Des Etats-Unis socialistes d'Europe ?

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Des Etats-Unis socialistes d'Europe ?

Un article paru sur le site internationaliste trotskyste World Socialist Web Site (version française le 29 décembre 2015) fait le constat que le projet d'union politique et économique des Etats européens, sous le nom d'Union européenne (UE) est en train de s'effondrer. Nous ne pouvons que partager ce diagnostic.

Peut-être cet effondrement laissera place à une Europe des nationalismes et des militarismes. Peut-être parallèlement transformera-t-il ce qui reste d'institutions européennes, Commission, Parlement, monnaie unique en ectoplasmes politiques plus que jamais soumis aux intérêts de Washington et de Wall Street. Washington continuera à utiliser les pays européens comme des machine de guerre contre la Russie et demain contre la Chine. Wall Street pour sa part étendra partout en Europe la domination de la finance américaine. Nationalismes et américanisation en retour ne seront pas incompatibles. Le triomphe de la seconde nourrira les réactions – d'ailleurs impuissantes – des premiers.

Mais pourquoi, se demande le WSWS, cette impuissance des Etats européens à réagir face à la dislocation de l'UE, et ce refus bientôt majoritaire du projet européen par les citoyens du Continent. C'est parce que l'UE ne rassemble pas les peuples de l'Europe, mais a toujours été une arme des plus puissants intérêts économiques et financiers contre les travailleurs et producteurs de valeurs économiques. L'UE est la preuve vivante qu'il est impossible d'unir le continent sur une base capitaliste.

La défense de la propriété capitaliste et la libre circulation des capitaux et des profits, qui constituent le fondement des traités de l'UE, ont comme conséquence la domination du grand capital par l'intermédiaire des Etats où il est le mieux implanté. Au lieu d'atténuer les contradictions nationales et sociales, la concurrence entre grands intérêts capitalistes en Europe les pousse à l'extrême.

«  L'élargissement de l'UE vers Europe de l'Est il y a une décennie n'a pas apporté la démocratie et la prospérité. Les nouveaux États membres ont servi de source de main-d'œuvre bon marché aux grandes sociétés européennes. On y a saccagé les acquis sociaux, les salaires sont restés bas et le chômage élevé ; seule une petite élite corrompue jouit de la prospérité ».

Le grand capital américano-européen, particulièrement bien représenté en Allemagne, a profité de la crise financière de 2008 pour imposer une austérité sociale sans précédent au nom de l'assainissement budgétaire. En Grèce, qui a servi de modèle, le niveau de vie moyen a diminué de 40 pour cent en quelques années. L'ensemble des pays du sud sont engagés dans de tels processus destructeurs. Ils seront bientôt rejoints par des pays réputés plus solides, comme la France.

Ce grand capital a refusé d'utiliser les capacités d'investissement productif permises par l'euro pour mettre en place des entreprises et des services publics qui auraient concurrencé et définitivement décrédiblisé politiquement l'Europe du libre échange transatlantique.

Les populations ont été conduites par les médias officiels à penser que le salut face à la crise provoquée par les abus de grand capital ne se trouvait que dans le renforcement de l'austérité, l'abandon de tous projets industriels, scientifiques et sociétaux qui avaient permis le redressement de l'Europe après la seconde guerre mondiale.

L' article conclut dans les termes suivants: « Le danger d'un éclatement de l'UE est réel. De nouvelles guerres et dictatures au sein de l'Europe se profilent. Ce danger ne peut être prévenu par la défense de l'UE, mais par une lutte acharnée contre elle et contre le système capitaliste sur lequel elle repose.

La seule façon d'unir l'Europe dans l'intérêt de ses peuples, d'utiliser ses vastes ressources dans l'intérêt de tous et d'empêcher de nouvelles guerres, est la réalisation des États-Unis socialistes d'Europe. Seule la mobilisation indépendante de la classe ouvrière européenne sur la base d'un programme socialiste puisse mettre fin à la catastrophe imminente » 

Une 5e Internationale

Nous ne pouvons pour notre part que partager ce diagnostic, même si le concept de classe ouvrière européenne, cher à la dialectique trotskyste, nous paraît un peu réducteur. Reste cependant à proposer ce que pourrait être la méthode permettant de transformer l'Europe en une fédération d'Etats socialistes, compte tenu de la quasi-soumission de ces Etats, sous leur forme actuelle, au grand capital américano-européen. Et que pourrait être le contenu de ce qu'il faudrait bien alors appeler, pour mobiliser les opinions, une nouvelle Internationale européenne, noyau actif d'une nouvelle Internationale mondiale.

L'on ignore généralement en Europe que Hugo Chavez, en 2009, s'était posé la question de ce que pourrait être une 5e Internationale (1), prenant le relais de l'actuelle 4e Internationale, paralysée par ses divisions. Le programme qu'il avait proposé pour construire cette 5e Internationale, en dehors de points spécifiques adaptés à la lutte du socialisme sud-américain face aux Etats-Unis, comportait quelques aspects  qui pourraient selon nous servir à bâtir cette 5e Internationale à partir d'exigences qui devraient être celles des partis « révolutionnaires » européens.

Nous lisons notamment dans le texte de ce projet 1), des dispositions qui mériteraient d'être adoptées- avec d'éventuelles atténuations, par ceux qui voudraient construire les Etats-Unis socialistes d'Europe, pour reprendre le terme du WSWS, seuls capables de sauver la grande ambition européenne.

* Un programme anti-impérialiste et anti-capitaliste de revendications d'urgence, qui parte des revendications et besoins sociaux des classes populaires, propose une nouvelle répartition des richesses, l'appropriation publique et sociale des secteurs-clés de l'économie et débouche sur la transformation révolutionnaire de la société.

*L'unité d'action de toutes les organisations, courants, militants contre les attaques des gouvernements et des classes capitalistes.

* L'indépendance des mouvements sociaux, des associations et des organisations syndicales vis-à-vis des partis et des États.

* La solidarité avec toutes les luttes des peuples contre toutes les puissances impérialistes.

* La lutte contre les oppressions et la défense des droits des femmes, des homosexuels, des jeunes et des immigrés.

* La lutte pour des gouvernements des travailleurs et des classes populaires qui satisfassent les principales revendications sociales et écologiques, s'appuient sur la mobilisation de la population et son contrôle sur les principaux secteurs de l'économie. Cette perspective implique de ne pas participer à des gouvernements de gestion de l'État et de l'économie capitaliste avec les partis du centre gauche ou de la social-démocratie.

* Le caractère central de l'auto émancipation et de l'auto organisation des peuples dans le projet de renversement du capitalisme.

* Un projet écosocialiste qui combine la satisfaction des besoins sociaux ainsi que le respect et l'équilibre de notre écosystème. En ce sens, nous avons beaucoup à apprendre des peuples indigènes d'Amérique du Sud et de leur rapport à la terre.

* La démocratie socialiste comme projet de société : autogestion de l'économie, démocratie, et pluralisme des partis et mouvements sociaux.

Répétons-le. Si ce texte était formulé dans un langage plus conforme aux habitudes politiques européennes, il pourrait certainement être repris par les différents Fronts de gauche européens. Pourquoi ne pas penser que, la crise actuelle s'aggravant, il ne pourrait pas être repris par de nouvelles majorités électorales dans toute l'Europe, y compris en Allemagne.

Jean-Paul Baquiast

 

Note

1) Voir Chavez : Pour une 5e Internationale socialiste ! (Article de François Sabado, 4ème Internationale, 6 décembre 2009.)