Des figures féminines pour des règles oppressives

Les Carnets de Badia Benjelloun

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Des figures féminines pour des règles oppressives

Guigou, Lebranchu, Alliot-Marie, Dati, Taubira et maintenant Belloubet ces deux dernières décennies le Ministère de la Justice a pu s'enorgueillir d’être le département régalien à avoir été dirigé par le plus grand nombre de femmes.

Or selon un certain adage, toute profession qui se féminise se paupérise voire selon ce qui a pu être observé dans le corps enseignant, médical et paramédical en France se dévalorise, monétairement et symboliquement. 

Les Gardes des Sceaux, féminins ou non ne disposent que d’un budget de plus en plus restreint et ne peuvent conduire à leur terme ni les réformes de la magistrature accablée par des procédures de plus en plus chronophages ni les aménagements pénitenciers requis par un chiffre de la population carcérale en constante augmentation. Cependant, chaque nouvel exécutif sollicite les élus de la nation transformés en une chambre de pur enregistrement afin qu’ils votent pour une nouvelle couche de règles et de lois. Elles  viennent s’accumuler sur des sédiments déjà bien abondants amoncelés par ce phénomène parasitaire que la France absolutiste puis napoléonienne et enfin jacobine républicaine fait et exporte le mieux, une bureaucratie productrice de règlements à l’infini soit inutiles car déjà existants soit contradictoires.

Cela vient de loin, enfin pas de si loin

Bien sûr, on l’admet, il est plus que rébarbatif de suivre la profusion d’articles sécrétés par l’appareil législatif qui viennent modifier les codes administratif, pénal et commercial tout au long des différents quinquennats qui se succèdent. Mais quelques éléments saillants peuvent être pointés qui signent une tendance répressive dont l’épicentre se trouve outre atlantique car depuis longtemps ce sont les Usa qui donnent le ton en matière culturelle, idéologique et politique.

La chute des trois tours de Manhattan ainsi que la destruction de toute une aile du Pentagone une certaine journée septembre 2001 a été l’occasion d’édicter toute une panoplie de dispositions, la loi USA Patriot Act qui effacent la distinction entre les attributions des services de renseignement extérieur et des agences fédérales quand il s’agit de terrorisme. Toute personne soupçonnée de terrorisme peut être détenue sans que ne lui soit signifiée une quelconque motivation et sans limitation de durée. Enfin, les services peuvent accéder aux données informatiques des particuliers et des entreprises sans mandat et sans en avertir les personnes concernées. La Guerre contre la Terreur a été lancée. Le cadre juridique en a été défini. L’ennemi à combattre a de même été trouvé et désigné, de plus en plus précisé au fur et à mesure des années, l’Islamiste, voire le simple musulman.

Le soupçon en lieu et place de la preuve

En France, sous prétexte de renforcer la lutte contre la criminalité et le terrorisme, Marylise Lebranchu fait adopter le principe que la garde à vue sera possible sur des soupçons alors qu’elle ne pouvait être conduite que sur un faisceau d’indices. Dans la Section I de la loi n° 2002-307 du 4 mars 2002, dans son article 2, on fait remplacer dans le cadre d’une loi « renforçant la protection de la présomption d’innocence », il est explicitement écrit : les mots : « des indices faisant présumer » sont remplacés par les mots : « une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner ».

Nous sommes dans le cadre d’un gouvernement socialiste, celui de Jospin, tout acquis à la modernité de la globalisation c’est-à-dire de la dérégulation du capitalisme financier sous la férule d’un Pascal Lamy, commissaire au commerce à la Commission européenne pour le commerce entre 1999 et 2004 avant d’être promu à la tête de l’OMC en 2005. D’un côté, on enferme sur simple soupçon sans la moindre preuve pour étayer la mesure punitive, de l’autre, on ouvre les frontières pour le capital qui a horreur d’être emprisonné dans des règles.

L’effacement du rôle du juge d’instruction

L’appareil répressif n’a cessé de s ‘enrichir.

