, mais je ne suis pas sûr que le point de vue de votre analyse soit le plus juste.

»S'il est vrai que la France s'inscrit dans la suite logique des opération du second printemps arabe, et est la conséquence directe de la logique de surpuissance du Système, dont la France a été le principal protagoniste en Lybie, il n'est demeure pas moins, à mon avis que la situation au Mali est d'une nature différente.

»Tout d'abord, il ne s'agit pas d'une agression, type Lybie ou Syrie, mais de la défense de la souveraineté d'un pays, aussi artificiel qu'il puisse être, là n'est pas la question. Et donc la France, dans ce cas précis, est passé dans le camp des russes et chinois pour ce qui est de l'action structurante. D'où l'accord de ces derniers !

»Cette action française est d'autant plus justifiée (même si nous jouons au pompier pyromane, et sans prétendre soutenir ce gouvernement en quoi que ce soit) qu'elle lutte contre l'islam tel qu'il se révèle dans sa nature intrinsèque, à la fois intolérant, violent et conquérant. Et là ou l'islam met le pied, il y a rarement de retour en arrière. L'occident a bien des défauts, mais il a des valeurs infiniment supérieures à celles des pays islamiques pour ce qui est des libertés individuelles.

»Aussi, je vous trouve très désinvolte de juger négativement cette intervention, écrivant d'un pays ou vous pouvez jouir de la liberté d'écrire ce que vous écrivez. En effet, je doute que cela soit possible en Lybie ou dans le califat promis par les djihadistes opérant au Mali.

»Vous n'êtes pas au dessus de la mêlée, comme vous semblez vous positionner, vous êtes malgré vous partie prenante, si ce n'est aujourd'hui ce sera demain.»

Nous allons nous attarder sur l’une ou l’autre partie de ce message, nullement par goût de polémique comme on le comprend bien à partir de notre introduction, mais parce que cela nous permettra éventuellement d’éclaircir notre propos précédent (les Notes d’analyse). Cela nous permettra surtout, et essentiellement, de prolonger radicalement ce propos, en rajoutant des éléments qui nous paraissent évidents à la lumière de positions fondamentales que nous avons déjà développés et que nous rappellerons.

• Notre lecteur remarque, comme cela est fait en général, que la question du Mali, et éventuellement de l’action des “terroristes” (qui ne le sont pas vraiment tous selon l'idée qu'on se fait de la chose, – et tant s’en faut pour la question des Touaregs), est loin de se résumer à ce qui s’est passé en Libye suite à l’intervention (de la France notamment et prioritairement). Bien entendu, tout cela, tout comme dans toutes les crises actuelles, ne peut se ramener au facteur qui les déclenche, et toute chose de cette nature dans notre monde s’explique à l’extrême dans l’enchaînement politique puis historique qui nous ramène nécessairement à la nuit des temps. Mais ce qui nous intéresse, ce qui est prioritaire, ce qui est fondamental parce que c’est l’acte du système et que le Système est la seule chose qui importe, c’est l’élément dynamique déclencheur et absolument déstabilisateur, “libérateur” du chaos que constitue chaque crise de plus dans la situation générale. L’attaque de la Libye et la chute de Kadhafi sont cet “acte du Système”, cela est absolument et complètement incontestable. Même des officiels US ont compris cela, comme cet “U.S. official” que cite le Washington Post du 19 janvier 2013 :

«The region was destabilized by a flood of weaponry and armed Tuareg nomads who had fought for Gaddafi but escaped across Libya’s borders. Many of those mercenaries have since teamed with AQIM to take control of the northern half of Mali. “This has just been an utter disaster. It was eminently foreseeable,” the senior U.S. diplomat said of the ripple effects from Libya. “It was the infusion of that additional manpower and weapons... that enabled this to happen.”»

