Détail mexicain, en marge des préoccupations françaises: une possible intervention US

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La presse et les TV françaises “officielles” en général nous donnent ces derniers jours quelques soucis de digestion, intellectuellement s’entend, – discrètement, certes, mais la nausée tout de même. Réduire le dossier mexicain, qu’on aborde puisque l’Autorité Suprême qu’on sait s’y rend, à peu près au destin sans doute malheureux d’une jeune femme embastillée, – voilà qui donne la nausée. Ce système atteint un état d’inexistence frénétique, avec son intelligence réduite aux acquêts de la futilité galopante et du goût absolument effrénée du conformisme. Il importe donc de le laisser à ses douleurs bienséantes et bienpensantes, à ses gémissements humanistes, à ses papotages de bonne sœur émoustillée de la laïcité et des droits de la femme.

Il reste que le Mexique, c’est autre chose. Ainsi relève-t-on que les militaires américanistes confèrent sérieusement, entre eux et avec leurs autorités civiles, notamment l’amiral Mullen avec le président BHO ce dernier week-end, à propos de la situation au Mexique et d’une possible intervention (US, of course). Mullen vient de faire une tournée en Amérique latine, pour rameuter les amis, et il a terminé cette tournée par le Mexique où il a parlé avec ses compagnons d’arme mexicains. Le site WSWS.org publie deux articles sur le Mexique, la visite de Mullen et les consultations entre Mullen et Obama, les 9 mars et 10 mars.

Retenons ces extraits sur la rencontre Mullen-BHO, de l’article du 10 mars

«Joint Chiefs of Staff Chairman Admiral Michael Mullen briefed President Barack Obama over the weekend on the so-called drug war in Mexico and the prospect of increased US military involvement in the conflict south of the border. Mullen had just returned from a six-day tour of Latin America, which took him on his last and most important stop to Mexico City. There he held meetings with Mexico's secretary of national defense and other top military officials and discussed proposals for rushing increased US aid to Mexico under the auspices of Plan Merida, a three-year, $1.4 billion package designed to provide equipment, training and other assistance to the Mexican armed forces.

»In a telephone press conference conducted as he returned from Mexico, Mullen said that the Pentagon was prepared to help the Mexican military employ the same tactics that US forces have applied in counterinsurgency operations in Iraq and Afghanistan. The US military, he said, was “sharing a lot of lessons we have learned, how we've developed similar capabilities over the last three or four years in our counterinsurgency efforts as we have fought terrorist networks.” He added, “There are an awful lot of similarities.” […]

«[Mullen] said that in his meetings with Mexican military officials he had discussed US aid focusing on “intelligence, surveillance and reconnaissance,” or ISR in US military parlance. He indicated that intelligence-sharing had already been implemented, but that “there are additional assets that could be brought to bear across the full ISR spectrum.”

»In the first instance, this could mean the deployment of US manned surveillance aircraft as well as unmanned drones over Mexican territory. It could likewise suggest the deployment of Special Forces units or military “contractors.” Mullen refused to answer when questioned whether unmanned drones had already been deployed over Ciudad Juarez and other Mexican cities.

»According to an unnamed US military official cited by the Associated Press, the meeting between Mullen and Obama on Saturday focused on how to increase US military aid. “Clearly one of the things the president was interested in was the US military capability that may or may not apply to our cooperation with the Mexicans,” the official said. “He was very interested in what kind of military capabilities may be applied.”

»In a March 1 television interview, Defense Secretary Robert Gates sounded a similar note, praising Calderon for having “taken on the battle” against drug trafficking by deploying the army and claiming that the “old biases against coopération” between Mexico and the Pentagon were “being set aside.” As a result, Gates added, Washington was prepared to provide the Mexican military “with training, with resources, with reconnaissance and surveillance kinds of capabilities.” The indications of more direct US military involvement follow a growing chorus of official as well as media reports portraying Mexico as a potential “failed state” and a mounting threat to US national security.»