Les lois Perben II ont réalisé sous la Présidence de Jacques Chirac une réelle refonte du cadre législatif qui s’intéresse à la criminalité en bande organisée grâce à laquelle tout un panel de mesures ‘d’exception’ est applicable avec cependant un problème d’affectation de ressources humaines. Des perquisitions peuvent se faire de nuit, les écoutes  sont plus faciles, les gardes à vue peuvent durer quatre jours et quatre nuits etc…

La loi du 9 mars 2004 comporte un volet qui modifie les équilibres entre la juridiction chargée de réunir les preuves et de poursuivre les auteurs des infractions, le parquet et les juges de siège, ceux qui jugent les affaires qui leur sont soumises de manière indépendante du Ministère de la Justice. Les pouvoirs des juges d’instruction, juges de siège et inamovibles, obligatoirement impliqués en cas de crimes, peuvent désormais être contournés. En effet, le parquet avec l’aval d’un juge de la détention et de la liberté qui ne connaît que de manière succincte l’affaire sur laquelle il aura à se prononcer, peut investiguer avec les mêmes moyens techniques que le juge d’instruction.

Les magistrats de parquet ne sont désignés que sur proposition du Ministre, ceux du siège sur avis conforme voire proposition du Conseil Supérieur de la Magistrature.

Autrement dit a été instaurée plus qu’une entorse au principe de la séparation de l’exécutif et du juridique. Ainsi est garantie la dépendance (encore relative) de la justice par rapport aux instances de l’exécutif.

Hollande meilleur que Sarközy

Sarközy a choisi de placer à la Justice une jeune femme issue de l’immigration remarquable pour sa frivolité et son aveugle obéissance avec pour unique mission la mise en application de ce qu’il concoctait comme mesures répressives depuis qu’il était à l’Intérieur sous Chirac.  Le principe des peines plancher pour les récidivistes a été adopté. Mais de nouveaux délits furent inventés, les mineurs peuvent être présentés devant les magistrats pour comparution immédiate même si la Garde des Sceaux n’a pu faire admettre que le droit applicable aux mineurs ne soit pas limité à l’âge supérieur de douze ans. 

La fausse bonhomie du Président normal, élu à l’évidence par défaut, grâce en bonne partie à l’épouvantail à longue durée d’action de la famille Le Pen, a vite disparu avec les lois d’exception qui encadrent un État d’urgence sans cesse reconduit après les attentats de novembre 2015. Bien avant le 13 novembre trois lois anti-terrorisme sont votées, celle de décembre 2012, puis celle de novembre 2014. Cette dernière crée les interdictions administratives de sorties du territoire et le délit d’entreprise individuelle  (*) de terrorisme. Elle alourdit la punition de l’apologie du terrorisme. Enfin, une loi est consacrée au renseignement à l’été 2014. 

Trois jours après les attentats de Paris, c’est la révision de la Constitution qui est proposée pour durcir l’état d’urgence,  lequel sera reconduit sans cesse jusqu’aux élections présidentielles. En lieu et place de faits tangibles, des notions floues sont introduites, comme le ‘soupçon raisonnable’,  un ‘comportement de nature à provoquer une menace pour l’ordre public’. Elles permettent de condamner et d’embastiller un grand nombre de personnes. Pas n’importe lesquelles, car il existe un réel profilage ethnique de la part des forces de répression, cependant les défenseurs des droits humains, les opposants syndicaux et politiques sont aussi attaqués. 

Les perquisitions de nuit, près de 5000, et les assignations à résidence, environ quatre cents, sont particulièrement traumatisantes.

La dernière loi de juin 2016, plus de 120 articles, a intégré toutes les mesures réclamées par la droite hormis la détention préventive des fichés S. 

Cette  atmosphère délétère de terrorisme d’État divise plus encore le peuple de France et désigne la descendance des immigrés des ex-colonies comme la classe dangereuse.

Elle a permis le passage en force de la loi Travail qui entérine l’enterrement du Code du Travail protecteur du salarié face à la toute-puissance de l’employeur dans un contexte de chômage structurel permanent. Cette régression a été portée par un Ministre météore, une jeune femme issue de l’immigration cornaquée par le futur Président, portant à un degré supérieur la perversion du système. Après Dati commise pour emprisonner les enfants délinquants des quartiers populaires, c’est encore une ‘Rebeu’ qui porte la responsabilité du détricotage des droits des travailleurs. Ce ne fut pas sans peine, car il a fallu la matraque des 49-3 pour le faire valider.