Traduite dans la situation actuelle, dont seule la dynamique nous intéresse parce qu’elle est l’acte pur du Système, cela signifie que l’aventure libyenne commencée en mars 2011 par Sarkozy assume absolument toute la responsabilité de l’enchaînement des événements conduisant à la crise du Mali. Le reste (la situation au Mali hors des effets de la crise libyenne) ne nous importe en rien du tout, contrairement à ce qu’écrit notre lecteur… Nous verrons plus loin pourquoi, et notamment que ce n’est pas “désinvolture” ou quelque indifférence que ce soit, mais souci d’efficacité et surtout de l’absolue cohérence nécessaire une fois identifié ce que nous nommons l’“ennemi principal” (voire « l’ennemi fondamental ”, sinon l’“ennemi exclusif”», comme nous l’écrivons plus loin, – dito, le Système).

• Une autre intervention nous intéresse, qui est ce paragraphe impliquant que l’action de la France est structurante parce qu’elle défend un pouvoir “légitime” et qu’ainsi la France passe dans le camp des Russes et des Chinois. («Tout d'abord, il ne s'agit pas d'une agression, type Lybie ou Syrie, mais de la défense de la souveraineté d'un pays, aussi artificiel qu'il puisse être, là n'est pas la question. Et donc la France, dans ce cas précis, est passé dans le camp des russes et chinois pour ce qui est de l'action structurante. D'où l'accord de ces derniers !») D’abord quelques petits faits : le gouvernement en place au Mali, c’est de notoriété publique, a une légitimité bien plus que douteuse, et nous oserions avancer qu’il y a une différence de substance entre cette “légitimité”-là et la légitimité de facto, sanctifiée par tant de courbettes faites par le bloc BAO à ces régimes pendant des années, des régimes Kadhafi et Assad à propos desquels s’exerce la critique anti-BAO des Russes. La France et la Russie sont loin de se retrouver dans le même camp, et nous avons souligné notre conviction implicite, par l’ironie de la formulation, qu’il y a dans le soutien passif des Russes et des Chinois plus de tactique et pour d’éventuels arguments pour d’autres occasions, que la certitude que la France défend au Mali un “principe structurant” (voir le 17 janvier 2013 : Russes et Chinois «sont logiques avec eux-mêmes et s’appuient sur du solide, sourires en coin pour l’occasion ; ils susurrent que lorsqu’il s’agit de défendre une autorité installée et en théorie légitime contre la déstabilisation djihadiste, ils sont d’accord avec leurs “partenaires” du bloc BAO pour que ceux-ci, leurs “partenaires”, interviennent.»). Maintenant, si l’on veut être sérieux, on observera que, lorsqu’ils se posent en défenseurs du principe structurant de la souveraineté, comme en Syrie, les Russes exigent rien de moins que la non-intervention, en toute logique. (Même s’ils interviennent secrètement, cela ne nous intéresse pas : cela fait partie de ces actes d’opportunité que l’on doit dissimuler, car tout doit être fait pour protéger le principe. Cette hypocrisie-là nous semble du camp des vices accessoires ou inévitables, au contraire des vices des vertueux bombardant des pays pour les libérer au nom de l’idéologie humaniste et démocratique, avec les résultats qu’on sait, ajoutant l’irresponsabilité et la bêtise à l’hypocrisie et posant effectivement un acte déstructurant caractérisé par son vice central.) Pour résumer le cas français au Mali considéré dans le contexte qui convient, nous dirions que si un pyromane (déstructurant, selon notre classement) devient temporairement pompier (structurant en théorie, et vraiment tout juste “en théorie”…) pour tenter d’enrayer des effets dommageables pour lui de l’incendie qu’il a allumé, en première analyse et selon ce qu’on sait cela ne fait pas de lui un pompier mais un pyromane absolument maladroit et totalement inconséquent ; pyromane il reste, et comme pyromane il recommencera.

