Défaite-victoire dans l'Iowa

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Il nous semble parfois que la plus grande difficulté dans notre travail est d’être lu exactement pour ce que nous écrivons. Quelques commentaires de lecteurs, sur l’impossibilité de Ron Paul d’être élu, ou sur le fait que nous “rêvons” en croyant cette victoire possible, nous procurent quelques préoccupations amicales à cet égard. Nous l’avons écrit déjà dix fois, vingt fois, le destin de Ron Paul et sa victoire possible (absolument : possible, et peut-être plus aujourd’hui que jamais) ne nous intéressent pas en tant que tels. (Cela , quelle que soit l’estime que nous portons à Ron Paul en tant qu’homme et homme politique, estime réelle sans le moindre doute d'après ce que nous savons de lui.) Au contraire, si nous avions un “bon Docteur Paul” sacré 45ème président des USA en janvier 2013 et rétablissant les USA dans leur forme actuelle en quatre ans, même avec les apports révolutionnaires de Paul accomplis au moins en partie, nous serions non seulement médiocrement satisfaits, mais, plus encore, quelque peu soupçonneux et inquiets de ce que nous ne serions pas loin de considérer comme une erreur de jugement monumentale de notre part (sur les effets du destin politique national de Ron Paul)…

Nous l’écrivions encore, après tant d’autres fois, à propos de ce qui nous intéresse avec Ron Paul, – le 21 décembre 2011 : «Notre conclusion est donc, plus que jamais, au-delà de la possibilité d’une campagne triomphale de Ron Paul, qu’avec les USA en campagne présidentielle, nous sommes devant l’inconnue centrale de 2012, qui est aussi l’inconnue de la Chute finale du Système. Là encore, redisons que l’essentiel est bien le désordre que Ron Paul a réussi à provoquer, encore bien plus que son propre destin politique et son programme révolutionnaire pour le Système (c’est-à-dire contre le Système).» Nous écrivions également, le 26 décembre 2011, que ce que nous attendions le plus du destin de Ron Paul est qu’il alimente, renforce et creuse un courant “sécessionniste” qui aboutirait au fractionnement des USA, clef de l’effondrement du Système: «On peut alors attendre que ce mouvement populaire et populiste représenté par Ron Paul, devant les attaques contre Paul des partisans d’un “gouvernement central fort”, et attaques substantivées par l’accusation de “sécessionniste“, pourrait commencer lui-même à acquérir un état d’esprit “sécessionniste” comme seule voie pour résoudre la crise centrale de l’américanisme. Cela serait facilité, par exemple, si Ron Paul décidait d’abandonner la course à l’investiture du parti républicain pour se lancer comme candidat indépendant…»

Nous avions encore précisé notre position dans un passage de notre texte du 3 janvier 2012. Puis nous avons décidé de retirer ce passage car il nous semblait trop sortir du thème général de l’article, et en briser le rythme. Il s’agissait de donner un exemple de la difficulté de faire des choix politiques tactiques, difficulté paradoxale à première vue, puisque nous présentions la situation métahistorique (avec son jugement induit de la situation stratégique de la politique) comme fondamentalement clarifiée par l’enjeu actuellement discernable selon notre perception («[U]n Moment privilégié de cette métahistoire, un Moment d’une clarté remarquable et éclatante dans ses enjeux et ses perspectives»). Nous prions nos lecteurs de nous croire : ce passage fut donc écrit avant les résultats de l’Iowa, et nous le retirâmes en nous promettant de le restituer après les résultats. Le voici, mis entre guillemets, comme s’il s’agissait d’une citation…

«Du point de vue de l’“opérationnalité” de la chose, c’est-à-dire du jugement des évènements courants qu’implique une telle position, une vision extrêmement claire et tranchante est requise, pour comprendre toutes les implications de ces évènements courants par rapport au but central. Il s’agit de considérer une situation tactique à plusieurs niveaux, où le mieux n’est pas toujours un bien ; de ce point de vue, la complexité tactique répond à la clarté stratégique. Il s’agit d’une situation où le but central doit être la destruction du Système ; des développements qui nous paraissent évidemment favorables, ne le sont pas toujours. L’exemple de Ron Paul est théoriquement éclairant. Du point de vue de la chronique courante, on ne peut que souhaiter qu’il parvienne, par un moyen ou l’autre, à une victoire électorale qui serait un événement à la fois extraordinaire et absolument improbable, qu’il puisse appliquer son programme, qu’il puisse “réussir” (on ne considère pas ici la question sous l’angle réaliste, mais bien sous l’angle théorique des complexités tactiques). Pourtant, la meilleure issue, celle qui alimenterait le plus le désordre souhaitable pour les USA, moteur du Système, serait un Ron Paul barré par le parti républicain, choisissant une candidature indépendante et parvenant en seconde position derrière Obama, assez proche de celui-ci (par exemple, 38% pour Obama, 36% pour Paul, 26% pour le républicain). La situation serait idéale pour le désordre: BHO délégitimé, le GOP pulvérisé, Paul au niveau présidentiel mais sans aucune représentation (lui-même pas réélu comme député puisqu’il met un terme à sa carrière), – la situation ouverte pour une déstabilisation explosive.»