Pourquoi ne s’indigner que maintenant ?

Macron pour sa part a intégré l’essentiel des dispositions de l’Etat d’urgence du chef de gouvernement précédent dans une nouvelle (encore une) loi antiterroriste d’octobre 2017. Réponse durable selon l’ancien commis de la banque Rothschild  à une menace durable. En principe, il sait à quoi s’en tenir car il a connaissance des réseaux français qui alimentent le terrorisme en Syrie en armes, logistique, renseignement et exfiltrations d’agents au besoin. 

En particulier, y figure l’assouplissement des perquisitions par la police et des assignations à résidence. Les perquisitions deviennent des « visites », ‘c’est-à-dire qu’elles ne se feront plus obligatoirement à l’initiative de la justice, mais à la demande de l’autorité administrative.’ De plus, cette loi fait la part belle aux entreprises de sécurité privée, autorisées à la palpation et la fouille dans certains périmètres.

Voilà un petit rappel historique à l’usage des pleureuses qui s’indignent que l’on perquisitionne sauvagement un élu de la République. Plus besoin de preuve, un simple soupçon suffit à vous mettre en cellule. Le juge d’instruction indépendant est remplaçable par le parquet. Les perquisitions sont une simple visite diligentée par une autorité administrative. Aussi, voir s’égosiller un député lors d’une perquisition ordonnée pour des motifs de droit commun et protester de sa sacralité constitue un spectacle étrange. Sacré où ? L’immunité parlementaire ne dispense personne d’être assujetti à la loi dans un État réputé de droit. Toutes les lois antiterroristes dont n’ont été esquissées ici que le squelette de quelques-unes n’ont jamais dissuadé un terroriste de passer à l’action tant il sait qu’il y perdra sa vie. Elles sont faites pour faire respecter un certain ordre, celui des donneurs d’ordres, le patronat et le CAC 40 entre autres.

La panoplie répressive progressivement étoffée depuis que la sécurité est devenue un enjeu électoral imposé comme (seul) programme politique est mise à profit pour écarter les rivaux politiques par le chef de l’exécutif de l’heure. L’amplification par les médias, adroitement composée, des torts réels ou simplement allégués du concurrent finira par l’achever avant même le scrutin. Ce n’est pas sans rappeler les techniques des communicants néoconservatrices à l’œuvre lors des campagnes présidentielles américaines, rumeurs et attaques ad hominem, qui défont l’adversaire en lice et le font parfois renoncer à se présenter. Ainsi en a-t-il été de Fillon, coupable pour ses positions non russophobes  plus que  pour sa pratique d’emplois fictifs, sport exercé par la majorité des élus. Peut-être sera-ce le sort d’un Mélenchon pas assez versé dans le philosionisme. On ne peut donc qu’être surpris de la candeur de ce Mélenchon face aux ‘abus policiers’ à son encontre, ce phénomène bien connu des ‘jeunes des quartiers’ contrôlés avec une rudesse prescrite parfois une dizaine de fois dans la journée et des ‘fichés S’ totalement innocents assignés à résidence. Dans un bel ensemble unanimiste, les élus avaient tous voté pour la destruction de la Lybie, de la Syrie et pour l’intervention au Mali. La classe politique, inculte (?) et inconsciente des raisons réelles du ‘devoir d’ingérence’, ne comprend pas qu’elle paie pour les effets en retour d’une expansion du terrorisme qu’elle a contribué à favoriser.

L’uniformisation du Droit à l’échelle des pays occidentaux a été dictée par les besoins géostratégiques des Usa et la nécessité de disposer d’un ennemi pour justifier leurs dépenses de sécurité et de «défense ». Cette magnifique trouvaille offre de plus l’occasion en raison d’un terrorisme soutenu mais peut-être pas toujours totalement contrôlé par ces mêmes puissances d’aliéner les peuples en leur proposant un dérivatif à leur situation d’exploités de plus en plus opprimés.

 

Note

(*) Un seul individu  peut être à l’origine d’une résurgence de Daesh ! à condition d’un Allah ou Akbar plus ou moins bien articulé !!