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1936La démocratie est pour nous ce qu’il y a de plus beau, de plus pur, de meilleur ; surtout la démocratie athénienne, qui pour Thucydide ne passe pas pour un régime de paix, mais d’oppression thalassocratique (Thucydide est d’ailleurs ciblé par le pion Popper).
Démosthène passe pour « l’orateur de la démocratie athénienne ». Car il est à la fois l’homme du merveilleux démocratique et de la décadence démocratique.
Mais pour Démosthène la démocratie est aussi ce qu’il a de plus décadent, de plus lâche, de plus déclinant. Alors pourquoi la défendre, alors qu’elle abaisse le citoyen et que devant elle s’élève un bel invincible empire qui permettra grâce à Philippe et Alexandre à la civilisation hellénique de se répandre aux quatre coins de l’Asie ?
Tout de même, il arrive à Démosthène d’être étonnamment moderne, je dirais même contemporain. Qu’on en juge de ces lignes que j’ai dénichées dans les fameuses Philippiques.
Sur la lâcheté commune et l’indifférence de tout le troupeau :
« De toutes les fautes nombreuses et depuis longtemps accumulées qui ont rendu notre situation mauvaise, la plus funeste, la plus embarrassante aujourd'hui, c'est votre aversion pour les affaires. Vous y consacrez les courts moments où, assis en ce lieu, vous écoutez les nouvelles; après quoi, chacun se retire sans y réfléchir, sans même en garder la mémoire ».
Sans même en regarder mémoire ! Pire que la télé !
Sur le fait que l’opinion suit mais ne précède pas le danger :
« Remontons à la source du mal, et indiquons le remède. Chez vous, ô Athéniens! Jamais de promptes dispositions, jamais de préparatifs réguliers : vous vous traînez toujours derrière quelque événement; venus après coup, vous abandonnez l'œuvre : autre événement, autres mesures prises en tumulte. »
Démosthène nous prévient contre la paresse – la lâcheté - démocratique :
« Certains politiques vous ont persuadé qu'être à la tête des Hellènes, entretenir une armée prête à secourir tous les opprimés, était une dépense inutile et superflue, et que vivre dans le repos, ne s'acquitter d'aucun devoir, tout abandonner successivement, laisser le champ libre aux usurpateurs, était un merveilleux bonheur, une parfaite quiétude. »
Ben ouais, et après ?
Ensuite il déclare que les Athéniens n’ont plus la volonté de se défendre.
« Il régnait alors, ô Athéniens! Il régnait dans le cœur de tous les peuples un sentiment éteint aujourd'hui, sentiment qui triompha de l'or des Perses, maintint la Grèce libre, demeura invincible sur terre et sur mer, mais dont la perte a tout ruiné, et bouleversé la patrie de fond en comble. Quel était-il, ce sentiment? Etait-ce le résultat d'une politique raffinée? Non : c'était une haine universelle contre les perfides payés par ceux qui voulaient asservir la Grèce ou seulement la corrompre. »
Ce sentiment éteint, une haine universelle ! Démosthène dénonce ensuite dans sa Réforme publique la corruption, les trafics et même le fait que l’on ait donné droit de cité aux esclaves et à leurs enfants !
« Aujourd'hui, Athéniens, vous le vendez, comme vile denrée, à des misérables; vous faites citoyens des esclaves fils d'esclaves! »
Plus intéressant, et pour conclure, cette observation sur la décadence par le théâtre et les spectacles qui annoncent le cirque romain et notre civilisation de l’idiot visuel. Elle est de Poirson, traducteur et encyclopédiste du siècle passé (lisez Remacle.org) :
« Après la mort d’Épaminondas, dit Justin en conservant sans doute une pensée de Théopompe, les Athéniens n'employèrent plus, comme autrefois, les revenus de l'État à l'équipement des flottes et à l'entretien des armées : ils les dissipèrent en fêtes et en jeux publics ; et, préférant un théâtre à un camp, un faiseur de vers à un général, ils se mêlèrent sur la scène aux poètes et aux acteurs célèbres. Le trésor public, destiné naguère aux troupes de terre et de mer, fut partagé à la populace qui remplissait la ville. Cet usage, fruit pernicieux de la politique de Périclès, avait donc introduit dans une petite république une profusion qui, proportion gardée, ne le cédait pas au faste des cours les plus somptueuses. »
La décadence par le spectacle. Mieux que Debord ! Tacite aussi en parle (Annales, I, 16).
Périclès, entre sa guerre du Péloponnèse, sa ligue pillarde de Délos, sa civilisation des loisirs avant l’heure ou sa démocratie rétribuée, apparaît comme un des hommes les plus sinistres de l’histoire du monde. Et ce n’est pas le Parthénon d’Obama qui me contredira.
« Les Athéniens étaient très paresseux. Car outre les trois oboles qu'il prend pour son droit de présence aux assemblées et aux tribunaux, le peuple s'alloue un salaire pour assister au théâtre, et se fait payer pour s'amuser ; de plus, il reçoit de ses flatteurs des pensions sur le trésor public, comme les courtisans en obtenaient de Louis XV et de ses ministres : en sorte que cette démocratie présente tous les abus d'une monarchie dans le temps de son plus grand désordre. »
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