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673Il y a quatre ans à un gros mois près, nous publiions un texte dans notre rubrique F&C, sous le titre «Les déraisons de leur sagesse extrême» (le 27 mai 2007). Le texte traitait de l’intention prêtée à certains, au Pentagone et en dehors du Pentagone, d’envisager l’équipement d’ICBM ou de SLBM stratégiques normalement équipés de têtes nucléaires, de têtes conventionnelles pour une utilisation contre des terroristes, – à 10.000/12.000 kilomètres de distance, le rêve pour une psychologie américaniste emprisonnée par le système du technologisme. L’affaire resurgit…
C’est Noah Shachtman, du site Danger Room, ce 23 avril 2010, qui sonne l’alarme à ce propos. Car le texte n’est pas tendre pour ce projet, bien que Danger Room ne se signale habituellement pas par son pacifisme ou son attitude anti-guerre.
«The Obama administration is poised to take up one of the more dangerous and hare-brained schemes of the Rumsfeld-era Pentagon. The New York Times is reporting that the Defense Department is once again looking to equip intercontinental ballistic missiles with conventional warheads. The missiles could then, in theory, destroy fleeing targets a half a world away — a no-notice “bolt from the blue,” striking in a matter of hours. There’s just one teeny-tiny problem: the launches could very well start World War III.
»Over and over again, the Bush administration tried to push the idea of these conventional ICBMs. Over and over again, Congress refused to provide the funds for it. The reason was pretty simple: those anti-terror missiles look and fly exactly like the nuclear missiles we’d launch at Russia or China, in the event of Armageddon. “For many minutes during their flight patterns, these missiles might appear to be headed towards targets in these nations,” a congressional study notes. That could have world-changing consequences. “The launch of such a missile,” then-Russian president Vladimir Putin said in a state of the nation address after the announcement of the Bush-era plan, “could provoke a full-scale counterattack using strategic nuclear forces.”
»The Pentagon mumbled all kinds of assurances that Beijing or Moscow would never, ever, never misinterpret one kind of ICBM for the other. But the core of their argument essentially came down to this: “Trust us, Vlad Putin! That ballistic missile we just launched in your direction isn’t nuclear. We swear!” […]
»The new “Prompt Global Strike” plan is a little different from the old one. It relies on land-based missiles, instead of sub-based ones. The idea is that these conventional missiles sites would be open to Russian inspection, and wouldn’t accidentally drop debris on a superpower.
»But Moscow doesn’t exactly seem soothed by this new plan. “World states will hardly accept a situation in which nuclear weapons disappear, but weapons that are no less destabilizing emerge in the hands of certain members of the international community,” Russian foreign minister Sergei Lavrov said earlier this month…»
@PAYANT Décidément nous ne sortons plus, – et avec toujours plus de raisons d'en faire grand usage, – de la thèse des dirigeants politiques, particulièrement américanistes, totalement prisonniers du système anthropotechnique caractérisé notamment par le système du technologisme. Toute leur psychologie semble totalement évoluer sous l’empire d’une dialectique d’une totale déraison, à l’intérieur de laquelle s’est installée la perception que c’est la raison qui contrôle l’évolution des choses.
On se trouve ici devant un cas singulier. Le président Obama est chargé, notamment depuis son étrange Prix Nobel de la Paix, de la vertu incontestable d’une volonté de dénucléarisation comme l’une des prescriptions fondamentales du rétablissement de la paix et de la stabilité du monde. Il y a une confusion grotesque, due à l’intoxication du système du technologisme, selon laquelle la paix et la stabilité sont fonction des moyens disponibles. Enlevez le nucléaire et vous aurez ôté à la situation de danger et d’instabilité son facteur essentiel. Il n’y a pas la réalisation que la paix et la stabilité dépendent d’abord, essentiellement, de la perception, des intentions, des politiques enfin, et nullement des moyens disponibles. Le système du technologisme est si avancé que toutes les mesures prises contre certains de ses moyens déclenchent aussitôt, quasiment par automatisme, des contre-mesures d’emploi et de modifications de système qui aggravent la situation qui semblait avoir été apaisée. La psychologie captive ne semble plus capable de comprendre que le système du technologisme ne peut être vaincu par des mesures technologiques, même d’apparent apaisement, mais par une attaque extérieure contre les principes et les moyens qui le caractérisent.