• Nous retenons les deux derniers paragraphes, d’abord en notant accessoirement que ce qui est dit sur l’Islam selon une interprétation politique directe ne nous intéresse guère (responsabilité de l’auteur). Nous apprécions simplement, en passant, d’une manière fort ironique, le point de vue de la question abordée dans cet extrait de la liberté qui rayonne partout en Occident («…écrivant d'un pays ou vous pouvez jouir de la liberté d'écrire ce que vous écrivez»). Si Internet n’existait pas, nous n’écririons, nous, rien du tout, absolument rien du tout qui puisse être diffusé sinon sous le manteau (type samizdat de l’URSS), subissant aimablement une censure du type mondain (parti de salonards) qui terrorise les médias et les éditeurs de la partie du monde envisagée, France en premier… Du phénomène d’Internet appartenant au système de la communication, nous avons dit ce que nous en pensons, à savoir qu’il s’agit d’une formidable brèche que le Système s’est faite à lui-même (surpuissance devenant autodestruction et aspect-Janus du système de la communication , voire notre Glossaire.dde du 14 décembre 2012), – et nullement d’une marque de respect de la liberté d’écrire… Vous voulez rire, n’est-ce pas, car c’est bien rire que de parler de “liberté d’écrire” dans notre Système ? Il n’existe pas de système de censure par la terrorisation plus efficace et plus impitoyable, et plus sophistiqué, que celui qui est en place dans les pays du bloc BAO ; et nous pensons même, ultime sacrilège, qu’il a été établi et a évolué avec de plus en plus de puissance et d’efficacité à partir la Renaissance et grâce à l’invention de l’imprimerie (voir notre texte référencé), conduisant parallèlement une déformation et une réécriture systématique de l’histoire. (Et, de ce point de vue, nous apprécions Internet comme une invention de type “anti-imprimerie”.)

• Enfin, l’essentiel de cette citation, qui va nous permettre de passer à l’essentiel de notre commentaire, se trouve dans le dernier paragraphe, tel que nous le rappelons : «Vous n'êtes pas au dessus de la mêlée, comme vous semblez vous positionner, vous êtes malgré vous partie prenante, si ce n'est aujourd'hui ce sera demain.» Notre réponse à cela est un non absolu, sans la moindre nuance. Nous allons nous en expliquer, tout en faisant remarquer qu’il ne s’agit, dans notre chef, que de rappeler ce que nous avons déjà écrit, qui se situe dans un tout autre domaine que celui de savoir si l’on est ou pas “au-dessus de la mêlée”, et à quelle hauteur, etc. Nous sommes, nous, au cœur de la mêlée, et pour cette raison nous nous abstenons absolument d’être en quoi que ce soit partie prenante dans cette immense bouillie pour les chats que nous offre le Système, et dont l’affaire malienne est un grumeau de plus qui ne va pas, – tout de même, il faut être sérieux, – nous faire changer d’avis. L’essentiel, bien entendu, est de se tenir d’une façon absolument résolue sur une position antiSystème, car c’est là que se trouve le cœur de la mêlée. (Dans l'oeil du cyclone si l'on veut, où l’on trouve comme dans le phénomène météorologique cette situation d’apaisement soudain, et, pour nous, apaisement par élimination de toutes les choses accessoires qui permet d’identifier l’enjeu essentiel, le seul qui compte.)

L’“activisme désengagé” face à l’“ennemi exclusif”

L’engagement et même seulement le jugement sur l’affaire malienne sont devenus, en quelques jours, quasiment impossibles, à moins de se trouver embarqués et étiquetés dans des logiques réductionnistes qui nous éloignent irrésistiblement d’une vision globale de l’activité du Système pour nous retrouver noyés dans la susdite bouillie pour les chats. Et nous ne parlons même pas ici des positions-Système classiques, répercutant les positions des directions politiques, mais bien entendu des positions extrémistes ou qui se veulent quittes des positions officielles. On peut ainsi balayer tout le spectre, avec par exemple DEBKAFiles qui dénonce l’“isolationnisme” des USA d’Obama (le 19 janvier 2013), qui fait que l’U.S. Navy n’a aucun groupe d’attaque (avec un porte-avions) disponible pour intervenir en Algérie et au Mali menacés par le “terrorisme”, et qui déduit de tout cela que cette attitude constitue un feu vert pour des actions offensives de Assad en Syrie et de l’Iran. Plus classiquement, FrontPage.com juge, le 18 janvier 2013, que les djihadistes, «[e]mboldened by America’s projection of weakness abroad», vont enflammer l’Algérie à partir du Mali et de la Libye. Si l’on se projette à l’autre extrême, le site qui a acquis une grande popularité à l’occasion de l’affaire syrienne The Moon of Alabama (MoA) s’interroge, le 19 janvier 2013 sur la thèse selon laquelle l’Algérie est le vrai objectif de la guerre du Mali, non pas dans le chef des djihadistes mais dans celui des Français et des autres (dito, le bloc BAO). MoA cite diverses analyses de la presse algérienne, qui voient dans l’expédition au Mali une revanche de la guerre d’Algérie, et aussi un professeur de sciences politiques algérien, Ahmed Adimi, qui détaille un vaste plan français depuis l’attaque de la Libye :