Les analyses de WSWS.org à propos de l’affaire mexicaine conduisent à des constats méthodologiques intéressants. Dans l’exposé de ces affaires, on ressent évidemment la critique acerbe et à vif des tendances interventionnistes US d’une part, de l’épouvantable situation sociale au Mexique, consécutive à l’application débridée du système libéral et oligarchique, d’autre part. Implicite également, on distingue l’appréciation critique faite contre cette “guerre contre la drogue”, dans la mesure essentielle où ce trafic de drogue est le résultat évident des conditions sociales du Mexique, – et, aussi, de la pression US, tant au niveau des mœurs que du “libéralisme” chaotique qui préside à l’absence de contrôle de la circulation des armes. A cet égard, le pâle et médiocre Calderon a raison lorsque, dans son entretien avec Le Monde du 5 mars, il nous parle des causes de cette situation dans la gravité où on la voit: «Parlons des causes. La première, c'est le consommateur américain. Si les Etats-Unis n'étaient pas le plus gros marché de drogue au monde, nous n'aurions pas ce problème. Il y a aussi le commerce des armes. En deux ans, nous en avons saisi 33 000, dont 18 000 de gros calibre, des lance-missiles, des milliers de grenades, des engins capables de perforer des blindages. Or l'écrasante majorité avait été achetée aux Etats-Unis, y compris du matériel qui est la propriété exclusive de l'armée américaine. En 2004, (l'administration Bush) a levé l'interdiction de vente qui pesait sur des armes très dangereuses.»

Pourtant, cette sorte d’analyse, qui est évidemment fondée, pêche par les cibles qu’elle choisit (et l’on comprend qu’elle les choisisse si l’on a à l’esprit la pesanteur idéologique gouvernant ces analyses de WSWS.org). Elle rate l’essentiel de cette situation mexicaine, qui est le fait d’une situation mexico-américaniste de crise gravissime en train de se développer, c’est-à-dire la pénétration aux USA du désordre des pays hors de la zone occidentaliste, désordre combiné de la globalisation et de la criminalisation au-dessus de la souveraineté des nations. Ces facteurs (pays en désordre, globalisation, criminalisation) étaient perçus, dans le rangement habituel de la crise, comme “extérieurs” à l’espace occidentaliste; avec le désordre mexicain dans les conditions où il évolue, cet aspect du danger “extérieur” devient “intérieur” aux USA. C’est un point où le désordre suscité à l’extérieur par la globalisation du système américaniste revient, comme un boomerang, vers le berceau de ce désordre, le menaçant d’autant. C’est un autre aspect de ce que nous identifions comme la “contraction” de la politique extérieure déstructurante des USA.

Une autre dimension des nouvelles concernant la crise mexico-américaniste, – ainsi faudrait-il l’identifier désormais, – concerne ces perspectives d’intervention militaire US, qui n’ont rien d’expansionniste mais constituent au contraire des mesures de tentative de sécurisation de l’espace intérieur US, – donc, participant plus de la crise intérieure US que de la politique expansionniste à la Bush. Si, effectivement, le Pentagone entend appliquer les recettes de l’Irak et de l’Afghanistan concernant la “guerre contre la drogue”, il risque de rencontrer bien des déboires. Outre le “succès” de ces méthodes qui reste à démontrer, l’environnement est complètement différent. Lancer des reconnaissances de drones qui pourraient laisser place à des attaques de ces engins, comme au Pakistan, avec les dégâts dits “collatéraux” comme au Pakistan également, risque d’avoir un tout autre impact politique sur la frontière Mexique-USA, avec effets directs aux USA, éventuellement chez les latinos. Lancer les forces spéciales ou des “contractants” avec leurs habitudes de brutalité, de mépris des lois et de corruption, au milieu de l’univers de la “guerre contre la drogue”, risque aussi d’avoir des effets explosifs. L’un des résultats de telles actions pourrait être de rendre les “forces narco-trafiquantes” plus populaires auprès de la population, déjà confrontée aux pratiques violentes de l’armée mexicaine censée les protéger. (WSWS.org rappelle ces observation de Strafor.com: «As it pursues the cartels, the Mexican military is more like an occupying power chasing local insurgents than an agency of the central government enforcing the rule of law. Organized criminal assailants in Mexico, like insurgents in Iraq and Afghanistan, are difficult to distinguish from innocent civilians and can mount attacks then quickly blend into the population.»)


Mis en ligne le 10 mars 2009 à 15H19