Dans le cas qui nous occupe, l’évidence est si grande qu’elle décourage l’argument. On croit supprimer le plus grand danger (le nucléaire) et l’on se sent plus libre d’utiliser le véhicule jusqu’alors porteur du nucléaire le plus destructeur, sous prétexte qu’on l’équipe d’un explosif conventionnel. Et l’on imagine que tous les pays potentiellement concernés par la possibilité d'une attaque nucléaire caractérisée par l'envol d'un tel véhicule vont accepter la chose comme un acte de foi, sans plus prendre la moindre précaution devant ce qui reste, non, qui est plus que jamais l’incertitude suprême de l’apocalypse nucléaire. (Et la seule précaution possible dans une situation d'aussi pressante urgence n'est rien de moins qu'une riposte nucléaire...) Comment une telle idée peut-être soutenue ?
Elle peut l’être à cause de la psychologie américaniste, totalement intoxiquée par le système, qui contient comme annexe intangible la croyance tout aussi intangible à la bonté innée de l’Amérique, l’affirmation incroyable au regard du désordre sanglant installé par l’Amérique, que ce pays ne peut être soupçonné, par ses vertus naturelles, d’avoir le moindre projet déstructurant, c'est-à-dire destructeur, prédateur, agressif. Rien ne pourra jamais débarrasser la psychologie américaniste de sa croyance totale, religieuse, incroyablement vaniteuse, dans son exceptionnalité, – rien, sinon la disparition de ce pays en tant que tel. Jamais, compte tenu des moyens du système du technologisme disponibles, jamais aucun danger n’a autant menacé le monde que cette certitude pathologique de la psychologie américaniste. Il semble malheureusement que le brillant Obama n’échappe pas à la règle.
Les quelques hommes qui proposaient en 2007 la solution reprise ici, – les deux anciens secrétaires à la défense Brown et Schlesinger, – étaient des hommes catalogués “Old Wise men” (vieux sages) et ils accouchaient d’une idée absolument folle selon des arguments qui semblent d’une sagesse extrême. La perversion de la psychologie américaniste est de barbouiller les folies sans nombre de cette psychologie derrière le sérieux, le verbe, l’argument de la raison incontestable. Ils sont les archétypes de la folie moderniste et de la politique de l’“idéal delà puissance”, qui se poursuit avec Obama & compagnie, sous la houlette attentive et inflexible du système anthropotechnique du Pentagone. Tous ces hommes sont des marionnettes à l’incontestable intelligence, et même pas corrompues, – les pires, en vérité, car, dans de telles conditions, un corrompu ou un salopard est toujours préférable à un vertueux et à un sage.
Enfin, on retrouve l’habituelle obsession sécuritaire de la même psychologie américaniste, multipliée et rendue monstrueuse et monstrueusement inefficace par le mythe du système du technologisme et des vertus de la technologisme. Cette obsession rencontre la même obsession, cette fois à la l’encontre du terrorisme, avec la recherche presque systématique des meilleurs moyens de mal le combattre. Imaginer qu’on tire un ICBM Minuteman pour liquider à 10.000 kilomètres de distance un Mollah Homard se baladant sur sa bicyclette au Pakistan est si grotesque, si dérisoire, que les bras vous en tombent avec un bruit sec, – tout cela sous les yeux tranquilles et apaisés d’un Poutine ou d’un Medvedev se tapant sur le ventre : “mais oui, cet CBM n’est pas pour nous, il est pour le Mollah Homard, nous n’avons rien craindre”. Le simplisme provocateur d’un tel programme, outre les diverses remarques psychologiques vues ci-dessus, règle aussi vite l’argument à son propos.
La seule note optimiste, comme dans tant d’autres cas, notamment les anti-missiles, est l’incurable et inéluctable paralysie du Pentagone, qui n’est littéralement plus capable de porter à son terme un programme sérieux, notamment un programme aussi politiquement polémique que celui-ci.
Mis en ligne le 24 avril 2010 à 11H37
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