«The French knew that their intervention in Libya would lead to a return of the pro-Qaddafi military Tuareg to Mali. They also planned the release of Libyan arms stockpiles across the Sahel band. The project is to transform the region into a new Afghanistan, the result of long term planning.»

On trouve d’autres développements de cette sorte, et si l’on se tourne vers la parole officielle où est confronté, par exemple mais exemple significatif, à cette parole stratégique et prometteuse de Fabius : «Terrorism is an absolute evil…». Il faut également rappeler que ce tourbillon (cette bouillie pour les chats) d’interprétations dans tous les sens exista pour l’Irak, pour l’Afghanistan, pour la Libye en son temps, pour l’Iran par tous les temps, pour l’Égypte, pour la Syrie, et ainsi de suite… Nous nous heurtons à cette sorte de phénomène depuis désormais de nombreuses années, d’une façon symbolique depuis l’attaque du 11 septembre 2001 (quoiqu’on trouve déjà des signes annonciateurs de la chose durant la guerre de l’ex-Yougoslavie, jusqu’à la guerre du Kosovo). Donc, si les théories semblent à chaque occasion se présenter sous l’air pimpant de la nouveauté, la situation générale est, elle, absolument similaire. On y retrouve, avec chaque occasion et en constante aggravation, un tourbillon chaotique de toutes les sortes de théories aussi bien de très grande “stratégie” machiavélique et à si long terme (cela satisfait certains) qu’absolument contradictoires entre elles, et toutes portant la marque d’une extrême vision à long terme caractérisant une pensée quasiment visionnaire et un caractère d’acier, notamment dans le chef de dirigeants politiques caractérisés par ailleurs par la pauvreté extrême de leur pensée et la mollesse considérable (type “colonne vertébrale d’un éclair au chocolat”) de leur caractère.

Nous avions déjà abordé ce problème dans le numéro d’octobre 2011 de dde.crisis, dont nous avions fait une synthèse pour notre site, le 21 octobre 2011. Nous avions choisi comme thème la question de déterminer l’attitude (l’engagement ou pas, etc.) que devait adopter, face aux événements, l’“Honnête homme”, selon l’expression forgée au XVIIème siècle, – dito, que doit faire l’“Honnête homme du XXIème siècle”, c’est-à-dire l’“Honnête homme” face au Système ? Nous allons citer deux passages qui nous permettront de régler cette question du “parti-pris” et de montrer comment et pourquoi nous ne sommes pas “partie prenante”.

• Le premier passage était présenté sous l’intertitre de «La nécessité du “non-parti pris”»… Il s’agit bien de la description de l’attitude que nous avons esquissée ci-dessus, et cette même attitude que nous observons en général par rapport au fond des querelles, des expéditions, des attaques, etc., qui foisonnent dans notre époque.

«La première nécessité pour l’“Honnête homme” est de “refuser de prendre parti”, ce que nous nommons le “non-parti pris”, dans les diverses querelles et polémiques internes du Système, pour ne pas se trouver dans l’obligation de cautionner au moins les références du Système, – c’est-à-dire, selon, l’inexorable enchaînement qu’impose la logique emprisonnée de la raison subvertie par le Système, le Système lui-même au bout du compte.

»Cette volonté de “non-parti pris” est le contraire d’une absence de choix, puisque “prendre parti” dans des querelles à l’intérieur du Système, c’est, à un moment ou l’autre, accepter les références du Système et, par conséquent, choisir le Système. Le pire des choix possibles.

