Des voeux amers pour l'Irak

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Des voeux amers pour l'Irak


29 décembre 2003 — Qu’est-ce qui nous indique la durée ? Qu’est-ce qui nous restitue la réalité ? Entre la capture de Saddam et tout le cirque organisé autour et la réalité de la situation en Irak, il est difficile d’hésiter longtemps. Les montages virtualistes, s’ils ont le poids immédiat du conformisme des élites qui le répercutent comme des automates pour eux, ne cessent de montrer leur fragilité dans l’immédiate confrontation avec la dureté de la réalité.

Concernant l’Irak, — situation générale et réelle, disons, — les nouvelles sont mauvaises, très mauvaises. La capture de Saddam n’a guère changé la tendance et elle risque à terme, par contraste, de la rendre encore plus embarrassante. La tendance, c’est le Washington Post, pourtant inébranlable soutien du régime washingtonien, qui nous entretient là-dessus, dans deux articles dans l’édition du même jour.

• D’une part, un long texte nous dit que le Grand Dessein irakien se meurt. Les ambitions US, aujourd’hui dans ce pays, sont au niveau du rabibochage et du compromis contraint. Les néo-conservateurs restent à leur poste mais leur grande idée d’une démocratisation (c’est-à-dire l’“américanisation”) de l’Irak, entraînant celle du Moyen-Orient, puis celle du monde, ne cesse de s’abîmer dans les remous irakiens.


« The United States has backed away from several of its more ambitious initiatives to transform Iraq's economy, political system and security forces as attacks on U.S. troops have escalated and the timetable for ending the civil occupation has accelerated.

» Plans to privatize state-owned businesses — a key part of a larger Bush administration goal to replace the socialist economy of deposed president Saddam Hussein with a free-market system — have been dropped over the past few months. So too has a demand that Iraqis write a constitution before a transfer of sovereignty.

» With the administration's plans tempered by time and threat, the U.S. administrator of Iraq, L. Paul Bremer, and his deputies are now focused on forging compromises with Iraqi leaders and combating a persistent insurgency in order to meet a July 1 deadline to transfer sovereignty to a provisional government.

» “There's no question that many of the big-picture items have been pushed down the list or erased completely,” said a senior U.S. official involved in Iraq's reconstruction, who spoke on the condition of anonymity. “Right now, everyone's attention is focused [on] doing what we need to do to hand over sovereignty by next summer.” »


• La situation de la sécurité en Irak continue à se dégrader. Les attaques pour la période de Noël ont été sévères et le Washington Post du même jour trace un tableau consternant de l’évolution de la tendance pour les troupes américaines.


« The number of U.S. service members killed and wounded in Iraq has more than doubled in the past four months compared with the four months preceding them, according to Pentagon statistics.

» From Sept. 1 through Friday, 145 service members were killed in action in Iraq, compared with 65 from May 1 to Aug. 30. The two four-month intervals cover counterinsurgency operations, far costlier than major combat operations, which President Bush declared over on May 1.

» Increases in those wounded in action have been equally dramatic this fall. Since Sept. 1, 1,209 soldiers have received battlefield wounds, more than twice the 574 wounded in action from May 1 through Aug. 30.

» Nor have casualties tapered off since the capture of former Iraqi president Saddam Hussein on Dec. 13. Through Friday, 12 service members were killed in action and 105 were wounded with Hussein in custody. »


On relève toutes ces conditions après huit mois de troubles et deux ou trois occurrences où il nous fut annoncé que les forces américaines réussissaient enfin à s’imposer et à rétablir le calme. Aujourd’hui, comme note Robert Fisk avec une ironie fatiguée, la technique dialectique du “plus ça va plus mal, plus ça va mieux” s’est généralisée. Paul Bremer en use et en abuse.

La technique consiste à dire que les attentats et les attaques augmentent parce que la “reconstruction” ne cesse de marquer des points, c’est-à-dire que les choses vont plus mal parce que les choses vont mieux. Il fallait y penser, on y a pensé. D’ailleurs, les autorités américaines annoncent régulièrement, depuis la fin de l’été, qu’il va y avoir une recrudescence des troubles, comme s’ils assuraient contrôler la situation et connaître le secret ultime, — car après ces troubles, c’est bien sûr, les choses vont s’arranger (sorte de “après la pluie, le beau temps”, preuve que les forces armées américaines, l’administration GW et tutti quanti de la même bande ont une sorte de culte pour la pensée et les conceptions développées par le flaubertiens Bouvard et Pécuchet, au siècle dernier, époque de la bêtise triomphante par le culte du lieu commun).

Écoutons Robert Fisk :


« But the looking-glass effect seems to have taken hold of US pro-consul Paul Bremer's entire authority. Like President George Bush, Bremer has now taken to repeating the absurdity that the greater the West's success in Iraq, the more frequent will be the attacks on American troops.

» “I personally feel that we'll actually have more violence in the next six months,” he said a couple of week ago, “and the violence will be precisely because of the fact that we're building momentum toward success.” In other words, the better things become, the worse they're going to get. And the greater the violence, the better we're doing in Iraq. »


C’est comme si la situation semblait être fixée dans une chute régulière. Parfois, la machine virtualiste semble reprendre le dessus, — une visite-surprise de GW avec fausse dinde au menu, quatre jours de répit ; capture de Saddam, une semaine de répit ; comme on le sait, cela ne dure pas.

La situation irakienne s’installe dans une dégradation structurelle. Elle y est aidée par l’étonnante persistance du désordre impliqué par l’effort américain de “reconstruction”, notamment en raison de la complète liberté laissée aux contractants US, des firmes privées souvent proches de personnalités de l’administration.

En témoigne, ci-dessous, le rapport de l’intervention de la société Bechtel dans la reconstruction d’écoles en Irak.


«  According to the Defense Department’s own figures, only “1,812 schools out of 11,939 schools damaged in some way” by the US attack have been rehabilitated. Bechtel International Systems holds the lucrative USAID (US Agency for International Development) contract to repair more than 1,200 Iraqi schools.

» The Atlanta Journal-Constitution reports that “One frustrated American, Maj. Linda Scharf, a civil affairs officer, ordered a survey of 20 Bechtel-repaired schools in her area. She found dangerous debris left in playgrounds, sloppy paint jobs and broken toilets. ‘The work was horrible,’ she said.”

» Bechtel won the largest Iraq reconstruction contract, worth about $1 billion, to repair everything from schools to hospitals to ports. The corporation has received about $48 million for school repair, or about $38,000 per school.

» Bechtel’s work has been remarkably shoddy. Baghdad primary school principal Fawzyia al Ali expressed her disappointment in an interview with the Boston Globe (December 21, 2003): “‘When they came, they promised me a lot and had an agreement with a big company for construction,’ Ali said recently while standing by the sewage, which welled up after workers dug in the wrong place to find a septic tank. ‘I had a lot of hope. They promised a lot, and the result was the opposite.’” »