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6116Les USA sont en train de devenir un immense champ de carnage social pour toute la population dite “laborieuse”, – qualificatif tragiquement ironique en la circonstance. Symboliquement, on pourrait dire que cette population est traitée par le social-darwinisme de l’américanisme à peu près comme le furent les bisons et les Indiens au XIXème siècle : la graduation entre l’animal, le “sauvage” (parce que non-Américain) et le citoyen américain marque l’évolution du capitalisme dans sa version turbo, américaniste, – ou comment le capitalisme a mis bas le masque pour nous montrer son vrai visage, au contraire de ce qu’il nous recommande de faire pour la lutte contre Covid19. Bien entendu, tout s’apprécie désormais, directement et sans la moindre nuance, par rapport à la Grande Dépression, cette terrible crise ontologique bien au-delà de la situation économico-sociale des États-Unis d’Amérique, et qui a duré quasiment toute la décennie des années 1930.
Dans le texte ci-dessous, il est fait allusion au président Hoover, qui mena l’Amérique lors de la Grande Dépression, jusqu’à l’élection de FDR en novembre 1932, et plus précisément sa prise de fonction en mars 1933. (« Leurs propositions[des dirigeants US actuels] en réponse à cette crise font apparaître les États-Unis de l’époque d’Herbert Hoover, comme quasiment philanthropiques. ») En fait, l’administration Trump, avec le Congrès à ses côtés dans cette occurrence, a la posture qu’aurait eu une administration Hoover si elle avait eu comme président le secrétaire au trésor Andrew Mellon, resté fameux pour sa réponse faite à Hoover qui s’inquiétait de la montée d’un colossal chômage : « Ce chômage est une excellente façon de purger l’économie américaine de ses tire-au-flanc et de ses profiteurs. » Mellon était l’une des plus grosses fortunes de son époque, ce qui le met dans la catégorie des super-riches, à laquelle Trump lui-même appartient.
Effectivement, l’Amérique-2020 rejoint à grande vitesse les moments les plus effrayants de l’Amérique-1932-33. (Dans certains cas, elle la dépasse même : Il y a 27% de chômage à San Diego, ce qui dépasse le “record” de la Grande Dépression.) La différence, bien entendu, c’est que ce niveau de 2020 a été atteint en deux mois, alors qu’il mit deux ans à atteindre ce pic lors de la Grande Dépression (avant de décroître en 1933 et de remonter à nouveau en 1937). Qui plus est, c’est, par rapport à la Grande Dépression, de moins en moins une situation statistique et de plus en plus une situation sociale réelle, dans la mesure où le chômage est de plus en plus provoqué par des licenciements massifs et de moins en moins par des impossibilités sanitaires dues à Covid19.
La grande différence entre le Trump de 2020 et le Mellon (Hoover) de1932, c’est que Trump joue la partie en pseudo-populiste, un peu comme s’il était un FDR qu’il n’est évidemment en aucune façon. Le moyen de ce simulacre, pour Trump qui n’a en vue qu’une seule chose, – sa réélection, – c’est d’en appeler à la rue, comme il le fait actuellement en soutenant des mouvements de rue pour la reprise du travail, contre le confinement-Codiv19 et contre les pouvoirs des États (les gouverneurs). Ce faisant et largement à la différence de la Grande Dépression pour ce qui est dans tous les cas de la rapidité et de la chronologie des événements, il déchaîne des forces dont il ignore quelle voie elles prendront (émeutes populaires, dévolution-sécession, etc.) dans la durée de cette situation catastrophique qui ne cesse de peser sur elles.
On voit de plus en plus combien la situation américaniste est complètement différente de celle qu’on connaît en Europe. Aux USA, le pouvoir politique, le capitalisme des super-riches, c’est-à-dire le Système, se trouvent dans le même camp, à visage découvert et tenu ferme par les mêmes liens des intérêts existentiels, menant sans le moindre souci de simulacre pour cette fois, une politique d’extermination sociale et d’entropisation psychologique. En Europe, même dans l’économie dévastée qu’on lui connaît, les situations sont beaucoup plus nuancées, et les forces en présence beaucoup plus mobiles, de capacités différentes et selon des choix et des proximités souvent très différentes. Le capitalisme n’y a pas une place ontologique fondamentale, sinon exclusive. Des courants et des forces relevant de la tradition historique, – inconnue aux USA, pays antihistorique par excellence, – y tiennent une place importante.