«“[Cette idée] s’énoncerait précisément de cette façon : “l’Honnête homme doit résolument proclamer qu’il choisit le ‘non-parti pris’”. Disant cela, il est amené à préciser évidemment que le “parti pris” dont nous parlons représente évidemment des choix, des engagements, etc., dans des matières terrestres, des polémiques, des politiques, etc. Son choix de “non-parti pris” n’est pas un choix par défaut, un choix par absence de choix si l’on veut, mais parfaitement le contraire. Il s’agit d’un acte volontaire, puissant, difficile à réaliser, qui demande à la fois une lucidité extrême et une audace constante, qui sont celles de ne pas craindre les risques, autant celui de ne pas être compris que celui d’être calomnié, que celui d’être dénoncé, que celui de se retrouver, dans certaines circonstances, plongé dans une indifférence hostile, voire même dans une solitude marquée par une hostilité impitoyable.”»

• Le second passage cité, «L’“activisme désengagé”», est en quelque sorte la réponse au “pourquoi” de l’attitude décrite précédemment dans son “opérationnalité”, dans son “comment”. Ce passage explique pourquoi, par exemple, nous critiquons constamment, lorsque nous parlons de la crise syrienne, les actes et les initiatives du Système que nous jugeons significatives et fondamentales, sans pour cela jamais soutenir le régime Assad d’une façon spécifique. Là aussi, l’engagement antiSystème est total, l’engagement dans la crise syrienne n’est qu’un moyen de cet engagement antiSystème et ne nous engage en rien à quoi que ce soit d’autre où nous gaspillerions inutilement nos forces et nous trouverions embrigadés au nom de jugements qui seraient nécessairement illusoires au bout du compte. Il s’agit de faire le choix fondamental qui est de déterminer l’“ennemi principal” (et même “l’‘ennemi fondamental’, sinon l’‘ennemi exclusif’”), et de concentrer absolument toutes ses forces contre lui.

«Nous passons ensuite à la description de ce que nous considérons comme le fondement de l’attitude et de l’“engagement” paradoxal de ce que nous nommons l’“Honnête homme”, ou l’homme antiSystème. C’est là que nous détaillons le comportement, parfois paradoxal, que nous recommandons. Nous nommons cela “activisme désengagé”, qui mélange paradoxalement un activisme extrême et ce désengagement que nous prônons par rapport aux conflits divers qui se déroulent dans le cadre du Système, également par rapport à certaines batailles contre le Système.

»Les années 2007-2008 ont suscité ce changement fondamental. L’“ennemi principal” jusqu’alors, le système de l’américanisme, a laissé place à l’ennemi fondamental ”, sinon l’“ennemi exclusif”.

»“Notre préoccupation centrale est évidemment passée au niveau beaucoup plus général du Système. D’autre part, la dégradation, l’effondrement accélérés du système de l’américanisme, qui accompagnent le même destin du Système dans ce sens, tendent à homogénéiser la situation, et à moins distinguer les USA du reste ; c’est pourquoi, comme nous l’avons déjà dit, nous parlons du “bloc BAO“ (“bloc américaniste-occidentaliste”), qui représente ce qu’on nomme en général l’Ouest, les USA et l’Europe occidentale en gros, – qui représente bien entendu le domaine central du Système lui-même. “Notre préoccupation centrale est, évidemment,” complètement “passée au niveau beaucoup plus général du Système.

»“Nous voulons signifier par ces divers exemples que les divers engagements que nous jugions si importants et si pressants, voire essentiels, lors des années 2001-2007, sont devenus complètement accessoires, et cela avec une brutalité qui témoigne de la contraction du temps, – et cela par rapport au seul engagement désormais possible, – par rapport au Système, contre le Système. Il est évident que cette posture comprend bien entendu un jugement général sur le bloc BAO, un jugement spécifique sur chaque pays du bloc BAO, un jugement spécifique sur le système de l’américanisme, etc. Mais l’on comprend bien que le militantisme contre ces divers composants du bloc BAO, la mise en procès de l’américanisme, la poursuite acharnée de certaines occurrences polémiques (par exemple, les montages ou pas autour de 9/11), ne présentent aucun intérêt pour notre propos ; bien au contraire, ils ménagent des risques de déviation, voire d’inversion. Dans ces divers cas spécifiques qui ont agité les années 2001-2007, ne doivent plus nous intéresser que des points bien précis qui permettent d’alimenter l’entreprise que nous suivons à l’encontre du Système.”