Cela écrit, quelques mots sur l’Iowa, dont les résultats sont connus, avec les commentaires cotonneux et aussi instructifs que du sable coulant entre les mains de notre grande presse-Système triomphante. Bien entendu, le Caucus a été truqué, d’autant plus aisément qu’il ne s’agit pas d’une élection (même primaire) mais d’une sorte de straw poll officiel dont les deux ailes (démocrate, républicain) du “parti unique” ont le secret. Des dispositions ont été prises pour barrer des électeurs potentiels de Paul (républicains et non-républicains) ou pour inciter certains groupes de représentants républicains à ne pas voter Paul. (Nombre de commentaires chez les “paulistes”, avec des détails, ne laissent pas de doute.) Les résultats donnent les trois premiers (Romney 25%, Santorum 25%, Paul 21%) bien devant les autres, comme le fameux “top tier” des candidats bien placés dans la course.

Un article détaillé favorable à Paul, de Greg Buls, sur Infowars, ce 4 janvier 2012, résume bien la situation tactique. En un mot (plusieurs, en fait, nous sommes bavards) : tous les candidats sauf Paul sont flottants (quand on songe à Santorum, sorti d’un obscur moins de 10% il y a un petit mois), seul Paul a un électorat solide, fidèle, enthousiaste et activiste, et en constante augmentation ; Paul n’a pas pu avoir l’appui extérieur (démocrates, indépendants) qu’il aurait du avoir, à cause des restrictions, qui ne seront plus possibles lors des vraies primaires ; l’électorat de Paul est de plus en plus fixé sur lui seul et ne voit plus aucune alternative hors de Paul, ce qui n’est le cas d’aucun autre candidat (pour lesquels beaucoup de leurs électeurs peuvent voir, eux, une alternative en Ron Paul) ; enfin, Paul a désormais une notoriété nationale et médiatique considérable, qui va diffuser ses idées, alors qu'il n'est plus précisément l'homme à abattre dans les batailles de chiffonniers entre candidats puisqu'il n'est pas premier dans l'Iowa.

L’article de Buls est titré : «Iowa Outcome Ideal for Ron Paul». Voici ses trois lignes argumentaires principales :

«The Iowa results boost Paul’s chances for long-term success for a number of reasons.

»• A lot of the negative attention that was aimed at Paul will now be focused on Santorum. The media may give Arlen Specter’s most important political ally a break, for now, but his opponents won’t. To the media, Santorum is a perfect GOP candidate – one they can easily trash when the time comes. His current appeal is a mile wide and a millimeter deep; there’s nothing of substance driving it – no scheme like Cain’s ’9-9-9 plan’, no great legislative achievements, nothing aside from the perception that he’d be ‘tough on terror’, that he speaks in earnest, and that he’s not Gingrich or Romney. As long as Santorum is in it, Romney and Gingrich will remain in, they likely think that Santorum’s chances to actually secure the nomination are nil.

»• Romney’s finish makes any ‘inevitability’ talk look ridiculous. He seems to have a ceiling of 25%-30% of GOP primary voters, with no noticeable crossover enthusiasm from democrats, and little appeal to independents. The undecided voters will continue to ping-pong between the other candidates, with some sticking to Paul with each bounce. It seems that no matter what Romney says, does, or spends, he can’t gain any broader traction. He isn’t trusted by most republicans, for far better reasons than the GOP establishment posits for opposing Paul. There’s little prospect that Romney can change that fact, but he’s still going to grind it out.

»• There isn’t much the GOP establishment can do to derail Paul going forward. Ballot registration deadlines are passing, and the look of a real race means the appearance of a new entry (from a bench that is shallow and all-establishment) is less likely. The GOP has shown an interest in gaming the convention, but they have already deeply alienated many of Paul’s supporters, who will easily constitute the difference in the next election, whether Paul is on the ballot or not. The more the GOP does that seems designed to deny him a fair chance at the nomination, the more people they will alienate. The damage may already be done; it’s hard to find any Paul supporters who show any enthusiasm for any other candidates. They know that this actually isn’t just like every other election, a choice between two evils. Our country is in the grip of something awful which transcends Obama, and we’re approaching the event horizon. For millions there is one way out and one captain, everything else is a distraction from reality.»


Mis en ligne le 4 janvier 2012 à 17H34