... Bien entendu, entre ces deux situations celle qui compte pour le destin de notre Système à tous, c’est celle des USA. C’est là que trône le Système, sans aucune force institutionnalisée sérieuse pour le contester. C’est aux USA que s’écrit le destin de cette crise, du Codiv19 à la GCES, comme celui du Système par conséquent.
Il faut alors constater qu’entraîné par une démence prédatrice et autodestructrice, dissimulée sous les lieux communs de la cupidité et de l’appât du gain, cette démence qu’on avait vu affleurer pendant la Grande Dépression suivant les Roaring Twenties, le capitalisme américaniste qui est le moteur de notre contre-civilisation signe sans rien dissimuler son arrêt de mort parce qu’il se dépouille absolument de tous les oripeaux moraux et bienpensants qui le rendent non seulement supportable mais indispensable dans la narrative de la communication. S’il agit ainsi, effectivement, c’est également sous la poussée de cette même démence, mais dans l’occurrence où elle génère une panique suscitée par les effets de l’effondrement du Système dont ce capitalisme américaniste est la créature inconditionnelle en même temps que le bras armé et la courroie de transmission. Il est vrai, en matière d’“effondrement du Système”, que l’Amérique telle que frappée par Covid19 se trouvait dans un état de chaos politique et psychologique, de déséquilibre social et de désordre sociétal qui la rendait d’une vulnérabilité extrême. (Le 25 avril 2020, du Dr. Leon Tressel dans SouthFront.org : « L’économie mondiale [des USA] à la fin de 2019 était au bord du gouffre et n’avait besoin que d’un catalyseur ou d’une épingle pour faire éclater la “bulle de tout ce qui bouge”... »)
Voici donc les faits les plus récents pour caractériser cette situation de “massacre à la tronçonneuse” et de “champ de carnage social”. Il n’y a pas de meilleure source synthétiques à cet égard que le texte mis en ligne ce 9 mai 2020 par le site WSWS.org suite à un rapport officiel de la bureaucratie fédérale diffusé hier et décrivant la situation économique et sociale aux USA. Ce texte est signé du candidat trotskiste à la présidence des USA, Joseph Kishore, et il représente par conséquent, en toute solennité, l’argumentaire de l’opposition la plus à gauche aux USA, qui est l’opposition la plus intéressante et la plus antiSystème dans cette circonstance, au niveau de la critique, parce qu’internationaliste comme sont les trotskistes.
(Nous ne considérons nullement l’internationalisme comme une vertu en soi, il s’en faut de beaucoup, et surtout nous ne le considérons en aucun cas comme un principe absolu d’une grande politique. Il s’agit pour nous d’un éventuel moyen dialectique, et notamment d’un moyen de se faire un jugement le plus juste possible pour certains cas précis. Celui-ci en est un parce que la vision internationaliste délivre la critique de tout lien avec l’américanisme totalement plongé dans l’idéologie conçue comme une foi religieuse du capitalisme. Dans cette occasion précise, ce ne peut être le cas de la droite antiSystème US, qu’elle soit nationaliste, patriotique ou libertarienne, parce que cette tendance reste comptable dans une certaine mesure qui n’est pas négligeable de certaines illusions et de simulacres fondamentaux de l’américanisme des origines.)
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Hier, le ministère américain du travail a publié son rapport sur le chômage d'avril, révélant un niveau de chômage sans précédent historique. Le même jour, le marché boursier a fortement augmenté, l'indice Dow Jones des valeurs industrielles terminant avec une augmentation de 450 points, soit près de deux pour cent. Wall Street continue non seulement à festoyer sur la mort, alors que le nombre de victimes du coronavirus ne cesse d'augmenter, mais aussi à profiter de la misère sociale de masse que la pandémie a engendrée.
