Derrière la crise iranienne, celle des ABM en Europe

Bloc-Notes

   Forum

Un commentaire est associé à cet article. Vous pouvez le consulter et réagir à votre tour.

   Imprimer

 369

Les échos de la rencontre Poutine-Sarkozy sont restés très parcellaires et contradictoires, notamment à cause des aspects polémiques des personnages, des rapports franco-russes, de la politique étrangère de Sarkozy, etc. Une rapide synthèse de Novosti, du 11 octobre, nous donne d’intéressantes précisions. Elle nous confortent notamment dans l’analyse que nous faisons depuis quelques temps (voir notre F&C du 19 septembre, dans la partie consacrée à la Russie) selon laquelle les Russes pourraient bien élargir la crise iranienne à celle des anti-missiles (ABM) US en Europe, en liant les deux cas.

Extraits:

«Pour l'instant, Moscou et Paris doivent faire face à des problèmes bien plus urgents. Il s'agit du programme nucléaire iranien et du système de défense antimissile que les Etats-Unis ont l'intention de déployer en Pologne et en République tchèque sous prétexte de se protéger de la menace nucléaire iranienne. “J'espère que M. Sarkozy a retenu la déclaration de Vladimir Poutine selon laquelle la Russie ne dispose pas de preuves objectives de l'aspiration de l'Iran à fabriquer des armes nucléaires”, a indiqué Vladimir Evseïev, expert de l'Institut de l'économie mondiale et des relations internationales de l'Académie des sciences de Russie. Si les technologies balistique et nucléaire iraniennes continuent à se développer aux cadences d'aujourd'hui, Téhéran ne pourra créer un missile nucléaire que dans 15 ans. “Pour créer des missiles, les Iraniens utilisent, pour l'essentiel, les technologies nord-coréennes, mais la Corée du Nord abandonne graduellement les activités de son secteur nucléaire”, affirme M. Evseïev.

»La persévérance avec laquelle les Etats-Unis défendent leur programme de déploiement d'éléments de leur système de défense antimissile sur le territoire de la Pologne et de la République tchèque commence à préoccuper de plus en plus la France. “Nicolas Sarkozy a discuté avec Vladimir Poutine de la défense antimissile américaine”, a confirmé à RBC Daily une source proche de la diplomatie russe. La France prévoit de réintégrer les structures militaires de l'OTAN, mais le déploiement d'un ensemble aussi imposant d'ouvrages militaires sur des territoires de l'Alliance ne relevant pas du commandement unifié commence à irriter les Français.

»La perspective du déploiement du système américain de défense antimissile en Europe de l'Est n'arrange ni la Russie ni la France, chacune ayant sur ce point ses propres considérations. Si Moscou et Paris réussissent à coordonner leurs positions à ce sujet, la Russie recevra un argument supplémentaire au cours des négociations avec les Etats-Unis sur le problème de la défense antimissile.»

Il est intéressant d’apprendre que cette question de la crise des ABM a été évoquée par Poutine-Sarkozy. Il faut également noter les indications données ici sur l’évolution de la position des Français, — irritation grandissante, — à propos de cette question et sur le lien qui s’établit de facto entre elle et la question de la réintégration de la France dans l’OTAN.

La crise des ABM en Europe est pour l’instant une crise rampante. Il semble que se répand actuellement une prise de conscience de l’ampleur du problème qui, dans certains cas, indique a contrario le degré de sous-information régnant jusqu’alors. C’est notamment le cas des institutions européennes, notamment de la Commission. Jusqu’alors, la crise était peu ou prou ignorée, et fort mal documentée (quand elle l’était), et laissée au réflexe pro-US habituel (du type : “puisque les Américains le font, c’est qu’il doit y avoir une raison”). Désormais, on commence à mesurer son potentiel déstabilisant, et surtout la dimension très contestable de l’initiative US dans le paysage européen, notamment son ferment de division des pays européens et la faiblesse, voire la spéciosité de l’argument du déploiement. Même Barroso aurait exprimé en termes vifs sa préoccupation dans ce sens, au mécontentement des représentants des deux pays impliqués (Pologne et Tchéquie).


Mis en ligne le 12 octobre 2007 à 13H37