Destruction d’un mythe (le JSF)

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Cela fait maintenant un à deux ans que la construction virtualiste du programme JSF connaît une décadence de plus à plus accélérée, des fissures graves, des à-coups significatifs, etc. Cela suscite des oppositions d’autant plus forte que l’impression grandit d’avoir été floué pendant des années par cette même construction virtualiste. Il faut signaler ici un excellent article de Hans Vogel, dans la Pravda du 30 avril 2009, qui offre une analyse de démystification de ce qui fut souvent considéré comme un mythe, un symbole et une application de l’irrésistible puissance US.

Il doit apparaître comme un autre symbole, par rapport à ce qu’était la situation des informations respectives il y a trente ans d’ici (surtout du fait de la Pravda, le côté occidentaliste étant moins évident), de constater la valeur et l’intelligence de cette analyse sur ce programme JSF, par comparaison à la pauvreté, la platitude, le conformisme et la servilité des analyses qui paraissent sur ce sujet dans les presses “officielles” en Occident (pas seulement US), – bien sûr, hors d'Internet dont on connaît brio à cet égard. Pour bien fixer l’importance de ce constat, justement, Vogel situe l’importance du sujet et montre, à notre grande satisfaction tant cela rejoint nos thèses, que le JSF dépasse très largement, on dirait ontologiquement, le domaine dont il dépend théoriquement; il en fait, très justement, une sorte de miroir et d’extension significatifs du destin des USA, – dans tous ses avatars, dans son destin de décadence et de désintégration accélérées, – cela, au travers de l’introduction et de la conclusion de l’article, qui se renvoient l’interprétation:

«Sometimes, it would seem, the fate of entire nations is intimately connected to specific items. The highly publicized Joint Strike Fighter is precisely such an item. When the project was first launched, this assertion would merely cause some eyebrows to be raised in surprise. Today, however, the JSF is going through as deep a crisis as the United States. Its development seems to follow the same ups and downs as the nation from which it hails. […]

»…It seems that as the US itself is moving inexorably toward the abyss, the fate of the JSF may be seen as its faithful reflection. It would not surprise me if the JSF would undergo the same fate as Argentina's once admired jet fighter “Pulqui II” (have you ever heard of it?). It was supposed to be superior to anything then flying, but the program never made it beyond the prototype stage. Before this aeroplane could be produced in any quantity, Argentina experienced one of its deepest crises and the entire program was shelved. If that will not be the JSF's fate, it certainly looks very likely now. It certainly seems nobody will be able to stop the US from disintegrating. I am sure some would resent this, but many, many people around the world would be very, very happy indeed.»

L’interprétation générale de la signification du programme JSF est brillante, tant elle se sépare, avec toute la justification du monde, du domaine calfeutré, limité et volontairement réducteur, de la technologie, des performances et des paramètres obscurs, des appréciations pompeuses de données théoriques incompréhensibles, des évaluations théoriques satisfaites et sans rapport avec la réalité, et ainsi de suite. Au contraire, Vogel se réfère aux emportements virtualistes généraux des USA, à la croyance arrogante et utopistes sur l’exceptionnalité de ce pays, aux références complaisantes sur son rôle dans une non-histoire américaniste caractérisée par le refus des contingences laissées aux autres besogneux du Rest Of the World regroupés dans l’histoire commune du monde, sur sa supériorité méprisante et ontologique par conséquent. L’idée du programme JSF sorti dans sa conception spécifique de la conception générale qui présidait aux idées originales de la Fin de l’Histoire de Fukuyama est particulièrement enrichissante, ainsi que la suggestion implicite que le JSF n’était finalement pas autre chose qu’une émanation technologique et aérospatiale de la faveur manifeste que Dieu a fait aux Etats-Unis d’Amérique, d’ailleurs sur l’exigence assurée de des mêmes Etats-Unis qu’il ne s’agissait là que de reconnaître l ‘évidence de sa spécificité “beyond history”…

«Originally touted as the ultimate fighter plane, superior in all respects to anything that had ever flown before it, the JSF was supposed to do anything its operators would request it to do: intercept, strafe, bomb, reconnoitre, patrol, in short, take on every rôle imaginable. It would do all that and still beat the competition. The JSF was supposed to be the aeronautical equivalent of superman. To top it off, the JSF was to be equipped with stealth technology so as to render it invisible to enemy air defenses. Needless to say, few in the US were surprised at these specifications, since from early on, US children are raised with the idea that their country is superior. Here, then, was an aeroplane that personified everything the US likes to believe about itself. It was to be, so to speak, the very nation with wings, which really means a lot, since in the US they seem to believe the Air Force is God itself. I am sure future theologians, historians and historical anthropologists will have a field day doing research on this topic.

»Begun in the early 1990s in order to replace a number of obsolescent warplanes in the US and other air forces, the JSF program was to produce an aeroplane that would render everything else useless and defenseless. Could it be that the publication of Fukuyama's book on “the End of History” inspired the JSF planning team? Indeed, during the early nineties, optimism was running so high that nothing actually seemed too far-fetched, no goal unattainable. It would seem the US had finally secured its long yearned-for position as the world's sole superpower. The circle had been closed, history had ended, the JSF program could be launched. In 2001, Lockheed-Martin was pronounced the winner of the competition, defeating a design by Boeing.»

Le reste de l’analyse rapporte les circonstances, le développement, la propagande virtualiste étourdissante qui nimbent ce programme, les problèmes sans nombre qui sont apparus et se sont développés, et n’ont pu être finalement dissimulés. Vogel décrit le désenchantement qui, finalement, a commencé à s’installer chez les “vassaux” mobilisés pour participer au programme, jusqu’à des circonstances ressemblant à des défaites stratégiques. Les images choisies pour résumer la chose sont heureuses, justes, complètement significatives de la substance de cette aventure: «Its recent renaming to “Lightning II” has not yet caught on. By now, people have come to realize that, as with Hollywood movies, anything that carries a numeral in the title is of poor quality.»

C’est un événement important, l’apparition d’analyses de cette sorte, qui vont au cœur de l’imposture stratégique et virtualiste qu’est le JSF, effectivement en parallèle avec la mise à nu de la réalité américaniste que l’arrivée d’Obama a plutôt accélérée à cet égard. Il s’agit de la destruction d’un mythe aux capacités inquiétantes d’aliénation de la puissance souveraine d’un nombre important de pays, ces capacités étant désormais remplacées par l’enchaînement de ces pays à une entité faussaire en train de sombrer.

Les seuls à croire encore entièrement au mythe du JSF sont les américanistes du programme eux-mêmes, et les plus acharnés à cet égard étant les gens de JPO-LM (JSF Program Office au Pentagone et Lockheed Martin), qui constitue le pool de propagande virtualiste du programme. Cela doit nous conduire, au travers des erreurs d’évaluation et des choix malheureux qu’implique cette position, à d’autres avatars du programme JSF. Il y aura de plus en plus, effectivement, de possibilités sérieuses de très graves prolongements.


Mis en ligne le 1er Mai 2009 à 11H57