Le rapport du ministère du travail a enregistré une baisse de l'emploi de 20,5 millions de personnes. Non seulement il s'agit de l'effondrement mensuel le plus important de l'histoire, mais il dépasse le record précédent de plus de dix fois. Le taux de chômage officiel est passé de moins de 4% à 14,7%, ce qui est bien supérieur à tout ce qui a été observé depuis la Grande Dépression des années 1930.
Aussi mauvais que soient ces chiffres, ils sous-estiment considérablement l'ampleur de la dislocation sociale. Le rapport d'avril est basé sur des estimations calculées au milieu du mois dernier, il ne tient donc pas compte des millions de personnes qui ont perdu leur emploi au cours des trois dernières semaines. Quelque 33,5 millions de personnes ont déposé des demandes de chômage depuis le début des fermetures des États et du gouvernement fédéral il y a sept semaines.
De plus, selon le rapport, 6,4 millions de travailleurs supplémentaires ont entièrement quitté la population active et ne sont pas comptés comme chômeurs, ce qui porte le taux d'activité à son niveau le plus bas depuis 1973. En outre, 11 millions de travailleurs ont déclaré travailler à temps partiel parce qu'ils ne pouvaient pas trouver de travail à temps plein, soit une augmentation de 7 millions de personnes depuis avant la pandémie.
Si l'on tient compte de tous les facteurs, un tiers de la population active est sans emploi.
Le chômage de masse touche presque tous les secteurs de la classe ouvrière. L'emploi dans le secteur des loisirs et de l'hôtellerie a été le plus touché, avec une baisse de près de 50 %, soit 7,7 millions de personnes. Il y a eu 2,1 millions de pertes d'emploi dans les services commerciaux et professionnels, 2,1 millions dans le commerce de détail, 1,3 million dans le secteur manufacturier et 1 million dans la construction.
Fait stupéfiant dans un contexte de pandémie croissante, 1,4 million d'emplois ont été supprimés dans le secteur de la santé. Et dans un contexte de cette colossale crise sociale, 650 000 emplois ont été supprimés dans le secteur de l'aide sociale.
Le rapport note, en outre, que le chômage de masse a eu des répercussions sur les travailleurs de toutes les races et de tous les sexes. Le taux de chômage des hommes adultes a grimpé à 13,0%, celui des femmes adultes à 15,5% et celui des adolescents à 31,9%. Le taux était de 14,2% pour les blancs, 16,7% pour les noirs, 14,5% pour les asiatiques et 18,9% pour les hispaniques.
Alors qu'un grand nombre de suppressions d'emplois sont classées comme “temporaires”, une proportion croissante est permanente puisque les entreprises ont commencé à procéder à des licenciements massifs. Il y a eu deux millions de pertes d’emplois permanents en avril. Pris isolément, ce chiffre constituerait la plus forte augmentation du chômage dans l'histoire américaine de l'après-guerre.
Des dizaines de millions de travailleurs vivent au jour le jour et dépendent de leurs cartes de crédit et d'autres formes de dettes pour compenser la différence entre leurs revenus et leurs dépenses. La dette des ménages a augmenté de 1,1% au cours du trimestre qui s'est terminé le 31 mars, pour atteindre $14,3 milliards, un nouveau record. Ce chiffre ne tient pas compte de l’accumulation de dettes par des dizaines de millions de personnes alors que la crise économique s’est intensifiée en avril et en mai.
Sans épargne et sans aide gouvernementale, les travailleurs se tournent en nombre record vers les banques alimentaires, qui sont à court de produits de base. Un rapport du projet Hamilton publié en début de semaine a révélé que 41% des familles avec des enfants de moins de 12 ans connaissent l'insécurité alimentaire, c’est-à-dire qu'elles n'ont pas les moyens de se nourrir suffisamment.