»Pour certains, cela signifie dans certains cas une abstention qu’ils jugeraient condamnable. Nous ne partageons bien entendu pas ce jugement, parce que nous avons choisi la vision générale de la crise de la Chute, qui ne distingue plus telle ou telle partie du Système comme partie déterminante du Système à un point où il faudrait concentrer ses attaques contre elle. Désormais, la cible est générale ; c’est le Système, et cela nécessite une lucidité dans les choix, avec des abstentions dans certains cas… (Et cela amène à des attaques beaucoup plus violentes et efficaces dans d’autres cas, quand la cible est bien identifiée comme le Système ; à cet égard, nos écrits sur le site ‘dedefensa.org’ en portent témoignage.) “C’est effectivement le paradoxe complet de ce que nous désignons comme ‘l’activisme extrémisme’ du refus d’engagement, du refus du choix. L’apparente abstention est en vérité la manière la plus active, la plus roborative, la plus héroïque en vérité, de se plonger dans les affaires de ce monde plongé lui-même dans les flammes grondantes de sa Chute.”»

La conclusion que nous tirons de ces rappels appliqués à la situation présente, et de notre point de vue tout à fait opportunément, c’est de définir une attitude qui permette de tenir le chaos à distance. Ce chaos n’est pas une stratégie à long terme du Système, ou une ruse organisé du Mal dont le Système est la représentation opérationnelle, mais bien entendu, – parce que le Système est chaos lui-même et entropisation, – le résultat final et inéluctable de l’évolution du Système passé d’une évolution séquentielle surpuissance-autodestruction à une dynamique intégrant les deux séquence surpuissance-autodestruction en une seule, avec l’autodestruction comme nécessaire issue. Si l’on ne décide pas de s’imposer une distance qui est celle du “non-parti pris” ou de l’“activisme désengagé”, comme vu plus haut, c’est toute notre psychologie qui est en danger d’être totalement infecté par ce chaos, et de sombrer en conséquence… Dans le même dde.crisis (nous y restons, mais nous avons souvent abordé le thème à d’autres occasions, bien entendu, car il est universel dans nos conceptions), un autre passage a pour thème «Il s’agit d’éviter la folie»… Avec ces remarques, également extraites du même propos :

«… Nous rejoignons alors les propositions que nous avons envisagées plus haut de la nécessité de choisir le “non-parti pris”, c’est-à-dire de refuser un engagement, un choix techniquement contraignant qui conduit à accepter d’être enfermé dans un débat technique qui vous emprisonne dans le Système, en vous faisant accepter les règles du Système. C’est à ce point qu’effectivement l’on découvre combien l’équilibre de la psychologie lui-même est menacé, combien la fatigue frappe la psychologie, combien cet état peut amoindrir la stature psychologique jusqu’à des comportements qui sembleraient répondre à des états proches de la folie.»

Nous ne considérons en rien que toutes ces attitudes soient du type “au-dessus de la mêlée” selon l’entendement classique de l’expression (Romain Rolland par rapport à la Grande Guerre), qui est d’ailleurs à notre sens utopique et déplacé, mais l’exact contraire en effet (“au cœur de la mêlée”), puisque le but est d’éviter la dispersion de toutes ses forces pour les rassembler contre l’“ennemi exclusif”, le seul qui vaille la peine de l’affrontement, – le Système, certes, opérationnalisation du Mal. Nous pouvons ainsi d’autant mieux pénétrer, en ignorant les arguments et spéculations cloisonnées des diverses folies du monde dévoré par le Système, dans ce que l’affrontement titanesque qui se livre a de fondamental. Nous employons le mot “héroïsme” pour décrire cette attitude, parce qu’il en faut pour refuser les diverses fascinations du chaos du Système, pour décider d’embrasser la situation générale telle qu’elle est réellement. Dans l’expression “activisme désengagé”, c’est le nom qui compte, l’adjectif ne faisant que décrire une circonstance tactique (“désengagement” de l’accessoire) ; il n’empêche que si cette prescription tactique n’est pas respectée, c’est le naufrage de la psychologie et l’infection générale de la raison (la raisons subvertie) qui nous guettent.