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352Il s’avère, d’après divers articles et échos, que le président Sarkozy, contrairement à ses propres affirmations publiques, n’a pas reçu le soutien de ses collègues chefs d’Etat et de gouvernement dans cette affaire des roms, dont on comprend aisément qu’elle puisse être décrite comme vitale pour l’avenir de l’Europe. The Independent consacre un article à la question, ce 18 septembre 2010. Piquons-en quelques extraits, pour l’ambiance, y compris pour recueillir l’avis de la presse de province française qui proclame que la France est en effet affreusement isolée.
«The German Chancellor Angela Merkel has rubbished a claim by President Nicolas Sarkozy that she planned to follow France's example and bulldoze Roma camps in Germany. The humiliating disavowal by France's closest ally left President Sarkozy more isolated than ever in his battle with the European Union over his campaign against Roma migrants from eastern Europe. […]
»President Sarkozy's performance at the Brussels summit, where he had angry exchanges with the European Commission President, Jose Manuel Barroso, had already been widely condemned in both the French and the European press. In a speech in Berlin yesterday, the European Justice Commissioner, Viviane Reding, repeated that Brussels was “considering” legal action against France for “picking on an ethnic minority”.
»Ms Reding apologised on Thursday for suggesting that France's actions could be compared with Nazi persecutions in the Second World War. But she made it clear yesterday that her “suspicions” that Paris was systematically breaking EU laws on free movement of European citizens had not changed. […]
»Newspapers across France, and across the European Union, yesterday lambasted President Sarkozy for his performance. French newspapers pointed out that, despite his sweeping claims, President Sarkozy's only ally on the Roma issue was the Italian Prime Minister, Silvio Berlusconi.
»“Sarkozy and Berlusconi against the rest of the world!” said the Dauphiné Libéré. Even the conservative Dernières Nouvelles d'Alsace said that President Sarkozy had no right to pose as a defender of French laws and values. The leaking of the anti-Roma circular had “isolated France”, the newspaper said. The country's “credibility” was being seriously wounded because of Mr Sarkozy's “hasty electoral calculation” that attacking the Roma would help to restore his popularity.»
Ainsi donc apprenons-nous que, plus que jamais, le sort de l’Europe, et de la civilisation que prétend représenter l’Europe par conséquent, est bien lié au sort des roms et au sort des principes qui accompagnent ces différents destins (l’Europe, la civilisation, les roms). Dans cette surprenante bouillie pour les chats qu’est devenu le débat européen porté à ce niveau de micro gestion des diverses tensions moralisantes et par conséquent postmodernistes, au milieu des crises diverses et eschatologiques qui s’entrechoquent autour de nous sans vraiment éveiller l’intérêt pour ce qu’elles expriment de la part de ces divers réseaux de dirigeants politiques, que peut-il réellement sortir ? Entre la presse moralisante, la Commission européenne qui se convainc qu’elle a trouvé un rôle à sa mesure en s’instituant gardienne de la vertu qui reste à l’Europe, l’Allemagne gardienne de sa propre vertu démocratique et le président français qui ment éventuellement et diversement selon la variable de la courbe des sondages, où donc trouver quelque pitance ? L’Europe désolait, rendait furieux, désespérait les uns et les autres ; aujourd’hui, elle rend incrédule dans ses longs débats pompeux et néanmoins fougueux sur le sexe des anges, au rythme des éditos de BHL et de sa bande.
Cela observé assez banalement, tout espoir n’est pas perdu, – ce qui est émettre, d’autre part, une autre banalité, – pour constater, au bout du compte, que l’activité des dirigeants de notre époque, à mesure inverse de la crise générale qu’ils se gardent bien d'affronter, est marquée du sceau de la banalité, ce qui assure qu’ils ont bien des difficultés à réellement contrôler la marche des choses… Quoi qu’il en soit et à propos de cette affaire dont certains voudraient faire un cas exemplaire de proclamation des principes sur lesquels repose la civilisation, alors qu’il n’y a plus guère de civilisation, nous pouvons avoir tout de même de plaisantes surprises. Les uns et les autres, emportés par la fougue de discours où l’emphase s'explique parce que ces discours n’engagent ni les intérêts fondamentaux ni les décisions essentielles, pourraient, sans le vouloir, avoir enclenché la mécanique de quelque machine infernale. D’un côté, la Commission européenne, qui ne déploie politiquement une puissance abstraite que par des principes moralisants, peut effectivement être tentée de poursuivre sa bataille anti-française sur les principes universels soulevés à propos de l’affaire des roms. D’un autre côté, la France, emmenée par un président qui tente de se refaire un capital électoral sur la question sécuritaire, et par conséquent à propos du cas des roms qui permet d’affirmer une volonté symbolique à cet égard, peut très bien se trouver dans la position d’avoir impérativement à ne pas céder. (Parce que céder constituerait, bien entendu, pour Sarkozy, un désastre pré-électoral à mesure inverse de ce qu’il attendait de cette mesure.) Dans ce cas, on verra se déployer avec une insistance revendicatrice, du côté français, le principe selon lequel les principes de la souveraineté nationale, des “lois de la République”, ont prééminence sur les empiètements de l’affirmation supranationale de la Commission. Par des biais tordus et selon des arguments sollicités, on peut effectivement en arriver à un affrontement qui conduirait à quelques vrais problèmes intéressants à débattre, qui sont au cœur du dilemme européen, entre les pressions supranationales et les résistances nationales.
Rien n’est assuré à cet égard mais c’est une possibilité. Il faut en suivre les signes éventuellement annonciateurs. Le fossé est si béant et si profond entre la réalité virtualiste des débats “politiques”, qui n’ont plus rien de politique dans leur substance, et la vérité des situations politiques, que les dirigeants perdent de vue les cas où leur dialectique fougueuse fondée sur leur virtualisme peut soudain les faire basculer dans la confrontation directe avec cette “vérité des situations politiques”. Observons sans plus nous emporter que la rencontre entre les deux peut avoir lieu, et s’avérer explosive.
Mis en ligne le 18 septembre 2010 à 23H45
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