La classe dirigeante n’a aucune politique pour faire face à cette catastrophe sociale. Vendredi, l'administration Trump a déclaré que les emplois qui ont été détruits « reviendront et ils reviendront bientôt ». Il a été précisé que « nous ne sommes pas pressés » d'adopter un projet de loi qui apporterait une certaine aide. Le principal conseiller économique de l’administration, Larry Kudlow, a déclaré que les discussions sur de nouvelles mesures de « stimulation [se trouvent] au second plan des priorités en ce moment ».
Quant aux démocrates, tout en discourant abondamment à propos d’aides supplémentaires, ils marchandent sur des mesures mineures dont ils savent qu’elles ne seront jamais adoptées par le Congrès. Les deux partis font preuve d’une combinaison d’indifférence, de perplexité et de réaction passive face à la plus grande crise économique depuis la Grande Dépression. Leurs propositions en réponse à cette crise font apparaître les États-Unis de l’époque d’Herbert Hoover, comme quasiment philanthropiques.
La paupérisation sociale de masse est en fait une politique délibérée, soutenue par l'ensemble de l'establishment politique. Elle vise à créer les conditions dans lesquelles : 1) la classe dirigeante peut forcer le retour au travail alors même que la pandémie continue de se propager dans tous les États-Unis ; et 2) les travailleurs seront contraints d'accepter de fortes réductions des salaires et des avantages sociaux et une augmentation de l'exploitation pour payer les avantages massifs consentis aux super-riches.
Pour faire pression sur les travailleurs afin qu'ils mettent leur vie en danger en reprenant le travail, la majorité de la population est systématiquement privée de ressources. Six semaines après l’adoption de la loi CARES, – un énorme gâchis pour financer le Corporate Power adopté à l’unanimité par les démocrates et les républicains, – la majorité des citoyens américains n’ont pas reçu leur chèque de “relance” de $1 200.
Les États [de l’Union] font faillite et commencent à mettre en œuvre des mesures brutalesd’austérité. Un rapportde l’Institut de Politique Économique publié au début du mois a révélé que le nombre de chômeurs est supérieur de 50 % à celui des personnes qui ont pu demander des allocations de chômage, en raison de systèmes de demande surchargés et de restrictions onéreuses. Des millions de personnes qui ont demandé des allocations n'ont rien reçu.
Les quelque 11 millions d'immigrants sans papiers aux États-Unis sont exclus de toute prestation. Des millions de travailleurs dans l'économie du "gig", bien qu'ils soient supposés pouvoir prétendre à l'aide fédérale, se heurtent à des obstacles impossibles à surmonter pour l'obtenir. Dans l'État de l'Illinois, par exemple, ces travailleurs ne pourront commencer à faire des demandes que le 11 mai, et ils n'auront aucune possibilité d'obtenir de l'aide pendant plusieurs semaines par la suite.
Dans le même temps, la classe dirigeante a utilisé la pandémie pour organiser un transfert de milliers de $milliards vers les marchés financiers par l'intermédiaire de la Réserve fédérale. Le total des actifs inscrits au bilan de la banque centrale américaine est passé cette semaine à plus de §6700 milliards, contre moins de $4000 milliards avant le déclenchement de la pandémie. Chaque jour, la Fed dépense $80 milliards pour racheter des actifs aux banques et aux entreprises afin d'alimenter la hausse du marché.
L'enrichissement de l'oligarchie par la hausse de la valeur des actions est fondé sur un appauvrissement massif et une intensification de l'exploitation de la classe ouvrière. Les profits et la richesse de l'élite financière des entreprises ont été sauvés aux dépens de la société.
Deux programmes s’opposent l'un à l’autre. L’un est la défense de l’oligarchie financière, ce qui signifie à la fois une expansion de la pandémie, avec toutes les conséquences horribles que cela entraînera, et une nouvelle paupérisation de la population. L’autre agenda est celui de la classe ouvrière, qui veut combattre la pandémie, sauver des vies et défendre les intérêts de la grande majorité de la population.
La lutte contre la pandémie n’est pas seulement une question médicale. C’est une lutte politique pour mobiliser la classe ouvrière contre l'administration Trump, l’ensemble de l’establishment politique et le système capitaliste qu’elle défend.
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